Dans les éditions du Tanakh que nous connaissons, les trois plus grands livres prophétiques sont classés dans un ordre chronologique : Isaïe, Jérémie et Ezéchiel. Le Talmud (Baba Bathra 14b) arrange en revanche ces trois livres différemment : Jérémie, Ezéchiel et seulement ensuite Isaïe. La raison en est, explique-t-il, que le livre de Jérémie ne contient que des prophéties de destruction ; aussi vient-il le premier. Ezéchiel contient pour partie des prophéties de destruction et pour partie des consolations. Quant à Isaïe, il ne contient que des consolations, de sorte qu’il vient en dernier.
Et pourtant la haftara de notre paracha, constituée par le premier chapitre du livre de ce prophète, n’a rien d’une consolation, bien au contraire.
Dans ses Hilkhoth ta‘anith 1, 2, Rambam/Maïmonide nous propose une façon de résoudre cette difficulté : Lorsqu’on sait qu’une tragédie qui nous atteint est due à la mauvaise conduite de la collectivité, celle-ci devient une étape importante vers le repentir. Toute tragédie constitue un moyen de faciliter notre amélioration
C’est pour cette raison même que le critique virulente par Isaïe de la société qui l’entoure est lue avant le 9 av. Le prophète réprouve les gens pour leur déloyauté envers Hachem dans les termes qui n’ont nulle part leur équivalent. Il compare cette déloyauté avec la loyauté des animaux envers leurs maîtres : « Un bœuf connaît celui qui le possède, et un âne la mangeoire de son maître ; Israël ne sait pas, Mon peuple n’a point d’intelligence » (Isaïe 1, 3).
Radaq explique ce verset comme suit : les animaux, bien qu’ils n’aient pas de discernement, possèdent la capacité de s’éloigner de ce qui leur est préjudiciable et de rechercher ce qui est pour eux avantageux. Par cela, ils reconnaissent dans leurs maîtres la source de leur bienfait permanent, et rentrent à l’étable une fois leur besogne achevée. De même les enfants d’Israël devraient-ils, à tout le moins, respecter Hachem, leur bienfaiteur, qui les a délivrés de la servitude d’Egypte et a chassé des peuples de devant eux pour les établir sur la terre de leur héritage ; mais ils ne le font pas, et se livrent au contraire à des pratiques idolâtres.