A
Yoelish :
Citation:
Pourtant Rashi n'est-il pas venu seulement pour expliquer "pchouto chel mikra" ?
Donc son petit-fils lui aurait reproché de ne pas avoir respecté cette condition ?
Vous aussi (comme votre prédécesseur) posez une très bonne question.
Rashi voulait expliquer le Pshat des Psoukim mais s’est souvent "laissé porter" à citer les Midrashim et -parfois- il n’a cité que le Drash et non le Pshat.
J’avoue que c’est interpelant de la part de celui qui répète constamment qu’il vient établir le Pshat.
Le
Ibn Ezra le lui reproche explicitement, il écrit dans
Safa Broura (Fürth 1839, daf 5a) que
Rashi a expliqué le Tanakh selon le Drash en pensant qu’il écrivait le Pshat, «
alors qu’il n’y a de Pshat dans ses livres, qu’une explication sur mille ( !). Et dire que les sages de notre génération se félicitent de tels Sfarim…»
(et ne voient pas que Rashi s’écarte du Pshat).
Voici le texte en hébreu :
אמרו כלל אין מקרא יוצא מידי פשוטו והדרש הוא תוספת טעם. והדורות הבאים שמו כל דרש עיקר ושורש, כרב שלמה ז"ל שפירש התנ"ך על דרך דרש והוא חושב כי הוא על דרך פשט, ואין בספריו פשט רק אחד מני אלף, וחכמי דורנו יתהללו באלה הספרים
En fait,
Rashi lui-même en était conscient et le reconnait à son petit-fils
Rashbam (Bereshit 37,2).
Rabbi Avraham Bakrat (contemporain du Abrabanel) écrit dans son
Sefer Hazikaron (commentaire sur Rashi, écrit à Tunis en 1507 et imprimé à
Livourne en 1845, daf 89a col.2, sv. Lo Tové) qu’il est établi que
Rashi, dans la majorité des versets, délaisse le Pshat et cite les Midrashim.
Et bien qu’il écrive parfois «
qu’il vient expliquer et établir le Pshat », son intention dans ces phrases ne se rapporte qu’au verset concerné, pas à toute la Torah.
Dans les mots:
וכבר ידעת שהרב ברוב פסוקי התורה מניח פשט הכתוב ומביא מרדשם ז"ל. ואע"פ שלפעמים כותב ואני לישב פשוטו של מקרא באתי, לאותו הפסוק בלבד יכוון לא לכל התורה
Voici qui interroge sur le commentaire de
Rashi…
En fait, généralement, même si
Rashi cite un Midrash, il s’agit d’un Midrash nécessaire au niveau du Pshat, c-à-d que les mots du verset posent problème sans citer ce Midrash et c’est pour cela que
Rashi le cite et l’insère dans son explication.
Ainsi, on pourrait dire que l’intention de
Rashi est d’expliquer le Pshat dans toute la Torah, même lorsqu’il cite un Midrash, car son intention est d’expliquer une tournure étrange ou un mot superflu.
Il s’agirait d’un niveau intermédiaire entre le Pshat et le Drash.
Un peu comme le font le
Malbim et
Haktav Vehakabala qui soulignent en quoi les mots eux-mêmes amènent au Drash des ‘Hazal.
On retrouve cette volonté chez
R. David Tsvi Hoffman dans son
commentaire sur Vayikra (écrit en allemand et traduit en hébreu et publié par
Mossad Harav Kook -Jér. 2022), chez
R. Shimshon Refael Hirsch, chez
Ranhou (Weisel) dans
Pshouto Shem Mikra (sur Vayikra -Rishon Letsion 2021), et chez
R. Arié Kaplan (The Living Torah, 1980 – traduit en français La Torah vivante, 1996).
Le
Ibn Ezra reproche malgré tout à
Rashi de ne pas avoir choisi d’expliquer exclusivement selon le Pshat, et critique donc son commentaire.
Cependant, comme le souligne
R. Zeev Yaavets dans
Toldot Israel (XI, p.137-138), le peuple a préféré le commentaire de
Rashi à celui du
Ibn Ezra (ce qui n’est pas tellement étonnant vu la rédaction ardue et difficile d’accès des commentaires du Ibn Ezra, mais justement, cela ne prouve pas vraiment la préférence pour les Midrashim que sous-entend R.Z. Yaavets)
(Certains Rishonim faisaient un grand effort au niveau de la rédaction pour gagner en clarté, c'est le cas de Rashi.
D'autres Rishonim ne se souciaient pas autant que lui de mettre leur texte à la portée de tout lecteur.
Et enfin, le Ibn Ezra, semble lui aussi avoir fait un effort, mais dans l'autre sens: pour rendre son commentaire plus difficile d'accès et le réserver à une élite.)