Je n'ai jamais utilisé l'édition citée, je ne me prononce donc qu'en fonction de ce que vous m'en dites ici.
Il semblerait que vous le deviniez tout seul, ils n'apprécient pas Rav Ovadia Yossef.
Je crois me souvenir que Rav David Yossef (fils de ROY) m'avait confié percevoir cette exclusion (de Dirshou) comme une critique des psakim de son père, mais il n'est pas nécessaire d'être très futé pour le comprendre et voir les choses ainsi.
Il faut préciser que si depuis les quinze ou vingt dernières années le Rav Ovadia Yossef a été de plus en pus accepté dans les milieux orthodoxes israéliens, ce n'était absolument pas le cas plus tôt.
À ses débuts, il a été très apprécié même dans le monde ashkenaze, en témoignent ses nombreuses relations amicales avec les poskim ashkenazes durant les années 60 et les approbations très flatteuses de rabbins ashkenazes laudateurs sur son livre Yabia Omer.
Puis, en devenant rabbin à la Rabanout et à force d'y travailler, il a perdu l'estime d'une frange de la population frum israélienne, notamment chez les "Yeroushalmers" (malgré que Rav Elyashiv aussi y travaillait).
Ensuite, en perdant son poste de Grand Rabbin, ce qu'il a vécu très difficilement, il s'est vu proposer un poste politique par Rav Sha'h qui souhaitait créer un parti religieux sfarade (Shas).
Rav Sha'h cherchait un talmid 'ha'ham sfarade apprécié par tous les sfaradim, même les Amei Aarets. Il nomma Rav Ovadia Yossef à la tête de ce parti en lui expliquant qu'il aurait à se référer à lui pour chaque situation de doute.
ça a marché un certain temps, jusqu'au jour où Rav Ovadia refusa de suivre la consigne de Rav Sha'h (son aîné de près de 30 ans) ce qui déclencha un sentiment de trahison et une véritable scission entre les sfaradim et les ashkenazim religieux.
Rav Ovadia Yossef soutenait qu'étant "majeur et vacciné", il était capable de savoir ce qui représentait ou non un danger politique, alors que Rav Sha'h argumentait que les sfaradim n'ayant jamais eut à combattre les apikorsim (comme les ashkenazim l'ont fait durant la Askala) ne savent pas déceler ce qui est lié à ce danger avec le même flair que les ashkenazim qui sont rodés en matière de relation avec les juifs "anti-thora".
Bref, il y a eu un schisme, et à sa suite une animosité certaine à l'encontre de ROY de la part du monde ashkenaze ou même "sfarade disciple du rav Sha'h".
ROY a comme été mis au ban, ce n'était pas loin.
Je me souviens que vers la fin des années 80, le terme "mouktsé" que vous avez utilisé était parfaitement adapté.
On ne trouvait pas ses sfarim dans les bibliothèques des yeshivot et il était considéré - malgré son incroyable bekiout - comme un égaré.
Il était décrié, critiqué, vilipendé et banni des milieux yeshiviques (chez les ashkenazim du moins) au point que son fils R. David étant jeune a quitté la yeshiva de Ponovez très peu de temps après y être arrivé car il ne supportait plus cette situation.
(et il est allé à 'Hevron, aussi ashkenaze, mais moins hargneux.)
(et ça c'était AVANT la crise politique avec Rav Sha'h, car après, il ne se serait même pas aventuré à essayer de venir étudier à Ponovez. Il ne lui était alors reproché que sa participation à la Rabanout.)
Parmi les reproches et critiques sur ROY:
- le fait de travailler avec la rabanout israélienne (c'est long à expliquer...)
- un (prétendu) manque de respect envers les Gdolim de la génération et de la précédente - comme le 'Hazon Ish, le Steipler et d'autres (basé sur des phrases assez incisives lâchées par le ROY à l'encontre de ces rabanim).
- et surtout une tendance excessive à la koula (à l'encontre de la majorité des poskim de son époque) générée par une (prétendue) mauvaise compréhension du psak qui dans sa tête résulterait uniquement de l'addition des sources permissives ou non, sans tenir compte des svarot et de leur qualité et profondeur.
Tout ceci aussi est très long à expliquer convenablement.
Toujours est-il que Rav Sha'h a cessé de critiquer publiquement le ROY vers le début (ou le milieu ?) des années 90 et cette ma'hloket s'est tassée.
Tout doucement, ROY regagnait "ses galons" même en terre ashkenaze, jusqu'au décès de Rav Sha'h en 2001 qui relégua cette triste affaire au rang de dossier historique que les jeunes élèves de yeshivot ignorent.
ROY n'avait plus vraiment d'opposants dignes de ce nom. Il était connu pour son érudition, adulé par les sfaradim, il est "rapidement" redevenu une "star" du monde rabbinique même aux yeux des ashkenazim grâce à son extraordinaire bekiout, ses sfarim épatants et son action politique et rabbinique.
Il suffit de voir la foule lors de sa Levaya pour comprendre que les ashkenazim avaient fait la paix avec lui.
Néanmoins je ne doute pas qu'il y en ait qui soient dotés d'une mémoire plus tenace que la masse et qui refuseraient encore aujourd'hui d'admettre les psakim de ROY, même s'ils se seraient rendus à sa Levaya.
Si les psakim du Yabia Omer étaient trop mekilim il y a 30 ans, ils le sont toujours aujourd'hui.
C'est certainement la logique des éditeurs du Mishna Broura incriminé.
Ajoutez à cela une dimension politique/marketing (la clientèle anti-Yabia Omer n'apprécie pas un sefer qui fait référence à ce livre) et ils ont opté pour ne pas mentionner ROY.
