Lorsque Jacob a béni Efraïm et Manassé, les deux fils de Joseph, il leur a souhaité de « se multiplier (וידגו) abondamment au milieu de la terre » (Berèchith 48, 16 – A noter que le mot ארץ peut se traduire indifféremment pas « pays » ou par « terre »).
Le mot employé par notre patriarche, וידגו, pour « se multiplier », alors que l’on se serait plutôt attendu à וירבו, a été abondamment commenté, d’autant qu’il ne figure nulle part ailleurs dans la Bible.
Pour Rachi, ce mot est à rapprocher de דג (« poisson ») : « Qu’ils se multiplient comme les poissons (דגים), qui fructifient et se multiplient sans que le mauvais œil ait prise sur eux ! »
Selon le Keli yaqar (Chelomo Efraïm de Luntschitz (1550 - 1619), l’expression « au milieu de la terre » est à rapprocher d’un enseignement de la Guemara (Sota 11b) :
Lorsque les femmes hébreues accouchaient en Egypte et que les Egyptiens se mettaient à la recherche de leurs nourrissons pour les tuer, Hachem les enfouissait sous terre. Les Egyptiens labouraient celle-ci, ainsi qu’il est écrit : « Sur mon dos ont labouré des laboureurs… » (Psaumes 129, 3). Après quoi les nourrissons sortaient de terre comme de l’herbe, ainsi qu’il est écrit : « Je t’ai multipliée comme une plante des champs… » (Ezéchiel 16, 7).
Cette comparaison avec les poissons s’explique dès lors à partir de cet enfouissement. Les nourrissons étaient engloutis sous terre à la manière des poissons, qui sont dissimulés sous l’eau qui les entoure de toutes parts. Ainsi l’expression « au milieu de la terre » s’explique-t-elle par cette comparaison : Les enfants étaient enfouis « au milieu de la terre », tout comme les poissons sont « enfouis au milieu de l’eau ». Et de même que le « mauvais œil » est sans influence sur ces créatures aquatiques, de même en a-t-il été pour les enfants de Jacob, ainsi qu’il est écrit : « … et la terre en a été remplie » (Chemoth 1, 7).