Citation:
pourquoi se soucier d’être méticuleux dans les interdits de la torah qui peuvent se passer ou non. Je m’explique. On tient d’après la grande majorité des commentateurs que « davar chéino mitkaven moutar » est la Halakha même dans les interdits de la torah et pas seulement dans shabbat. Dans ce cas, pourquoi vérifier le riz avant de le cuire si on dit « peut être que j’en trouverai, peut être pas » - et donc que ce n’est pas un psik reiché - (interdit même d’après Rabbi Chimon, comme qui on tient la halakha).
Autre question liée à la première: comment ça s’arrange avec le klal « safek deoraita lahoumra ». Si je ne vérifie pas le riz je vais peut être transgresser l’interdit de la torah de manger des insectes, et donc je dois être mahmir et vérifier, ou bien il n’y a pas d’interdit en vrai, puisque je ne suis pas intéressé et que c’est pas sûr qu’il y ait des bêtes.
Dites-moi si j’ai mal compris quelque chose...
Très bonne question.
Elle a été posée par
Rabbi Shmouel Landau (fils du Noda Biyehouda) dans son
Shivat Tsion (§28).
Il répond qu’étant donné que la personne est au courant de l’éventuelle présence d’hôtes indésirables dans son aliment, elle n’a pas un statut de « Eino Mitkaven » en croquant dedans les yeux fermés.
Une idée similaire se trouve dans le
Shout Hitorerout Tshouva (IV, §4) qui traite de la même question en formulant l’idée du Heiter par « Mitassek »
(le Shivat Tsion lui-même n’est pas Medayek dans ses mots et utilise les deux vocables indistinctement).
Il dit que si le fruit peut contenir des insectes et que le consommateur le sait et ne vérifie pas, il commet un péché car bien qu’il ne cherche pas à manger l’insecte, on ne peut pas le qualifier de Mitassek.
(L’appellation Mitassek n’est pas admise par tous dans ce cas , cf. Sanhedrin 62b et Rashi et Rambam (Shgagot II, 7).
Lorsqu’on a l’intention de manger, mais pas de manger l’insecte, ça n’est pas encore un cas de Mitassek.
Il faudrait avoir l’intention de faire autre chose que manger -comme Boléa Rok)
[Il en résulte, d’après le
Shivat Tsion et le
Hitorerout Tshouva, que les rabbanim qui diffusent de nouvelles alertes sur des fruits et légumes pour INFORMER le public de la possibilité d’insectes
(alors que personne n’imaginait que cet aliment représentait un risque), sont ceux qui font transgresser les juifs informés par leur soin s'ils avalent un insecte dans ces aliments!]
Le
Erets Tsvi (§88) s’oppose au
Shivat Tsion, mais considère que l’on est tenu -min hatorah- de vérifier ses aliments en vertu d’un commandement positif du verset
(Vayikra XX, 25) « Vehivdaltem bein habehéma hatehorah lateméah ».
D’après cela, lorsqu’on nous dit que celui qui avale un insecte sans faire exprès transgresse 5 péchés min Hatorah
(ou plus encore) etc., c’est faux.
C’est uniquement lorsqu’on l’avale
volontairement, mais si c’est involontaire, on ne transgresserait
(selon le Erets Tsvi) qu’un seul péché (pas un Lav mais un Essé).
D’autres Poskim s’opposent au
Shivat Tsion, comme
le
Arougat Habossem (Y’’D §78),
le
Min’hat Shlomo (I, §6),
le
Imrei Yosher (II, §5, 2),
le
Imrei Bina (Auerbach) (Y’’D hil. Bassar be’halav §4) (voir aussi ce qu'il écrit dans Hil. Shabbat §7 et dans Hil. Pessa’h §13),
le
Lehorot Natan (XII, Y’’D §61),
le
Shout Harivad (R. Leib Friedmann) (§6) [qui n’accepte de parler de Issour que dans le cas où l’on se rapproche d’un Psik Reisha, comme les fruits où les bestioles sont très fréquentes (il serait alors absolument obligatoire de procéder à la vérification)]
et le
Maharsham (Daat Torah Y’’D §41, 16) qui n’accepte pas que l’on puisse dire que celui qui ne vérifie pas son aliment aurait un statut de « Mitkaven » qui rendrait assour, car c’est un cas de « Efshar Vela Kamekaven » qui est autorisé, selon le
Ritva (souka daf 35).
Il y a aussi des Poskim desquels on comprend qu’ils ne sont pas d’accord avec le
Shivat Tsion, voir
Tsema’h Tsedek (§62) et
Divrei ‘Haim (II, §54).
Mais il y a d’autres pistes de réponse à votre question :
En effet, si le statut des Aveirot autres que Shabbat est discuté au niveau des Rishonim, par rapport à Davar Sheeino Mitkaven, il existe un troisième groupe : « ‘Helev et Arayot », alias les « Issourei hanaa », ce qui inclut les interdits de consommation.
Concernant ces aveirot, nous avons de nouveau une Ma’hloket Rishonim, selon le
Rambam il n’y aura pas de différence, la halakha sera encore comme
rabbi Shimon, mais pour le
Ran (Shabbat 29b) [ainsi que pour le
Tosfot et le
Rashba (Shabbat 29b), et le
Tosfot Harosh (Psa’him 25) et le
Ritva (Avoda Zara 66b)], dans le cas d’interdits de consommation, on interdira même dans Eino Mitkaven.
Ça se discute car on pourrait expliquer la particularité des Issourei Hanaa en cela qu’il y a un profit, une hanaa (dans ‘Hélev ou Arayot), ça s’appliquerait donc aux aliments interdits
(c’est ce qui explique qu’on cherche à avoir une certification rabbinique sur des produits a priori autorisés, mais pour éviter qu’ils contiennent des additifs interdits), mais peut-être pas aux insectes pour lesquels il est difficile de dire que l’homme les avalants en « profite » [ -
Tsafnat Panea’h (I, §33), Yad Hamelekh (Landau -petit-fils du NB) (Maakhalot Assourot XV, 22, hashmatot) et
Hitorerout Tshouva (I, §100) au nom de
R. Shimon Sofer, qui interdit tout de même de manger sans vérifier]
Bien que ceci aussi soit discuté cf.
Imrei Bina (Y’’D hil. Bassar be’halav fin de §4) qui prouve, en se basant sur
Psa’him (33a), que la Gmara qui dit « Sheken Nehéné » n’en fait pas dépendre l’interdit qui s’appliquera même si ça a mauvais goût, du moment que cela s’additionne au volume de nourriture consommé et que sa panse sera un petit peu plus remplie (Hanaat Meav)
[ce qui est difficile à concevoir en tenant compte du
Pnei Yehoshoua (Betsa 7b) qui écrit que dans le cadre d’un ‘Hatsi Shiour
(et c’est généralement le cas dans notre affaire), on ne considérera pas « Hanaat Meav », mais seulement « Hanaat Grono »
(qui est inapplicable dans le cas d’insectes non souhaités)].
Voir aussi le
Maharsham (Daat Torah Y’’D §41, 16) pour qui on considérera « Hanaat Meav » sans tenir compte de l’altération des qualités gustatives.
Sa conclusion est donc de dire que l’obligation halakhique reposerait sur l’opinion qui ne considère pas l’altération du goût, ou bien, selon les autres par crainte de tomber sur le shiour
(cette seconde option semble étrange, car pour avaler un kazaït de bestioles Bikhdei Akhilat Prass, il faut être très fort et très myope).
Mais il y a une autre Svara ;
Rav Wasserman dans
Kobets Shiourim (II, §23) explique cette position des Rishonim en distinguant, parmi les Aveirot, celles dont le « résultat » est interdit (Issour dans le maassé ou dans la Totsaa). (voir encore
Rav Yossef Engel dans son
Atvoun Deorayta §24).
D’après cela,
Rav Wasserman explique qu’il en va de même par rapport au Issour Retsi’ha ; c-à-d qu’on n’a pas le droit de mettre la vie d’autrui en danger, sous prétexte qu’on ne cherche pas à le tuer.
Le fait d’être « Eino Mitkaven » ne suffit pas à autoriser une action qui pourrait entraîner une Retsi’ha.
Bref, c’est une ma’hloket Rishonim, il semble que la majorité interdise, c’est de toute manière la halakha admise et retenue, qui a été codifiée par le
Shoul’han Aroukh (Yoré Déa §84) imposant la vérification des aliments.
Voir aussi
Lehorot Natan (XII, Y’’D §62, 14).
Cependant, la Bdika ne nécessite pas d’être une opération scientifique de précision chirurgicale au laser qui assure à 100% l’absence d’insecte, il suffit de faire une Bdika « sensée » qui est censée détecter/retirer les insectes.
Mais cette Bdika reste obligatoire.
[Il y aura tout de même chez les Poskim des positions apportant un Limoud Zkhout ou une justification a posteriori -Bediavad- en utilisant l’argument de Eino Mitkaven.
Mais pas Lekhat’hila.
cf.
Halikhot Shlomo (Pessa’h, Maror, note 112), Yad Hamelekh (Maakhalot Assourot XV, 22), Imrei Bina (Y’’D hil. Bassar be’halav fin de §4) et d’autres.
Voir aussi le
Darkei Tshouva (§84, 28) indiquant le
Beit Ephraïm.]
Voir aussi le
shout Mishné Halakhot (V, §92) [et
(IV, §1)].