La fin de votre message n'apparaît pas, mais la question est assez claire.
L'interdit d'embrasser est lié aux hirhourim qui vont de pair, si ce n'est pas le cas, il n'y a pas d'interdit.
Par exemple, celui qui embrasse une VIEILLE tante ne transgresse certainement pas d'interdit.
En principe, un enfant de 13 ans (normalement constitué) qui embrasse une tante de 40 ans est aussi à l'abri des hirhourim.
Là où c'est moins évident c'est lorsque la tante n'est pas de beaucoup l'aînée du neveu...
Toutefois, même en l'absence de Hirhourim, les "religieux" s'abstiennent d'embrasser leur tante et autres proches
(à l'exclusion de la grand-mère et arrière-grand-mère etc., sa propre fille ou petite-fille etc.) de peur de tomber dans une situation compromettante où après avoir embrassé différentes tantes, vient le tour de la jeune cousine éloignée qui ne comprendrait pas un refus et le prendrait comme un affront.
Donc il faut savoir tenir compte du contexte: si on s'abstient d'embrasser sa tante malgré l'assurance de l'absence de hirhourim, mais uniquement de peur de tomber dans une situation embêtante, il faudra veiller à ce que cette abstention elle-même ne se transforme pas en situation embêtante...
Il faut aussi tenir compte de plusieurs autres paramètres, comme celui de savoir dans quel univers l'enfant de 13 ans évolue, s'il est le seul de sa famille/de sa classe à agir ainsi et que toutes ses tantes sont révoltées par sa conduite, ou si c'est admis dans sa famille mais il y a une tante casse-pied qui cherche un prétexte pour rouspéter...
Il ne faut pas espérer s'en tirer sans se donner la peine de bien expliquer que ce refus de faire la bise n'a rien à voir avec le mépris ou l'intolérance religieuse ou la haine ou la misogynie, il n'y a absolument pas de quoi se vexer et le prendre personnellement -au contraire, s'il fallait analyser ce refus comme personnel, c'est plutôt flatteur pour la tante, car si elle était moche il n'y aurait pas d'interdit :)
Pour bien cerner les tenants et aboutissants de ce sujet halakhique, sa part purement halakhique et celle qui relève de l'usage par convention, voyez ce que j'écrivais ici à une jeune femme demandant s'il y avait possibilité de serrer la main dans le cadre d'un entretient d'embauche:
http://techouvot.com/serrer_la_main_dans_le_cadre_du_travail-vt13136.html?highlight=
dont voici une copie partielle:
Cette question est très délicate. La majorité des décisionnaires l'interdit, cependant cet interdit est conditionné par les ir'ourim entraînés.
Le contact lui-même n'est pas interdit, sinon vous ne pourriez pas touchez votre propre père (ou mère pour un homme) non plus.
La différence entre votre père et un autre homme c'est la garantie que ce contact n'entraînera pas de ir'ourim (sensations –même minimes).
Dès lors , le contact avec un autre homme serait permis si on pouvait garantir l'absence de ir'ourim (des deux parts ; J'imagine que puisqu'il est interdit de "placer une embuche sur le chemin de l'aveugle" (Vayikra XIX,14) vous devez aussi vous préoccuper de l'autre).
Voir Sha'h yoré déa (§195, sk.20) et Rama [voir cependant le Béer Agola ad Rama] Even Aezer (XXI,5) ainsi que Baer étev Even Aézer (XXI, sk.8) qui permettent dans la mesure où il n'y a aucun doute quant à un danger de ir'our.
(Ce qui reste très difficile à affirmer systématiquement, et c'est ce qui a poussé la communauté religieuse à ne jamais "entrer en contact" de peur qu'une seule fois ce contact entraîne un ir'our –voir le Ritva à la fin de Kidoushin selon qui seul un grand tsadik peut se permettre certains contacts en ayant une réelle assurance de ne pas en venir à des ir'ourim –voir Ktouvot 17a et 75a, et Tosfot Shabbat 13a en bas).
Il pourrait y avoir une différence entre un homme et une femme concernant cette ala'ha , c'est que pour un homme ça serait doublement interdit (toujours : uniquement s'il y a des ir'ourim); un premier interdit au titre de "rapprochement qui peut amener aux rapports interdits" [interdit min athora selon le Rambam, à partir du verset "lo tikrevou legalot erva" (Vayikra XVIII, 6) qui concerne l'homme comme la femme –toujours à condition qu'il y ait un "dere'h 'hiba" dans ce rapprochement].
Et un autre interdit qui ne concerne que les hommes de "ne pas s'amener à ressentir des ir'ourim" (sauf dans le cadre du mariage, bien entendu).
Toujours est-il que cela demeure interdit aux femmes malgré tout en vertu du premier interdit.
Le rav Moshé Feinstein dans Igrot Moshé (Even Aézer IV §32, 9) écrit un "limoud z'hout" pour les religieux qui se permettent de serrer la main au travail, qu'ils le font d'une manière qui n'a rien d'affectueux et qui n'amène pas aux ir'ourim.
Mais il précise qu'il est difficile de se baser là-dessus "à priori" en ayant une confiance en soi systématique de ne pas en arriver aux ir'ourim.
Il en résulte que si vous êtes certaine à 100% de ne pas en arriver à des ir'ourim, vous avez le droit de serrer une main tendue dans le cadre d'une demande d'embauche.
(Idem dans le cadre du travail, mais c'est beaucoup plus risqué car de nouveaux collègues peuvent arriver, et il ne serait pas envisageable de refuser de serrer la main au "nouveau" seulement. Le mieux serait d'expliquer aux collègues dès le départ que pour des raisons de religion vous ne serrez pas la main aux hommes. Généralement ils comprennent ou du moins respectent).
Là-dessus, un internaute demanda ceci:
Citation:
Pourtant embrasser sa vieille tante est un cas où à 100% il n'y a pas de irour pour la totalité de la population et pourtant le rambam nous dit: interdit, et celui qui penserait à permettre (apparemment pour la raison du ritva) serait qualifié de "sot".
Apparemment le ritva explique le comportement de rabbanim capables de se connaître à 100%.
Mais le héter ne s'appliquerait qu'à eux...??? Qu'en dites vous?
(je ne voudrais pas entendre une mahloket kitsonite entre ces deux richonim, surtout que le rambam a certainement une explication au sujet des amoraim
qui ne s'abstenaient pas un neguia 100% sans irour, notamment pour réjouir les mariés)
Et voici ma réponse:
Vous auriez pu tout aussi bien citer le Shoul'han Arou'h (even aezer §XXI, 7). qui dit grosso modo la même chose.
Mais il est vrai que sa source est justement ce Rambam , donc parlons du Rambam.
Ce Rambam (Issourei Bia §XXI, 6) est à remettre dans son contexte.
Il ne dit pas qu’il y a un interdit ala’hique dans le Talmud d’embrasser sa vieille tante, il dit juste que c’est particulièrement honteux ( megouné beyoter ) et que c’est maassé tipshim (= seuls les idiots le font).
Je suppose qu’il en était de même à l’époque du Rav Yossef Karo puisque nous retrouvons ce din dans le Shoul’han Arou’h (Even Aezer §XXI, 7) (Le Tour citera aussi ce din en supprimant l’appréciation « maassé tipshim »)
Le terme « issour » utilisé n’est pas à comprendre comme un issour –même simplement miderabanan, c’est seulement une manière de mettre en garde contre une conduite reprochable.
Bien que cette explication m’ait l’air de s’imposer par le bon sens, je citerais tout de même le Batei Kehouna à titre de renfort car je crains de choquer quelques âmes sensibles en disant que le mot assour peut vouloir dire autre chose qu’un interdit ala’hique.
Le Batei Kehouna (II, ‘helek Beth din, §XII, p.17c) (cité par le Otsar Aposkim §XXI, 51 ) précise que ce langage utilisé par le Shoul’han Arou’h (qui lui vient du Rambam ) n’est que « dere’h az’ara bealma » mais ce n’est pas un issour miderabanan.
S’il faut ou non y voir une ma’hloket entre les rishonim , c’est une ma’hloket entre les a'haronim !
En effet, comment le Rambam va s’arranger avec Oula qui embrassait ses sœurs ?
D’aucuns expliqueront que le Rambam pense qu’ Oula a changé d’avis et que la ala’ha est comme cette seconde position (Maguid Mishné Issourei Bia §XXI, 6) (voir aussi Shabbat 13a qui dit qu’ Oula se contredit), d’autres diront que seul Oula qui était un Tsadik pouvait être sûr de ne pas en venir à des irourim (‘Helkat Me’hokek §XXI, 8) (Baer Etev §XXI, 12) (voir encore le Beth Shmouel §XXI, 14 et le Pit’hei Tshouva §XXI, 5 pour l’opinion du Ran ).
Ceci m’a l’air poussé, car nul besoin d’être un grand Tsadik pour s’assurer de l’absence de irourim dans certains cas.
Mais cela dépendra encore des deux versions de la gmara [dans Shabbat (13a) comme dans Avoda Zara (17a) ] (Abei ‘hadayou ou bien abei Yadayou ) (veday lamevin).
En bref, il est dit clairement dans le Talmud (Avoda zara 17a et shabbat 13a ) que ce même Oula qui embrassait ses sœurs, déconseillait de le faire.
Certains comprendront que c’est un changement d’avis et que le conseil de ne pas embrasser sa sœur est tardif.
D’autres diront que pour un tsadik c’est permis.
C’est l’opinion du Ritva (fin de kidoushin) et du Tosfot (Avoda Zara 17a et shabbat 13a) .
Si le Rambam pensait comme Tosfot ou bien comme la première explication, c’est discuté entre les a’haronim .
[Il y a d’autres explications, comme celle du Yaabets (Avoda Zara 17a) qui justifie Oula qui avait été élevé par ses sœurs.
Le Ein Eliyahou (Avoda Zara 17a ) imagine encore que le conseil d’ Oula (de ne pas embrasser…) ne concerne pas les proches parentes et que la gmara aurait pu répondre ça mais elle ne s’en est pas donné la peine (il se base sur le Maarsha et aurait pu se baser sur le Tosfot Shabbat 13a qui dit la même chose que le Maarsha ).]
Néanmoins j’ai une faiblesse pour dire qu’il était en désaccord avec Tosfot et le Ritva car dans son Peroush Amishnayot (Sanhedrin §VII p.122d) le Rambam dit clairement que c’est un revirement et changement d’avis (et non une permission pour les tsadikim).
Ce qui semble contredire le ‘Helkat Me’hokek de plein fouet.
J’opterais donc pour le Maguid Mishné en étant persuadé que le ‘Helkat Me’hokek ne m’en voudra pas, puisque lui-même préconisait d’être ‘holek contre le Shoul’han Arou’h si ce dernier nous semble s’égarer de la conclusion du Talmud .
Le Yaabets (Shéilat Yaabets II, §20) ramène au nom de son père -le fameux ‘Ha’ham Tsvi - que le ‘Helkat Me’hokek disait qu’un homme n’a pas le droit d’être décisionnaire tant qu’il ne se sent pas la force de déraciner et d’effacer un séif du Shoul’han Arou’h .
אין אדם רשאי להורות עד שיהא בכחו לעקור ולמחוק סעיף מן השו"ע
Ici, puisqu’il s’agît d’expliquer le Rambam , malgré qu’il soit envisageable de penser que ce dernier puisse avoir lui-même changé d’avis depuis la rédaction de son Peroush Amishnayot (rédigé dans sa jeunesse comme chacun sait, de 23 à 30 ans je crois), j’aurais tendance à plutôt faire confiance au Rambam qu’au ‘Helkat Me’hokek pour expliquer la pensée du Rambam .
Conclusion : pour le Rambam , il ne faut pas embrasser sa sœur même si on est un tsadik (mais le terme issour est à comprendre avec largesse).
La raison pour laquelle je laissais entendre dans mon précédent message qu’il n’est pas si dramatique que cela d’embrasser sa grande tante (et qu’il serait donc permis de serrer une main si on est sûr que le résultat serait identique à celui de serrer la main de –ou embrasser- la grande tante), c’est parce que je comprends du Rambam que le problème n’est pas de l’ordre d’un issour mais d’une conduite honteuse.
Or, ces choses-là évoluent avec les époques.
Si à l’époque du Rambam (ou d’autres) il était honteux et ridicule d’embrasser sa sœur et que seuls les idiots le faisaient (megouné beyoter et maassé tipshim), il est certain qu’il ne convenait pas à un juif de le faire.
En d’autres mots, le Rambam désapprouve clairement cette conduite CAR c’est la conduite des tipshim et que c’est megouné beyoter.
Mais si nous voyons que ce n’est pas megouné beyoter, le Rambam n’y serait pas tant opposé.
Pour tenter d’expliquer un peu mieux (car je sens déjà certains bouillir d’indignation devant leur écran), supposons une époque où le « bisou sur la joue » n’existe pas, tout bisou est réciproque et à double sens, comme chez les russes.
Que penseriez-vous de quelqu’un qui embrasse sa sœur, même si l’absence de irour était totalement établie ?
Vous en penseriez que c’est Megouné beyoter et Maassé tipshim, n’est-ce pas ?
Hé bien c’est exactement ce que dit le Rambam !
Pas qu’il soit nécessaire de supposer qu’à l’époque du Rambam il n’y avait pas de « bisou sur la joue », on peut encore imaginer qu’un bisou sur la joue était perçu comme notre perception du baiser sur la bouche.
[J’opte plutôt pour cette seconde explication qui aura l’avantage d’éclairer d’autres ala’hot de ce genre qui ne sont pas vraiment appliquées.
Par exemple le Rambam (Déot §V, 7) qui interdit aussi de discuter avec sa sœur dans la rue… C’est certainement en fonction de (et adapté à) ce qui se faisait à son époque, or parler avec une femme dans la rue ne se faisait pas…]
De nos jours, en France , embrasser sa sœur n’est ni honteux ni maassé tipshim ni megouné beyoter.
La communauté religieuse continue malgré tout (pour différentes raisons) à s’abstenir de le faire (dans la mesure du possible), mais ce n’est pas comparable à embrasser sa sœur à l’époque du Rambam et il n’y a pas de quoi en déduire non plus que le Rambam ne correspondrait pas à l’opinion du Sha’h (cité dans mon précédent message).
Bref, ON NE PEUT PAS DONNER DE RÈGLE SYSTÉMATIQUE.
Il y a le paramètre purement halakhique qui ne concerne que les cas où il y a possibilité de hirhour, pour les autres cas, il y a la convention religieuse qui elle, est plus malléable et qui s'adapte en fonction de l'époque, du milieu, de l'endroit, de la famille.
Il est donc nécessaire de bien comprendre les enjeux (dont je parle plus haut) afin de pouvoir adapter chaque cas à la halakha.
Pour un enfant de moins de 13 ans (ou de moins de 12 pour une fille), seuls les paramètres liés à la convention religieuse sont à prendre en compte, en n'oubliant pas celui du 'hinoukh bien entendu.