Citation:
J'aimerais savoir pourquoi de nombreux rabbins ou personnes religieuses ne mangent pas dans les restaurants/traiteurs Beth Din ? Ne sont-ils pas casher ?
Quelle est la différence entre le cahier des charges des restaurants et traiteurs Beth Din et ceux des restaurants et traiteurs Rav Rottenberg ou Rav Katz ?
C'est une question qui risque de soulever les passions...
La différence ne se situerait pas vraiment au niveau du "cahier des charges" halakhique.
Rav Gugenheim est le responsable de la Kashrout du Beth Din, c'est un Talmid 'Hakham et un champion de la Kashrout, globalement, on ne peut pas dire qu'il serait "plus Meikel" sur des points de kashrout.
Le problème serait ailleurs.
Sans entrer dans les détails, je vous rapporte simplement l'argument de ceux qui évitent de manger dans des restaurants sous le contrôle du Beth Din: l'absence fréquente du mashguia'h.
En cherchant un peu sur ce site, vous trouverez des sujets liés et un lien vers une vidéo d'un Shiour de
Rav Gugenheim qui explique que les restaurants Beth Din, à la différence des autres surveillances, sont dotés de DEUX Mashgui'him (au lieu d'un), et l'un d'eux est
permanent.
Parmi le public, des personnes ont indiqué que pour avoir mangé dans des restaurants BD, ils n'ont que très rarement rencontré ne serait-ce qu'un Mashguia'h.
On appelle ça une "Ma'hloket Bametsiout"...
Qui a raison? Je ne peux pas me prononcer, car j'évite autant que possible de manger au restaurant
(=même Rottenberg) et je ne sais pas comment ça se passe sur place.
Je sais qu'un Mashguia'h dans un restaurant Beth Din
(que j'ai rencontré en dehors du restaurant) m'a affirmé qu'il y avait réellement de quoi s'affoler lorsqu'on constate la liberté qui est donnée aux restaurateurs en absence du Mashguia'h et qu'il est peu probable que les clients qui consomment lorsqu'il n'est pas présent puissent être assurés de manger strictement Kasher.
(
en réalité, même ceux qui attendent son retour ne seront pas garantis d'une kashrout à 100% car les ustensiles peuvent avoir été utilisés à mauvais escient en son absence et nécessiteraient une kashérisation. il m'a lui-même parlé de problèmes de ce type. Un employé des cuisines, non-juif, qui met un ingrédient non souhaitable dans la poêle...)
Ce n'est qu'UN seul témoignage, mais il est conséquent.
ça doit probablement dépendre des restaurants, il doit y en avoir avec Mashguia'h fixe et d'autres non.
Il faut aussi et surtout tenir compte de la religiosité/Yirat Shamayim du propriétaire du restaurant.
S'il est Yeré Shamayim, on peut supposer que même en l'absence du Mashguia'h, il se soucie de tout faire dans les règles de l'art et ne permettra pas que l'on serve un plat dans le doute et veillera à la cuisson etc.
Mais si le propriétaire n'est pas vraiment Yeré Shamayim, on ne peut pas lui faire confiance sur la Kashrout et on doit s'en remettre exclusivement au Mashguia'h. Et là, s'il est parfois absent, c'est très problématique. Surtout si le cuisiner sur place n'est pas juif...
Le second point qui est cité par ceux qui refusent de consommer Beth Din, c'est pour la viande. la Sh'hita est quelque chose de compliqué.
Le Beth Din se veut être un Hekhsher de très grande envergure, il ne s'agit pas d'une petite production.
les Hekhshérim des rabbins indépendants produisent beaucoup moins et peuvent se permettre plus facilement des pertes financières et/ou de pinailler et se soucier de chaque inquiétude.
Un "petit Hekhsher" est nécessairement plus facile à gérer qu'une grande production. (à moins d'avoir les moyens humains...)
Là aussi, même à l'intérieur de "Beth Din", il y a des "filières" plus sûres que d'autres, des boucheries permettant la "traçabilité" jusqu'au Sho'het et des conditions qui permettent de réaliser une Sh'hita sûre.
Un Sho'het du Beth Din m'a confié (en 1991) ne pas manger de sa propre Sh'hita (!), en m'expliquant qu'avant Pessa'h, il a eu à faire 20 poulets à la minute (!!
j'espère qu'il a quand même un peu exagéré le chiffre...), ce qui rend impossible toute vérification après l'acte, il n'y a pas le temps.
Il disait qu'il n'y avait pas le choix, il fallait pouvoir garantir des poulets pour toutes les familles juives pour les fêtes, sans quoi, les moins pratiquants, voyant que la boucherie Kasher n'a plus rien à leur vendre, iraient se fournir dans une boucherie vendant du Taref.
Il fallait donc produire énormément pour préserver ces juifs de la faute.
Mais d'un autre côté, lui et ses collègues n'avaient pas le temps de vérifier chaque Sh'hita pour être sûrs qu'elle ait été pratiquée convenablement.
En fait, il aurait fallu 20 fois plus de Sho'hatim...
Mais ça aurait fait augmenté le prix du poulet Kasher et de nouveau cela aurait détourné certains de la boucherie Kasher...
Bref, son explication disait qu'on ne peut pas assurer une kashrout "pour le grand public" et à grande échelle, tout en garantissant parfaitement chaque chose comme le souhaitent les plus pratiquants.
ça ne veut pas dire que la situation soit encore identique, près de 30 ans sont passés depuis...
Mais cela permet de vous donner des explications et des pistes de réflexion pour répondre à votre question sur comment peut-il concrètement y avoir une kashrout à deux vitesses.
Est-ce que la Sh'hita du Beth Din pose encore problème de nos jours? je n'en sais rien, je ne travaille pas du tout dans la Kashrout et encore moins dans la Sh'hita. Mon message vise uniquement à expliquer comment il peut y avoir une Hashga'ha qui ne convienne pas à certains, même si les rabbanim qui la gèrent souscrivent à des 'houmrot en kashrout etc.
J'ai un ami qui avait étudié avec
Rav Nissim Rebibo et lui avait demandé s'il mangeait lui-même de sa propre hashga'ha (c'était lui le Rav du beth Din à l'époque).
Sa réponse a été négative, il consommait de la viande sous hekhsher de
Rav Rottenberg (père), bien qu'insistant sur la kashrout de la Sh'hita Beth Din.
(Je connaissais pourtant des juifs à l'époque qui consommaient la viande Beth Din en disant: "Si Rabbi Nissim la mange, je peux aussi la manger".
Hélas ils se trompaient sur ce que Rabbi Nissim consommait lui-même...)
Voilà pourquoi beaucoup évitent les restaurants Beth Din mais font confiance au même
Rav Gugenheim pour consommer les produits de sa liste surveillée.
L'explication est que tous font confiance à
Rav Gugenheim qui est un Talmid 'Hakham très versé et spécialisé dans la Kashrout, lorsqu'il vérifie la chaîne de fabrication d'un produit et en certifie la kashrout, c'est hautement fiable
(à part pour le problème intrinsèque à une liste; qu'on n'est pas toujours averti d'un éventuel changement de composition, et dans ce cas, la liste que l'on possède dans sa poche ne va pas s'adapter. Il faut donc vérifier sur le site du Consistoire car les industriels doivent prévenir lors de changements et il y a des mises à jour).
Mais le souci est lorsqu'il faut faire confiance à un mashguia'h absent...
[Vous me direz, mais alors comment Rav Gugenheim qui est Yeré Shamayim tolère qu'il puisse y avoir des absences de ses Mashgui'him?
La réponse est qu'il ne le tolère pas, car selon lui il n'y a jamais d'absence de mashguia'h dans un restaurant Beth Din.
Et encore une fois, je ne sais pas qui est dans l'erreur et qui dans le vrai].
Il en résulte qu'un restaurant beth Din tenu par un religieux Yeré Shamayim, ou bien qui est doté d'une présence constante d'un mashguia'h religieux et Yeré Shamayim, est un restaurant fiable d'après tous
(même les anti-Beth Din), sauf en ce qui concerne la viande/volaille (sh'hita).
Ceci étant dit, je précise à nouveau:
-que je ne suis pas inspecteur de Kashrout,
-que je ne sais quasiment rien de ce qui se passe sur le terrain,
-que je n'ai aucun intérêt financier contre le Beth Din (je n'ai pas de hekhsher...),
-que je respecte et apprécie beaucoup
Rav Gugenheim,
-que je mangerai les yeux fermés d'une viande sur laquelle il aurait pratiqué lui-même la Sh'hita
(et qu'il garantirait),
-que beaucoup critiquent le Beth Din mais ne se rendent pas compte du nombre de juifs qui mangeraient Taref sans le Beth Din,
-qu'il est facile de critiquer et plus malin d'apporter son concours en vue d'aider à corriger ce qui est imparfait,
-qu'on peut trouver des accidents dans toutes les Hashga'hot
-qu'il est extraordinairement difficile de veiller à chaque chose lorsqu'on produit énormément
etc... (et j'en passe).
Mon message n'a que pour but de répondre à votre questionnement légitime: comment concevoir deux vitesses/niveaux dans la Kashrout, en considérant que les rabbanim des deux côtés soient fiables.
C'est bien le cas, il s'agit de rabbanim Yeré Shamayim mais il peut tout de même y avoir deux vitesses.
Est-ce réellement le cas du BD ? je ne peux pas me prononcer, ce que je peux dire c'est qu'on peut concevoir deux Hekhshérim dirigés par des Talmidei 'hakhamim et Yerei Shamayim des deux côtés et qui pourtant offriraient deux niveaux de kashrout tout en ayant les mêmes considérations halakhiques au niveau du Psak.
Ma réponse renseigne sur l'aspect théorique et n'a d'autre but que d'éclaircir cet aspect.
Comme nous le disait
Rabbi Yaakov Tolédano (à lire avec l'accent:) "
il faut parler des paroles constructives".
Je vous ai expliqué pourquoi certains refusent de "manger BD", je ne suis pas en train de vous dire que vous devriez obligatoirement les suivre, je n'ai pas mené d'enquête personnelle sur ce sujet, je vous ai rapporté ce que l'on m'a dit, c'est tout.
A vous de mener votre enquête, ou de questionner votre Rav -s'il a une opinion.