Vous imaginez bien que ça ne peut être un maamar 'hazal puisque la notion de comptabiliser les dapim était ridicule avant l'imprimerie.
Je crois que le premier à citer ce maamar est le Pélé Yoets (Ot Lamed daf 9b juste avant le d"h Lev tov) en ces mots: veyadoua shéeyn akadosh barou'h hou moné dapim éla shaot.
Pour ce qu'il faudrait en "déduire" , je serais très vigilant , car cette phrase pourrait se traduire "peu importe combien de dapim je connais, l'essentiel c'est que j'étudie".
Ce qui est –selon moi- un des drame de notre génération où la notion d'amasser des connaissances devient de plus en plus étrangère aux personnes qui fréquentent le Beit Amidrash.
L'essentiel étant d'approfondir en Iyoun etc…
Le tout protégé par des phrases du style "ça ne sert à rien d'avancer sans comprendre, je préfère faire peu mais bien".
C'est un drame car c'est depuis que ces phrases se répètent que nous avons de moins en moins de Poskim sur terre.
En effet nous avons des Morei Oraa à volonté (même trop parfois!) qui sont capables de citer les opinions d'un tas de A'haronim dont on ne connait même pas le nom (et ce, grâce à la profusion de sfarim à notre époque –barou'h Ashem), mais combien sont capables de comprendre la souguia dans le Talmud de manière claire au point de pouvoir trancher la Ala'ha en fonction de leur approfondissement de la souguia (tout en tenant compte des rishonim et a'haronim, bien sûr)?
Pas beaucoup, car même si le Dayan en question est capable de s'intéresser à la souguia et l'étudier en profondeur, mais il manque de "vue d'ensemble", indispensable pour y voir clair dans le Talmud.
La compréhension de chaque page du Talmud est conditionnée par la connaissance des autres pages.
Ce qui pousse nos "dayanim modernes" à simplement "récolter" les psakim des poskim et essayer tant bien que mal de les comparer aux situations qu'on leur présente.
Depuis plus de 400 ans les rabanim ont remarqué une certaine dérive dans ce qu'on appelle le "dére'h alimoud" et ce jusqu'en 1960.
Et depuis c'est la chute libre.
J'ai déclaré la phrase "ça ne sert à rien d'avancer sans comprendre, je préfère faire peu mais bien" ridicule, car c'est justement en avançant parfois sans trop comprendre en profondeur que l'on pourra parcourir le Talmud, grâce à quoi on pourra espérer un jour le "comprendre" convenablement.
Le plus rigolo (ou triste?) c'est que le Talmud lui-même dit exactement l'inverse de cette phrase. Voir Avoda Zara (19a) où il est conseillé d'avancer dans son étude même si il nous reste des questions et même si il y a des passages totalement obscurs, car c'est en avançant que l'on pourra après reprendre ces textes, armés des connaissances acquises dans les autres gmarot etc…
Mais si il fallait attendre que l'étudiant en Talmud tombe sur cette phrase pour qu'il se rende compte que son dére'h limoud n'est pas vraiment intelligent, nous pourrions attendre toute une vie, voire plus.
Ce sujet est à la fois trop vaste et délicat pour être traité avec brio sur un site, sans parler du fait qu'il semble aujourd'hui totalement révolutionnaire.
J'encourage le lecteur à lire la dizaine de lettres de Rav Sha'h sur ce sujet (imprimées dans les livres Mi'htavim oumaamarim et le livre Bezot Ani Botéa'h) ainsi que les écrits de son successeur le Rav Edelstein. Et d’essayer de rencontrer un rabbin qui en pense autant pour en discuter afin de voir si il y a de quoi réfléchir à la question.
De mon expérience, j'ai déjà convaincu des dizaines d'Avré'him qui se moquaient allègrement de ce dére'h limoud avant d'en avoir parlé.
Mais je vois bien que par écrit il est très difficile de savoir sur quel point le lecteur bute ou fait erreur dans sa réflexion.
J'en reviens donc à la phrase du Pélé Yoets , et je la remets dans son contexte; le Pélé Yoets parle pour quelqu'un qui aurait des difficultés à apprendre (voir le début du paragraphe), et le console en lui disant que D… comptabilise les heures et les efforts, mais pas les résultats qui ne sont pas en ta main.