Le sens de cette takana n'est plus d'actualité depuis mille ans; lorsque Rabenou Guershom interdisait la polygamie, il interdisait aussi le divorce sans "consentement" mutuel.
Avant, l'homme divorçait de sa femme contre le gré de cette dernière, il était donc indispensable de "calmer" l'homme avec la ktouva.
Mais depuis qu'il est interdit de divorcer "comme un barbare", la takana de la ktouva "pour ne pas qu’elle lui paraisse facile à répudier" perd un peu sa raison d'être, comme le soulignait déjà le Rama (Even Haezer §66, 10) (cependant voir 'Helkat Me'hokek sk.18 et Beth Shmouel sk.11 et Biour Hagra sk.17…).
Nous continuons malgré tout à rédiger la ktouva, mais savons qu'elle n'a plus la même utilité.
Vous trouvez qu'elle ne sert plus vraiment si le vilain mari peut l'éviter en monnayant son guet, mais je vous ferai remarquer que l'on peut voir les choses autrement: tout d'abord pour la grande majorité des maris, même méchants, ils ne sont pas obligatoirement des crapules qui ne tiennent pas leurs engagements.
Mais ensuite, même pour les crapules, les Sages ont tout de même réussi à faire en sorte que la femme ait un petit pécule lors du divorce. Seulement les maris méchants refusent de donner le guet pour embêter leur femme, mais comme ils sont tenus par la ktouva à payer une somme d'argent, ils préfèrent souvent renoncer au plaisir de faire souffrir leur femme afin d'éviter d'avoir à débourser la somme de la ktouva.
Autrement dit, c'est grâce à la takana des sages imposant au mari de s'engager lors du mariage, que celui qui - normalement - aurait refusé de donner le guet acceptera tout de même en contrepartie de l'annulation de la dette.
Certes la femme n'en sort pas enrichie, mais c'est tout comme, car sans cela, le mari n'aurait accepté de donner le guet que contre une somme d'argent …
L'on pourrait s'inquiéter du fait que de nos jours, la femme va souvent se retrouver sans l'apport financier que représente la ktouva si le mari fait le difficile. C'est vrai, mais d'un autre côté, ne perdons pas de vue que le besoin d'apport financier n'est plus le même; avant les femmes ne pouvaient pas vraiment travailler ou en tout cas gagnaient très peu, de nos jours les femmes travaillent et gagnent souvent leur vie par elles-mêmes.
La situation sera assez cocasse le jour où une femme fortunée qui représentait la seule ressource de parnassa de la famille - car le mari était un "mari au foyer" - se verra attribuer la ktouva lors de son divorce…
Quant à se plaindre du fait que la Ktouva ne pare pas à toutes les situations et n'empêche pas les crapules d'exercer leur art, il faut bien comprendre qu'elle n'en a jamais eu la prétention.
Cette Ktouva est supposée pouvoir aider dans beaucoup de cas et c'est ce qu'elle fait.
Prévenir toutes les situations et garantir le bien-être de chaque femme divorcée quelque soit la conjoncture et l'état mental de son ex-époux, est une utopie et relève du miracle.
(Il y a une discussion concernant la rédaction d'un certain "contrat de mariage", mais c'est autre chose.)