Qui vous a raconté de telles sornettes ?
Certainement quelqu’un qui n’hésiterait pas à se rendre à la mairie pour obtenir un HLM ou d’autres aides d’état.
Il ne veut pas donner d’importance à l’institution non juive –sauf quand il en a besoin, c’est ça ?
Et pourquoi –au juste- ne pas donner d’importance à l’institution non juive ? Par racisme envers les « vilains goyim » ?
A-t-il un projet de Djihad ?
Il veut « judaïser » la France, peut-être ?
Aïe aïe aïe, où va-t-on ?
Non seulement il faut donner de l’importance à l’institution non juive qu’est l’Etat français représenté ici par le maire, mais il faut aussi la respecter.
On ne peut pas décemment vivre dans un pays, en profiter comme tout citoyen et mépriser en parallèle ses institutions.
C’est ce moquer du monde -enfin tout au moins de la France.
La loi française interdit aux rabbins de marier religieusement deux personnes sans que celles-ci ne se soient préalablement unies aux yeux de la république.
L’article 433-21 du code pénal http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=B1B2D1A5AF968FC200F31B63385B043B.tpdjo06v_3?idArticle=LEGIARTI000006418591&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20140928
indique que «
Tout ministre d’un culte qui procédera de manière habituelle aux cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil, sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7500€ d’amende »
(Cf.
La querelle religieuse, Quinze siècles d’incompréhensions -de Daniel Amson- Odile Jacob 2004, p.292)(voir aussi l’
Essai comparatif et critique du rôle du juge dans la procédure de divorce entre le système judiciaire français et israélien, de Guy Fitoussi, 2007 . p.107 note 341)
Allez demander à un rabbin –même orthodoxe, le
Rav Rottenberg par exemple- de vous marier (en France), il refusera si vous ne vous mariez pas auparavant civilement.
C’est la loi et nous sommes tenus de la respecter en tant que citoyens français ET en tant que juifs.
Cette obligation religieuse concernant ce point précis a été notifiée pour la première fois par le
Rav Yossef David Sintzheim, dans ses
Takanot (§III) (en accord avec les décisions antérieures de l’an 1802 -plus précisément du 1er pluviôse et du 1er prairial an 10 - et confirmées par
l’article 199 du code pénal de 1810)
(J’attire l’attention au passage sur une faute de frappe dans l’édition bilingue originale de Sétier fils, Paris 1812, sur cette takana, paragraphe commençant par Assanhedrin, il y a un Tav au lieu d’un Hé au début du mot Anikra)
Les juifs français et récemment revenus à la pratique religieuse (=les baalei tshouva des deux -voire trois- dernières décennies) pensent souvent que le respect de la France va de pair avec l’assimilation ou l’abandon de l’espoir messianique, c’est totalement faux.
Nous sommes ici en galout et notre religion nous impose de respecter le pays qui nous « accueille/héberge », un citoyen a des droits mais aussi des devoirs envers le pays duquel il est citoyen.
Nous sommes tenus de respecter la France et ses institutions non seulement par le bon sens mais aussi par la religion juive qui nous demande –certainement pas de nous
assimiler, mais de nous
intégrer.
Intégration ne comporte pas l'idée d'adaptation et d'annulation de soi qui se retrouve dans assimilation.
Il faut s'intégrer tout en restant de vrais juifs dans tous les sens du terme; que ce soit au niveau de la pratique ou au niveau de l'esprit.
Cette intégration n’est pas supposée prendre le dessus sur nos lois religieuses, le respect de la ala’ha reste une priorité même en galout, mais nos dites lois ne sont aucunement incompatibles avec les devoirs d’un citoyen français.
Si les lois françaises venaient à changer en nous interdisant de respecter la Thora, nous ne serions plus tenus de respecter la loi française, mais tenus de quitter le territoire français.
A ma connaissance, aucune loi française ne s’oppose à la Thora, nous pouvons donc « ala’hiquement » vivre en France, mais en respectant ce pays.
La ala’ha nous impose de respecter les lois locales et enfreindre cette ala’ha ira souvent de pair avec une transgression supplémentaire -et des plus graves : le ‘hilloul Ashem.
Cette idée et ce sentiment méprisant envers le pays dans lequel nous vivons se retrouvent plus particulièrement chez les français, comme je l’écrivais plus haut.
A l’opposé, les (juifs) américains professent un très grand respect envers les institutions et lois civiles des Etats unis.
Si le patriotisme extrême qui animait les juifs américains il y a encore quelques décennies commence à se faire plus rare
[quoique toujours existant, voir par exemple les pages de dédicace très convaincantes imprimées à la fin du Shout Arif avec les annotations du fabuleux Gaon Reb Wolf Leiter zt’’l de Pittsburgh dans l’édition de 2003 par son fils Abba Leiter (réédition de l’original de 1954)], il règne toujours aux USA un sentiment de respect pour le pays et ses institutions qui me fait penser au patriotisme juif français d’avant-guerre.
Je veux parler des juifs français même dans les milieux religieux et rabbiniques.
Voyez, parmi tant d’autres exemples, le livre «
Lettres de Mir » du
Grand Rabbin Ernest Gugenheim (1916-1977) –père de l’actuel GR de Paris, le
GR Michel Gugenheim.
(au passage : la veuve du
Rav Ernest Gugenheim en question est récemment décédée, en juin 2014, quelques 37 ans après son époux.)
Dans ce livre vous trouverez des lignes qui ne trompent pas et révèlent un sentiment patriotique aujourd’hui disparu.
Voyez par exemple la
lettre du 20 février 1938 (p.61) où il parle de la difficulté pour les juifs polonais de comprendre que les juifs français n’essaient même pas de se faire réformer du service militaire (voir encore
p.50).
Plus loin
(p.105 et aussi p.108), nous voyons que les festivités du 14 juillet occupaient une place importante à ses yeux.
Voyez aussi son livre posthume
« Les portes de la loi » (Albin Michel 1982)(de la p.266 à la p.274) (ce livre aurait plutôt dû être nommé "Les portes de la joie" car l'auteur avait pensé au titre "Shaarei Sim'ha", voyez page 14) et consultez encore les
Takanot du
Rav Sintzheim (la Takana VI –
et là je passe sur les fautes de frappe dans la partie en hébreu de l’édition originale précédemment citée, car il n’y en a pas qu’une).
Ce patriotisme qui disparaît (même chez les non juifs, d’ailleurs) est regretté par le
Grand Rabbin Sitruk, voyez par exemple dans son livre autobiographique
« Chemin faisant » (p.299).
En fait, le lien que certains font entre cette attitude et la religion pourrait avoir un rapport avec le fait que l’on puisse ressentir un certain mépris perceptible en filigrane dans des sfarim (surtout ceux du XIXème siècle en Europe de l’Est, mais pas seulement).
Ainsi certains néophytes naïfs comprennent que pour s’inscrire « dans le mouvement » il serait nécessaire de marquer un dédain envers les institutions non juives, histoire de gagner ses galons de « froum » et s’affirmer en tant que véritable « religieux » de la plus pure race et dans la plus pure tradition.
Là où ces crédules benêts pêchent, c’est qu’on ne doit jamais se comporter de manière qui semble illogique sans avoir de solides raisons de le faire -dont une transmission bien établie et transmise par un maître digne de ce nom
(ce qui indiquerait que la logique est sauve même si l’on ne comprend pas comment, on ferait confiance à cette personne digne de confiance) .
Pas toute conduite qui pourrait paraître méritoire se doit d’être adoptée sans « transmission » si elle peut comporter une face sombre.
Dans le
Talmud (Sanhedrin 11a) les Sages font état d’une conduite qui semble bien méritoire -et la jugent en tant que telle mais en se demandant de quel maître s’est inspiré celui qui l’a mise en pratique.
On pourrait se dire qu’il n’est nul besoin d’imiter un maître pour décider de bien agir et ce serait vrai, mais comme cette bonne conduite pourrait aussi contenir un aspect moins louable, il convient de constater ce choix chez un maître indiscutable et dans des conditions similaires avant de la mettre en pratique.
Or ici, malgré que nous puissions trouver des comportements ressemblants chez les Anciens, ce n’est jamais dans des conditions comparables.
Dans leur cas, ils avaient affaire à de vils personnages dont l’antisémitisme ne connaissait pas vraiment de limite et qui se comportaient souvent comme des barbares.
Rien à voir avec la France d’aujourd’hui, b’’h.
Donc, à votre question : «
J'aimerais donc savoir si il y a réellement un problème halahique, ashkafique ou moussarique à cela », je réponds OUI, il y a un problème ashkafique et moussarique à dénigrer l’institution de la république française en dépréciant la valeur du mariage civil à la mairie au point d’inventer un issour de s’y rendre.
Bien sûr, cette cérémonie ne saurait revêtir un quelconque caractère religieux, mais ce n’est pas sa prétention –si ce n’est aux yeux des imbéciles qui s’y opposent.
Un principe talmudique
(Baba Kama 113a)(Baba Batra 54b)(Nedarim 28a)(Guitin 10b) stipule que la loi du pays fait office de loi vis-à-vis de la Ala’ha (=
Dina Demal’houta dina).
Ce principe est unanime
(Ritva Nedarim 28a), même si la définition de son champ d’application est discutée.
D’aucuns pensent que cela ne s’applique que pour les « prérogatives royales »
(Méiri BK 113)(Rashba cité par le
Beth Yossef en fin de §XXVI)( cf.
Rivash §203 et
Maguid Mishné il’hot Malve velové §XXVII, 1. Mais voir
Ran & Rashba guitin 10a et
Ramban Baba Batra 55a), alors que d’autres résument l’application de cette règle aux seules lois liées aux terrains (Cf.
Rama HM §369, 8 (yesh omrim) ,
Maarashdam HM §224, Maarik Shoresh 188, Beth Yossef HM §369 au nom du Rosh Nedarim III et Morde’hai BK §X, 322).
Quoi qu’il en soit, tout ce qui est décidé pour l’ordre public et le bien de la société fait office de loi selon tout le monde dans la mesure où cela ne contredit pas la Thora (cf.
Maarik shoresh 192, Rama HM §369 et Sha’h HM §73, 39).
Le prophète
Jérémie (XXIX, 7) et la
mishna dans Avot (III, 2) nous enjoignent à rechercher la prospérité et la paix de l’endroit où D. nous exile et de prier pour cette localité, cela ne passe certainement pas par la promulgation d’un interdit de se rendre à un mariage d’un proche à la mairie.