J'enseigne le kodech dans une école primaire où les enfants ne sont pas forcément religieux et certains ne sont pas chomer chabbat.
J'ai commencé des cours sur chmirat chabbat et nous avons mis en place un projet avec les enfants qui consiste à coller sur un carton une gommette à chaque fois qu'il ont fait un effort pour le respect de chabbat. L'objectif n'est pas un cadeau mais tout simplement contempler leurs efforts.
Mes questions sont:
1- comment faire pour ne pas mettre les enfants en conflit (même intérieur) avec leur famille non-pratiquante?
2- Est-ce bien de leur dire que certains efforts méritent plus de gomettes? D'un coté je ne veux pas les habituer à penser que certaines Mitsvot sont plus importantes que d'autres mais de l'autre je sais que certains points leur demanderont plus d'efforts.... .
Concernant le premier point, il me semble que si vous sentez à la réaction de l'un des enfants un quelconque malaise qu'il vous faudra essayer de creuser quelle en est la raison. S'il s'avère que les parents n'acceptent pas leur pratique religieuse, vous devrez entrer en contact avec eux pour leur expliquer l'importance de la chose, et qu'ils ne doivent pas se sentir blessés par le fait que leurs enfants soient un peu plus pratiquants qu'eux.
Au sujet de la deuxième question, il faut impérativement leur dire que ce sont les efforts qui priment et que les gomettes ne viennent en aucun cas exprimer l'importance d'une Mitsva par rapport à une autre.
Il me semble aussi important de leur faire toucher du doigt qu'on n'accompli pas les Mitsvots pour recevoir des cadeaux ou autres, mais que ceux-ci viennent pour motiver et pour empêcher le Yetser Hara de nous détourner de l'accomplissement de ces Mitsvots.
On raconte qu'en Israël il y avait dans un quartier religieux le jour de Chabbat deux groupes d'étude. Celui des garçons et celui des filles. On s'est aperçu que le groupe de filles évoluait beaucoup plus que celui des garçons et que quelques fois même lorsqu'on ne distribuait pas de friandises à l'issue de l'étude, les filles étaient tout de même satisfaites. Tandis que concernant le groupe des garçons, lorsqu'il n'y avait pas de friandises, ils étaient tous frustrés etc.
Une étude rapide a été faite, et il s'est avéré qu'à chaque fois que l'enseignante distribuait les friandises dans le cours des filles, elle disait aux jeunes filles "Tenez la friandise pour que le Yetser hara ne nous empêche pas de venir à ce cours". Elles ont donc compris que cette friandise n'était pas le but ultime de l'étude mais qu'un moyen de motiver. Ce qui n'était pas le cas dans le groupe des garçons ...
Priez tous les jours très fort du fond du coeur que vous réussissiez à avoir de l'impact sur ces âmes pures.
Permettez-moi de partager avec vous quelques données qui rejoignent l'exemple et les conseils donnés par Rav Cohen-Arazi:
De nombreuses études en psychologie sociale ont montré que le lien entre "récompense" et motivation (à accomplir un certain acte) était plus complexe que ce qu'on pense en général, notamment:
- Récompenser quelqu'un d'accomplir un acte qu'il fait déjà avec plaisir/naturellement peut amener cette personne à attribuer son comportement à la récompense plutôt qu'à une volonté personnelle de l'accomplir (par plaisir de le faire par exemple). Cf. E. Deci & R. Ryan (1991), M.Lepper & D. Greene (1979), A. Boggiano et al (1987)
Les expériences ont par exemple montré que promettre a priori à des enfants de les récompenser (avec des gomettes, des stickers...) pour un acte qu'ils ont déjà plaisir à accomplir, transforme cet acte en "travail" à leurs yeux (je ne le fais pas parce que j'aime le faire mais parce que je reçois quelque chose en retour).
Attention donc de ne pas transformer une motivation intrinsèque (venant de l'enfant) en une motivation extrinsèque (je vais recevoir une récompense si je le fais), surtout vis-à-vis des enfants plus naturellement enclin à accomplir les mitsvoth (de par leur environnement familial ou leurs bonnes middoth).
- La nature des récompenses joue sur l'effet de celles-ci : une récompense qui visera à informer l'enfant sur ses (bons) accomplissements va accroître sa motivation intrinsèque, ce type de récompense (compliments, etc) est donc aussi à favoriser.
- Dans le cas d'actes qui ne sont pas forcément sources de joie/de plaisir pour l'enfant au départ (parce que cela l'ennuie, qu'il s'agit d'un acte lui demandant un certain effort, etc), il est recommandé d'utiliser un système de récompense au début, pour amener l'enfant à accomplir l'acte désiré, mais dès que le comportement attendu est atteint, de bien mettre l'accent sur des raisons intrinsèques (les bonnes middoth de l'enfant), par exemple en disant : "Je savais que tu y arriverais, car tu es une personne généreuse, etc...". (Cf. Cialdini & al. 1992)
L'objectif étant que l'enfant trouve le plus rapidement possible une justification intérieure à son bon comportement et donc une motivation à faire la mitsvah pour elle-même, et non en vue d'une récompense.
En d'autres mots, mettre en pratique l'enseignement des Pirkei Avot 4:2 (Mitsvah goreret mitsvah)
Kol touv
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