Citation:
Dans le Moré, le Rambam développe que les Korbanots n'ont pas d'utilité "en soi" mais uniquement que l'humain ne peut pas passer "d'un extrême à l'autre" et l'habitude des services matériels aux profits du spirituel étaient donc nécessaires de par l'habitude du monde.
Le Chem Tov ramène une mahloket sur l'explication de ce passage mais le rov comprend comme cela, si j'ai bien compris ses propos.
Dans ce cas-là, le juif n'atteindrait pas plutôt son accomplissement en exil (sans service matériel), et pourquoi avoir besoin d'un troisième Beit Hamikdach, que l'on attend avec impatience depuis 2000 ans bimhera beyamenou, alors que de nos jours, et même probablement déjà du temps du Rambam, personne n'use de ce genre de pratiques et ceux qui le feraient seraient vus comme des barbares ?
Il n'y a donc plus d'utilité, lehaora ?
Dans les takanots, nous disons que même si le taam n'est plus là, on continue la pratique. Mais ici, le Rambam n'a pas l'air de faire allusion à quelconque autre raison, et cette svara sur le derabanan n'a pas été dite sur le deoraïta ?
Le fait est que le
Rambam mentionne les lois des Korbanot dans son
Mishné Torah, ainsi que dans sa version de la Tfila.
Il en résulte une difficulté pour comprendre ce
Moré Nevoukhim (III, §32) qui explique que la mitsva des Korbanot était nécessaire pour les Bnei Israel qui y étaient habitués.
Beaucoup de commentateurs A’haronim s’en étonnent ; comment le
Rambam peut écrire d’une part que les Korbanot ne seront plus d’actualité aux temps messianiques et d’autre part en mentionner le lois dans son
Mishné Torah.
On peut aussi accentuer la question en soulignant que la disparition d’une Mitsva contreviendrait aux règles édictées dans les 13 principes de foi du
Rambam lui-même.
J’avais pensé expliquer la chose simplement : le
Rambam n’écrit pas que les Korbanot seront annulés et ne feront plus partie des Mitsvot après la venue du Mashia’h, il dit seulement qu’à l’origine ils étaient nécessaires pour contrer des élans de Avoda Zara auxquels les Hébreux étaient habitués.
Mais je ne crois pas que ce soit la vraie réponse.
En effet, ce que dit le
Rambam dans le
Moré Nevoukhim (que les Korbanot étaient une nécessité en raison des habitudes des Hébreux qu’il fallait canaliser vers le service divin plutôt qu’espérer pouvoir les éradiquer), bien que de très nombreux A’haronim s’en déclarent révoltés, se trouve clairement chez ‘Hazal !
C’est dans le
Midrash Vayikra Raba (XXII,8), c’est rapporté par R. Pin’has au nom de R. Lévi.
Le
Rambam n’a donc pas inventé cette idée comme se l’imaginent généralement ses lecteurs, surtout ceux qui lui reprochent cette vue. Il l’a trouvée dans le
Midrash.
Or, ces mêmes rabbins (R. Pin’has et R. Lévi) se retrouvent aussi dans un autre texte du même Midrash
Vayikra Raba (IX,7) et
(XXVII,12) où ils disent, pour le coup, qu’à la fin des temps, les Korbanot seront annulés (à part le Toda)!
C’est donc probablement aussi la position du
Rambam, et c’est en tout cas celle du
Midrash et toutes les questions et oppositions à cette idée déduite du
Rambam, sont à rapporter à ‘Hazal eux-mêmes dans ce
Midrash.
Le
Ben Ish ‘Haï (Imrei Bina §13) explique à propos de ce
Rambam, qu’il n’est question d’annulation des Korbanot qu’en parlant des Korbanot Ya’hid, mais les Korbanot Tsibour demeureront.
Car les Kavanot à avoir à l’esprit lors d’un Korban sont subtiles, comme l’explique
R. Moshé Alsheikh sur le passouk « Mikem » (Adam Ki Yakriv
Mikem) :
de vous-mêmes, de votre Nefesh, qu’il faut imaginer une Messirout Nefesh.
Ainsi, pour chaque individu, il n’est pas évident d’entretenir ces Kavanot comme il le faut, mais pour les Korbanot Tsibour, qui sont entièrement laissés aux cohanim préposés dont c’est la « spécialité », on ne craint pas que le Korban soit mal fait.
Cela répond à plusieurs questions (voir dans
Imrei Bina celles qu’il indique), mais il restera des difficultés quand même : que faire avec les Principes de foi qui stipulent que la Torah ne changera pas ? Et que dire des passages du
Mishné Torah où le
Rambam indique les Mitsvot des Korbanot Ya’hid aussi ?
Une autre explication se trouve dans les commentateurs du Midrash, dont le
Ets Yossef qui explique que l’on parle des Korbanot Ya’hid
(jusque-là c’est comme le Ben Ish ‘Haï) qui seront « annulés » car les péchés ne seront plus à l’ordre du jour, ce qui entrainera la disparition des Korbanot Ya’hid comme le ‘Hatat, le Asham…
Plus de péchés, plus de Korbanot Ya’hid.
C’est pourquoi le Midrash exclut le Toda qui est un Korban Ya’hid mais qui ne vient pas suite à un péché, et qui, lui, restera en vigueur même aux temps messianiques (et il faut inclure dans Korban Toda tout ce qui lui ressemble qui ne relève pas d’un péché, comme Nedava).
On pourrait objecter que le
Mishné Torah indique bien les lois du ‘Hatat, mais j’imagine que l’intention du Midrash en disant qu’il disparaitra, est de dire que deviendra très rare, mais ne disparaitra pas totalement.
Car il y aura toujours le Yetser Hara, c’est juste qu’il sera très affaibli, mais le ‘Hatat ne vient pas en raison d’un péché VOLONTAIRE, seulement d’un péché INVOLONTAIRE, Beshogueg.
Certes le Shogueg n’est pas le Oness et indique un petit manque de vigilance, et c’est bien pour ça qu’il y a un Korban, mais ce mini yetser hara sera encore possible.
Il en ressort :
1) ce ne sont pas « tous les korbanot » qui vont disparaitre
2) même ceux qui disparaitront, ne disparaitront pas totalement
3) les mitsvot de la Torah resteront les mêmes
4) les korbanot Tsibour seront inchangés
5) les korbanot liés aux fautes se feront très rares
Enfin, concernant ce que vous demandez :
Citation:
le juif n'atteindrait pas plutôt son accomplissement en exil (sans service matériel), et pourquoi avoir besoin d'un troisième Beit Hamikdach
Il faut comprendre et intégrer que l’essentiel du manque de Beit Hamikdash pour nous, n’est pas l’absence de Korbanot (même si ceux-ci avaient un pouvoir d’expiation considérable), mais l’absence de lishkat Hagazit.
Voyez ce que j’ai écrit ici:
https://www.techouvot.com/viewtopic.php?p=55944