Les codificateurs classiques ne se sont préoccupés de l’usage du tabac, pour la plupart, que pour définir les conditions dans lesquelles il est permis de fumer pendant Yom tov, et non pour apprécier la nocivité de cette pratique.
C’est ainsi que rabbi Chelomo Ganzfried a fixé la règle suivante : « Pour ce qui est de fumer (du tabac), les décisionnaires, de mémoire bénie, ne sont pas d’accord entre eux. Même de l’avis de ceux qui autorisent de fumer, on aura soin de ne pas allumer à l’aide d’un morceau de papier… » (Kitsour Choul‘han ‘aroukh 98, 32 – Traduction Lionel COHN).
C’est à partir du XVIIIè siècle que l’on voit apparaître chez les décisionnaires des avis sur les dangers du tabac. Rabbi Netaniel Weill, dans son Qorban Netaniel sur le Roch (Bètsa 2, 22 – note 10), se range à l’avis de ceux qui interdisent de fumer les jours de fête, puis il ajoute : « Il est dangereux pour celui qui n’en a pas l’habitude de se mettre à fumer… »
De même rabbi Ye‘hiel Heller écrit dans ses ‘Amoudei or (29, 5) que « tous les livres de médecine recommandent de ne pas en prendre l’habitude ».
Le ‘Hafets ‘hayyim recommande aux gens de ne pas fumer, car cela est mauvais pour la santé (Liqoutei Amarim, ch. 13).
Plus récemment, rabbi Moché Feinstein, qui avait commencé par adopter un point de vue indulgent (Igueroth Moché, vol. 5, Yoré dé‘a 49), a prononcé plus tard une interdiction de fumer dans les yechivoth et dans les collelim lorsque la fumée incommode les autres étudiants.
Les journaux représentant les diverses tendances « ultra orthodoxes » en Israël, comme Yated nééman, Hamodia et Yom le-yom ont tous renoncé à publier des placards pour les marques de cigarettes, décision d’autant plus courageuse qu’elle leur a fait perdre une partie non négligeable de leurs ressources publicitaires.
Il est possible que, si les rabbins ont gardé jusqu’ici le silence sur l’usage de la cigarette, c’est parce que, d’une part, les grandes campagnes anti-tabac et la prise de conscience par les populations de la dangerosité de l’acte de fumer sont récentes. D’autre part, il ne me paraît pas possible d’attendre de nos chefs spirituels qu’ils tranchent sur ce débat alors que les fumeurs sont loin d’être devenus minoritaires. Or, il est de principe que l’on « n’impose pas de décision à la collectivité si sa majorité n’est pas disposée à l’accepter » (Baba Bathra 60b).