La parachath Devarim, première partie des ultimes recommandations adressées par Moïse à Israël, contient un verset que Rachi commente de façon inattendue :
« Et ordonne au peuple en disant : Vous passez par la limite de vos frères, les enfants d’Esaü, qui demeurent en Séir, ils vous craindront, et vous prendrez bien garde (we-nichmartèm meod) » (Devarim 2, 4), ce verset étant suivi de : « Ne les provoquez pas ! Car je ne vous donnerai pas, de leur pays, jusqu’à la foulée d’une plante du pied, car j’ai donné le mont Séir en héritage à Esaü » (2, 5).
Rachi : « Et en quoi cette « garde » consiste-t-elle ? “Ne les provoquez pas !” ». En d’autres termes, l’expression we-nichmartèm meod s’attache, selon Rachi, aux premiers mots du verset suivant.
Cette explication de Rachi est étonnante. On trouve en effet cette même expression we-nichmartèm meod au verset 4, 15 (we-nichmartèm meod lenafchothèkhem), où elle signifie : « Vous prendrez bien garde à vous-mêmes », en d’autres termes : « Ne vous mettez pas en danger ! » (voir Berakhoth 32b).
Autrement dit, alors qu’ici les enfants d’Esaü, parce qu’ils ont peur de vous, vous devrez prendre garde à ne pas les provoquer, vous devrez plus loin dans le texte prendre garde à votre propre sécurité et à votre propre survie.
Peut-être peut-on expliquer Rachi, suggère rav Avigdor Bonchek, en ce qu’il veut nous signifier que la faiblesse d’un adversaire, caractérisée par la peur qu’il a de son ennemi, lui donne une volonté et des forces accrues pour le combattre. Lorsqu’il est à terre, il peut trouver en lui-même et dans sa propre détresse des moyens de nuire dangereusement à celui qui l’a vaincu.