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Le Meor Enaim

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Ouri299
Messages: 41
Bonjour rav

En lisant dans le Maharal dans le Béer Hagola dans le Béer 6 on voit très clairement la véhémence des propos qu'utilise le Maharal pour parler d'Azaria dei Rossi. On s'étonnera alors à la lecture du Tosfoth Yom Tov (lui-même éleve du Maharal) dans Menahot 10;3 qui cite le Meor Enaim et le qualifie de haham. Il ressort de ce que dit Maharal que ce qualificatif ne tient pas la route pour qualifier cet auteur.
Auriez-vous une réponse à ce retournement de veste du Tosfoth Yom Tov ?

Cordialement.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Il n’y a pas de « retournement de veste » de la part du Tosfot YT dans la mesure où il n’a jamais critiqué le Meor Enayim, ce n’est que le Maharal qui l’a fait et on peut penser que son élève ne partageait pas son avis, rien de plus.
Ça ne serait pas la première fois…

Le Tosfot YT ne s’opposait pas à tous ceux que le Maharal n’appréciait pas.
Le Maharal n’aimait pas beaucoup le Shoul’han Aroukh non plus…
Et ce dernier (=rav Karo) s’était vraisemblablement opposé au Meor Enayim lui aussi, ses élèves auraient écrit une lettre racontant que le rav Karo, après avoir lu le Meor Enayim, décréta qu’il fallait l’interdire et a demandé à ses élèves de lui rédiger une lettre d’opposition qu’il signerait, hélas suite à cela, le rav Karo tomba malade et décéda.

Les élèves ne sachant que faire ni comment l’interpréter, décidèrent de raconter les faits, sans pouvoir promulguer d’interdit au nom du rav Karo à présent décédé.

Cela n’a pas empêché le Tosfot YT non plus de lire ce livre , tout comme de nombreux autres Talmidei ‘Hakhamim qui ont lu le Meor Enayim, tout en sachant que le rav Karo ne devait pas l’apprécier.

Je ne sais pas si certains se sont dit que le décès subit du Rav Karo était à interpréter comme un signe du Ciel pour empêcher l’interdit que le rav Karo voulait diffuser, ou s’ils se sont seulement dit qu’ils ne partageaient pas ses vues, mais le fait est que plusieurs Gdolei Israel ont lu ce livre et certains le citent, nommément, dans leurs œuvres.

Dès lors, le fait que le Tosfot YT l’ait lu lui aussi n’a rien de si perturbant.
Rafa2007
Messages: 45
Kvod haRav
Pourrions-nous avoir plus de précisions svp sur l'avis qu'avait le Maharal du Shulhan Aroukh ? Pourquoi ne l'aimait-il pas ? Où est-ce qu'il le dit ? Cela concerne-t-il aussi le Beth Yossef, Kessef Michné, etc. ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Citation:
Kvod haRav
Pourrions-nous avoir plus de précisions svp sur l'avis qu'avait le Maharal du Shulhan Aroukh ? Pourquoi ne l'aimait-il pas ? Où est-ce qu'il le dit ? Cela concerne-t-il aussi le Beth Yossef, Kessef Michné, etc. ?


Là où le Maharal s’explique le plus à ce sujet, il ne nomme pas explicitement le Shoul’han Aroukh, mais le dit bien indirectement. Voyez Netivot Olam, Netiv Hatorah (§15).

Cela ne concerne pas du tout le Beit Yossef ni le Kessef Mishné, ce n’est pas contre la personne, mais contre le concept d’un livre figé de Halakha.

Pour le Maharal, il faut décider de la Halakha en fonction du Shas. Il faut étudier le Shas et on y trouvera la règle à suivre dans chaque situation.

Il y écrit que si le Rambam et le Tour ont écrit, EUX AUSSI, des résumés halakhiques, ils n’avaient pas l’intention d’en faire un livre duquel le lecteur déciderait de la halakha sans connaitre les souguiot desquelles elle sort.
Le « eux aussi » indique qu’il avait dans le collimateur un autre livre de halakha, il n’attaquait ni le Rambam ni le Tour.
De qui parlait-il alors ?
Vous l’avez deviné, du Shoul’han Aroukh.

Il lui reproche de faire un livre (sans explications, que le Psak) duquel on apprendrait la halakha, alors qu’il ne convient pas de l’apprendre autrement que par les souguiot.

Il y a beaucoup à dire sur ce sujet, et j’indique au passage que le Maharal décide que le Shoul’han Aroukh aurait été écrit pour qu’on en apprenne la halakha, ce qui est contredit par de nombreux commentateurs du Shoul’han Aroukh qui affirment que tel n’est pas le but du livre et qu’il serait très dangereux d’être Possek halakha par une lecture de ce livre (Shoul’han Aroukh).

Et en parallèle, le Maharal affirme aussi que le Rambam n’avait pas l’intention que l’on puisse être possek à partir de son livre, mais qu’il pensait assurément qu’on aurait recours d’abord au Talmud et que le Mishné Torah ne servirait qu’à indiquer ce qu’est la maskana selon le Rambam.
Or, tout le monde sait que le Rambam écrit dans sa préface exactement l’inverse de que le Maharal veut lui faire dire…

Ailleurs, le Maharal se lâche plus quant à la désignation du Shoul’han Aroukh, voir son Droush Al Hatorah (imprimé à la suite du Beèr Hagola) (p.48), et surtout dans Derekh ‘Haim (VI,7, p.305) où il critique la « table dressée »…

Mais, comme dit plus haut, l’idée est mieux présentée dans Netiv Hatorah.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Je suis tombé sur votre question, sans voir que j'y avais déjà répondu!
j'ai donc rédigé une réponse sans savoir que je l'avais déjà fait.
Mais comme j'ai parfois tendance à être un peu plus bavard et à élargir le sujet, je poste cette "seconde réponse" qui pourra aussi apporter un éclairage supplémentaire:

Citation:
Kvod haRav
Pourrions-nous avoir plus de précisions svp sur l'avis qu'avait le Maharal du Shulhan Aroukh ? Pourquoi ne l'aimait-il pas ? Où est-ce qu'il le dit ? Cela concerne-t-il aussi le Beth Yossef, Kessef Michné, etc. ?


Non, ce n’était pas contre la personne elle-même ; le Maharal n’avait pas des comptes à régler avec Rav Yossef Karo, c’est son livre Shoul’han Aroukh qu’il n’appréciait pas, pas ses autres Sfarim qui n’ont rien à voir et sont très différents.

D’autres Gdolim n’appréciaient pas le Shoul’han Aroukh, des critiques et oppositions se sont multipliées dès sa sortie et durant les années suivantes.

Le Maharal (Netivot Olam, Netiv Hatorah §15) considère qu’on ne devrait pas trancher la Halakha à partir d’un livre tel que le Rambam ou Shoul’han Aroukh, sans avoir en tête les Souguiot, la halakha se base sur l’étude du Talmud.

Ce n’est pas le seul qui n’ait pas apprécié le Shoul’han Aroukh, de nombreux auteurs des générations qui ont suivi ont insisté pour dire que l’étude du Shoul’han Aroukh SANS les Nossei Kélim qui y ont été ajoutés, est un réel danger, tant cela mènerait le lecteur à l’erreur.

Voyez Maharsha Sotah (22a), Drisha (dans la Hakdama), Maadanei Yom Tov (Hakdam de Brakhot), ‘Hida (Shem Hagdolim II, Shin, §75) et beaucoup d’autres. Voir aussi Mishna Broura (Hakdama) et Shoul’han Gavoha (Klalim §1) qui indique plusieurs autres auteurs en ce sens.

Le Maharam Lublin (shout §102) écrit qu’il ne s’intéresse pas au (livre) Shoul’han Aroukh car c’est un ouvrage hermétique (=incompréhensible) tel quel (et voir aussi §135 et §11).

Les critiques touchent parfois aussi le Beit Yossef (à partir duquel le Shoul’han Aroukh a été écrit, c’en est un résumé), notamment sur le choix arbitraire de sélectionner 3 « Amoudei Horaa » (Rif, Rambam, Rosh) et trancher selon la majorité de ce Beit Din fictif.

Le Maharshal par exemple (Yam Shel Shlomo Hakdama de ‘Houlin et voir aussi Hakdama de Baba Kama) se demande de quel droit le Rav Karo décide que seuls ces trois- là seraient dignes du titre pompeux dont il les affuble « Amoudei Horaa »?
Pourquoi les nombreux Tossafistes se voient disqualifiés d’office ?
Pourquoi les autres Rishonim (Ran, Ramban, Ritva, Rashba, Or Zaroua, Rashi, Rabénou ‘Hananel, et tant d’autres) ne devraient pas être considérés eux aussi ?
Comment Rav Karo s’arroge-t-il le droit de décréter qui sont les Rishonim à retenir ?

Voir aussi Shout Maharshakh (I, §134) qui indique que des rabanim contemporains du Rav Karo se sont opposés à lui directement (face à face) pour ce choix étrange.

Qui a dit qu’il fallait sélectionner 3 « Amoudei Horaa » ? Et si c’était le cas, pourquoi choisir ces trois-là ?

Il se trouve que R. ‘Haim Palacci s’est distingué en choisissant (lui aussi) ses trois Amoudei Horaa, qui furent : le Rashba, le Méiri et le ‘Hikrei Lev ! (cf. Tsavaa Me’haim p.98, §65.)

Et comment rejeter les Tosfot ? et Rabénou Tam ?

Le Yad Aharon (Alfandéri) (o’’h §3) (cité par Yad Malakhi klalei Harambam §28) écrit qu’on ne tranchera pas comme le Rambam lorsqu’il est en désaccord avec les Tosfot car ils sont plus nombreux.

Le ‘Havot Yaïr (§192) va encore plus loin et cite le Rosh qui rapporte une transmission selon laquelle les Tossafistes étaient plus grands en Torah que le Rambam.
Donc même UN seul tossafiste devrait l’emporter contre le Rambam.

Le Rivash (§394) écrit à propos de Rabénou Tam que personne ne peut se mesurer à lui en Pilpoul depuis l’époque de la compilation du Shas, qu’il était « Sinaï et Oker Harim » à la fois, très profond et très subtil, etc. Et qu’il faisait le poids face à Rashi, le Rif ou Rabénou ‘Hananel, voire même peut-être encore plus grand qu’eux en ‘Harifout et en Bekiout…

Et quelle est cette attitude qui consiste à suivre la majorité d’un tribunal fictif (sans que les trois aient pu se concerter entre eux et délibérer en discutant des preuves de chacun) ? Il faudrait au contraire confronter toutes les opinions et voir qui a raison, au lieu de s’en remettre à une majorité. Etc.

Un autre point (que le Maharshal ne soulève pas d’ailleurs et je m’en étonne) me semble aussi très important : Comment Rav Karo nous dit (Hakdama du Beit Yossef) qu’il va suivre la majorité entre ces 3 « Amoudei Horaa », alors que nous savons que le Rambam considère que le Rif avait quasiment toujours raison et ne se serait trompé (selon lui) que sur une dizaine de points [et qu’ils sont en désaccord sur une trentaine ou quarantaine de points maximum].

Les points de divergence entre eux sont extrêmement rares comme le répète le Radbaz (§1128, 1140, 1188, 1482) au point qu’il est légitime de penser, en cas de doute sur la position du Rif, qu’elle correspond à celle du Rambam (Radbaz §835, 1128).
Le Ralba’h aussi l’écrit (§110 et 128).

Autrement dit, le Rambam suit le Rif dans 99% des cas, et suivre la majorité entre ces trois-là signifie en réalité suivre le Rambam -et c’est d’ailleurs globalement ce que fait le Shoul’han Aroukh ! (globalement, car en réalité, il ne suit pas toujours lui-même sa propre règle de trancher selon la majorité de ces trois auteurs.)

[Plus encore, le Rosh aussi se serait beaucoup basé sur le Rif, voir Shakh dans Takfo Cohen (§46) et Shem Hagdolim (I, Alef, §236, daf 17c).
Voir aussi Arim Nissi (Yevamot p.350 §21) pour qui le Rosh reprend souvent les phrases du Rif texto , ce qui rendrait donc ce choix des 3 Amoudei Horaa encore plus absurde… ça serait une manière d’imposer le Psak du Rambam, puisque ces trois Amoudim se rejoignent très souvent.
Sans parler du fait qu’il arrive des cas où le Shoul’han Aroukh tranche comme le Rambam alors qu’il est en minorité et que le Rif ET le Rosh sont en désaccord avec lui.

Par exemple dans o’’h (§422,2) où le S.A. dit de ne pas faire la Brakha sur le Hallel de Rosh ‘Hodesh, pas même le Shalia’h Tsibour.
C’est l’opinion du Rambam (hil. ‘Hanouka §3,7), alors que le Rif et le Rosh disent que le Shalia’h Tsibour doit faire la Brakha (et pour le Rosh même le Ya’hid fait la Brakha).

La motivation du Rav Karo étant que le Minhag en Israël était de suivre le Rambam.

D’après cela, le rav Khalfon Moshé Hacohen (Shout Shoel Venishal II, §29) écrira qu’en dehors d’Israël, il est logique que le Shalia’h Tsibour fasse la Brakha sur ce Hallel puisque même d’après la logique du Rav Karo on devrait suivre 2 Amoudei Horaa majoritaires contre le 3ème.
C’est uniquement un Psak pour Israël qui pousse Rav Karo à supprimer cette Brakha, mais ailleurs, on la fera.]

En réalité, Rav Karo n’a pas inventé cette règle ni ce choix des 3 Amoudei Horaa, il était déjà en vigueur avant lui en Erets Israel et dans ce secteur géographique (chez les ‘Halabim), comme on le voit chez d’autres Poskim, par exemple le Radbaz (§1140).

Ces 3 « Amoudim » ont été choisis car ils parlent -d’un point de vue Halakhique- de quasiment toutes les Souguiot du Shas, et à l’époque du Rav Karo, le Minhag était déjà répandu de suivre le Psak du Rambam dans ces pays, il n’a donc pas voulu bousculer les Minhaguim et s’est inscrit dans la lignée des décisionnaires locaux.


A part le choix des 3 Amoudei Horaa, le Beit Yossef a aussi été critiqué car son étude affaiblirait la Bekiout (car avant qu’il soit là pour nous indiquer la référence talmudique, l’étude du Tour entrainait la mémoire de l’étudiant qui essayait de se rappeler où se trouve la Souguia dans le Shas.
C’était l’argument du Mahari Ben Lev, pour lequel il interdisait à ses élèves d’utiliser le Beit Yossef.

[Jusqu’à ce qu’une fois le Mahari Ben Lev lui-même n’arrivant pas à trouver la référence, a dû avoir recours au Beit Yossef. Et il aurait, depuis lors, autorisé à ses élèves son utilisation (Yossef Be’hiri p.349). (c’est étrange, car ça n’est pas une raison de l’autoriser s’il affaiblit la Bekiout, il aurait dû leur dire d’essayer d’éviter d’ouvrir le Beit Yossef mais qu’en cas de grand besoin, ils peuvent l’utiliser.)]

Rabbi Moshé de Trani (le Mabit), contemporain du Rav Karo et rabbin dans la même ville (Tsfat) était opposé au Rav Karo lui-même ainsi qu’à ses élèves, mais c’est encore une autre affaire (cf. Yossef Be’hiri début du tome 1).

PS: J'ai été long, je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes d'orthographe et de frappe.
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