C’est légèrement au-dessus de mes moyens, je me contenterai donc de la version imprimée ou d’une autre lettre du
Rabbi au
Rogatshover dont on trouve un fac-similé dans les
Igrot Kodesh (tome I, p.22).
La lettre dans laquelle il lui demandait "une première fois" la source du B"H semble être perdue, il se pourrait que l’éventuelle réponse du
Rogatshover le soit tout autant.
Nous n’aurons donc pas sa réponse.
A moins que nous ne retrouvions des écrits encore non imprimés du
Rogatshover et c’est ce qui se passe en ce moment, des écrits inédits sont en travail après avoir dormi 80 ans.
Ce ne sont pas les manuscrits originaux qui ont été détruits par les nazis, mais des microfilms sauvés in-extremis grâce au concours de personnes soucieuses de préserver les travaux du
Rogatshover, dont sa propre fille –
Ra’hel Tsitron qui est venue de Peta’h Tikva à Dvinsk en 1940 dans l’intention de sauver les écrits de son père décédé quelques 4 ans plus tôt (le 5 mars 1936).
Elle y laissa malheureusement sa vie, tout comme le rabbin successeur du
Rogatshover , Rav Israel Alter Safern-Fuchs, qui l’a aidé dans cette entreprise de sauvetage.
Mais ils ont pu envoyer les micro-films à des parents dudit rabbin résidants aux USA.
Deux rabbins américains (
rav M. Kascher et rav P. Teitz) ont publié des écrits inédits du
Rogatshover à partir de ces documents, mais rien n’a été publié depuis 20 ans (décès du
rabbin Teitz en 1995, le 26 décembre) alors qu’il reste encore des documents à déchiffrer et publier.
Mais il parait que certains travaillent sur ces micro-films, voyez ce lien qu’un ami vient justement de m’envoyer :
http://www.jewishpress.com/sections/books/book-reviews/mysterious-manuscripts/2015/01/05/0/?print
Nous aurons peut-être bientôt la réponse du
Rogatshover au
Rabbi…
[Ce
rav Pin’has Teitz était le gendre du grand
rav Elazar Méir Preil, rabbin d’Elisabeth N.J. et auteur du
Shout Amaor (Volume 1 -Jérusalem 1929. Le second tome a été publié post-mortem par sa veuve en 1955 et comporte des remarques de son gendre
rav Teitz).
Comme il est méconnu, j’ouvre cette petite parenthèse à son sujet :
il est arrivé en 1933 aux USA avec le
Rav E.M. Bloch de Telz pour récolter des fonds pour la Yeshiva de Telz et y épousa la fille du
rav Preil, Bessie.
Cette dernière, comme ses sœurs, appréciait particulièrement de chanter les zmirot du shabbat avec son père.
Or ce dernier étant une grande figure de la Thora des USA de cette époque, les rabanim de passage se retrouvaient assez souvent chez lui, de telle sorte qu’une fois le
rav Barou’h Ber Leibovicz était leur invité un shabbat de 1929 et lorsque les filles ont commencé à chanter avec leur père, le
rav Leibovocz a sauté sur sa chaise et s’est enfui.
Evènement qui perturba sérieusement la bonne humeur du shabbat et humilia le papa désemparé.
Ainsi, lorsque le
rav Ruderman passa un shabbat de l’année suivante chez les
Preil, le
Rav Preil le mis au courant de cette affaire pour lui demander comment il réagirait si ses filles chantaient à table.
Rav Ruderman se prévalant de la shita de Slabodka répondit que malgré que la ala’ha imposerait théoriquement de quitter les lieux, il se contentera de rester assis et de ne pas écouter le (ne pas prêter oreille au) chant de ses filles, en expliquant que sa religiosité ne devait pas blesser les autres (Cf.
Making of a Godol tome 1, foreword p.XXII, note L).
Il peut paraitre étrange que le
rav Preil ne veillait pas plutôt à expliquer à ses filles que la Ala’ha ne permettant pas d’écouter une femme chanter, il conviendrait de s’abstenir de chanter lorsqu’un invité de marque (ou même démarqué) est présent.
Mais il faut comprendre qu’à cette époque il n’y avait pas d’écoles juives à Elisabeth et l’instruction religieuse ne pouvait se faire qu’à la maison.
Il n’y avait pas non plus un minian de shomrei shabbat dans la ville…
Cette situation ne devait probablement pas permettre au Rav d’éduquer ses filles dans le strict respect de la ala’ha, aussi, se basant sur certaines koulot, il devait préférer tolérer cela de peur qu’elles perdent complètement goût au shabbat. (Et ce qu'à dit
Rav Sha'h au sujet des zmirot avec les enfants est connu -même s'il faut savoir comprendre l'idée plus largement.)
(pour les koulot : il faut tout d'abord savoir quel âge avait réellement les filles qui chantaient, le
rav Leibovicz étant très rigoureux, il aurait très bien pu s’enfuir en entendant le chant d’une fille de trois ou six ans.
Ensuite, il faut considérer le nombre ; lorsque plusieurs femmes chantent en même temps sans qu’une voix se fasse entendre nettement parmi les autres, l’interdit est moins évident.
Il y a encore d'autres paramètres applicables et menant à la koula, mais je ne pense pas qu'il convienne d'en tenir compte dans ce genre de situation).
Toujours est-il que cette
Bessie Preil sera l’épouse du
rav Pin’has Teitz et la maman du
rav Elazar Méir Teitz…
Le
rav Pin’has Teitz était aussi cousin du
rav Its’hak Zilber, voyez les pages qui lui sont consacrées dans l’autobiographie du
rav Zilber, Rester Juif, p.413-416.
Et puisque nous parlons des
Rabanim Teitz et Zilber et du sauvetage d’écrits de Thora, j’ajouterai que
rav Teitz a fait sortir d’URSS les manuscrits du
professeur Solovey, professeur de médecine, érudit et ancien élève du
‘Hafets ‘Haim, qui avait écrit ses ‘hidoushim et commentaires sur le Talmud sur des cahiers qu’il gardait en secret.
Je ne sais pas s’ils ont été publiés et son cousin non plus, cf.
Rester Juif p.423.
Du vivant du
rav Preil, la communauté n’a pas pris son envol spirituel, mais sous
rav Teitz, les choses ont radicalement changé, c’est lui qui s’est soucié de créer un mikve, une école pour garçons et une autre pour filles, il a donné un cours de gmara hebdomadaire à la radio durant des décennies, bref il a beaucoup œuvré pour faire revivre le judaïsme à Elisabeth.
Comme il le disait pour expliquer ce qui différencie les orthodoxes des "conservative":
«
les libéraux prétendent que le judaïsme est malade et que, pour survivre, il doit se faire amputer des mains (=bras)
et des pieds. Pour notre part, nous estimons que le judaïsme n’est pas malade, mais qu’il a pris le lit parce qu’il n’a plus de forces. Pour le soigner, il faut tout simplement le nourrir correctement »
(Rester Juif p.414).
Le rav est niftar le 26 décembre 1995 - 3 Tevet 5756
]