Citation:
J'ai eu un débat avec un ami ainsi qu'avec l'un de mes frères sur la question du mariage civil en Israël. Ces derniers soutiennent qu'il n'est pas souhaitable que la minorité religieuse impose le mariage religieux aux laïcs et aux athées.
Ils avançaient certains paradoxes, par rapport à cette situation, notamment que ceux qui refusent cette loi qui leur est imposée, peuvent se marier civilement à l'étranger, ou bien qu'ils peuvent épouser (c'est le cas de le dire!) une autre religion pour pouvoir se marier religieusement, mais en dehors du judaïsme.
Je sais que les Rabbins, et les membres des communautés orthodoxes en général, sont farouchement opposés à l'introduction du mariage civil en Israël.
Je voulais savoir ce que vous en pensez, s'il est nécessaire de se battre pour le maintien du mariage religieux obligatoire, et si oui pourquoi ?
N'y a-t-il pas une injustice vis à vis des laïcs qui se sont battus pour vivre en Israël, mais qui souhaitent le mariage laïc (car c'était l'un des arguments avancés par mon frère et mon ami) ?
On m’a reparlé de cette question et de sujets similaires, je ne suis pas forcément le mieux placé pour parler de ces sujets puisque je ne vis pas en Israël et ne suis pas au contact de la population qui vit ces tensions.
Mais on me demande mon avis, je le donne, pour ce qu’il vaut.
Il semble qu’il vienne détailler et expliquer ce qu’a déjà répondu Rav Klapisch de manière concise.
Je comprends parfaitement que cela puisse exaspérer les laïques et qu’ils se sentent comme otages de la religion, mais je ne vois pas trop « l’injustice » car à ce compte-là, dites aussi que c’est injuste de leur imposer le shabbat et Yom Kippour fériés.
Je ne trouve pas là d’injustice, car ils se sont battus pour créer un pays JUIF, pas un pays pour «
descendants de juifs ».
Si on crée la notion de mariage civil en Israël, il sera possible de se marier avec des mamzérim (ou avec des non-juifs, ou des cohanim avec des incompatibles etc…) , résultat, très rapidement, en quelques générations, les habitants d’Israël seront mis au ban de la communauté juive internationale et considérés comme « safek mamzérim » avec qui un juif ne peut pas se marier, car il y aura des mamzérim un peu partout
(dès qu’un des ascendants l’est, tous les descendants le deviennent de manière irréversible, même au bout de plusieurs générations) [voir Safek Goyim].
Aujourd’hui les mamzérim (car il y en a, malheureusement) ne peuvent en aucun cas se marier avec des juifs classiques (sans être repérés), mais si le mariage devient une affaire civile, plus personne ne fera attention à ça (si ce n’est la minorité religieuse), même les juifs vaguement traditionalistes qui n’auraient pas épousé un mamzer en ‘houts laarets, le feront en Israël.
Aujourd’hui chaque juif qui veut venir s’installer en Israël en a le droit.
Je pose la question : pourquoi un non juif n’en a pas le droit d’office comme un juif ?
Réponse : car ce pays est là pour abriter les JUIFS qui se font (parfois) rejeter ou maltraiter partout dans le monde.
C’est un foyer national juif.
Or, si les mariages deviennent une affaire civile, les juifs présents vont se marier avec des non-juives et bientôt il y aura (du point de vue halakhique) autant de non-juifs que de juifs en Israël, aussi, si c’est ainsi, ce pays n’aurait plus sa raison d’être !
Ces personnes qui seraient non-juives par sept de leurs huit arrières grands-parents pourraient tout à fait vivre dans un autre pays, alors pourquoi refuser la aliya d’un non juif qui voudrait s’installer en Israël, sous prétexte qu’il n’est pas juif ?.....
Bref, admettre le « mariage civil » en Israël, revient à changer le projet de base de cet état qui se voulait un état juif.
C’est réalisable, mais il faut être conscient qu’on assassine Israël en faisant cela.
L’autoriser signifie tuer l’Etat d’Israël ; on peut accueillir des non-juifs en Israël (et il y en a), mais s’ils deviennent majoritaires, d’ici 200 ans (voire moins), il n’y aura plus de pays pour abriter les juifs.
L’idée d’Israël est un pays où l’on peut vivre en tant que juif, car c’est « en tant que juif » que l’on risque de se faire rejeter ou ostraciser dans le reste du monde (en fonction des époques).
Un « juif d’origine » qui ne l‘est plus du tout halakhiquement, qui ne pratique pas le judaïsme et dont les parents et grands-parents ne sont pas plus juifs, peut parfaitement vivre en dehors d’Israël, de quelle manière serait-il identifiable en tant que juif pour risquer un jour d’être rejeté/méprisé dans son pays de Gola ?
Les « juifs » allemands qui se sont mariés (uniquement) civilement
(et donc avec des non-juives aussi) depuis deux siècles avant l’arrivée des nazis, étaient parfaitement admis et sont passés au travers de la Shoah sans encombre, car qu’avaient-ils encore de juif ? un arrière-arrière-arrière-grand-parent ?
Le juif qui ne pratique plus rien depuis plusieurs générations est considéré, par les non-juifs eux- mêmes, comme un non-juif.
Ceci étant dit, chaque israélien qui souhaite vivre en couple SANS passer par un mariage religieux, le peut parfaitement.
La religion n’est pas imposée.
Plus encore, s’il souhaite être marié civilement et non religieusement, il peut le faire en dehors d’Israël.
Mais un mariage civil israélien ne saurait être détaché de la religion juive sans pervertir le projet de l’état d’Israël pour lequel tant se sont battus, religieux comme laïcs, croyants comme athées.
Actuellement, il y a des débats autour de l’interdit de faire pénétrer du ‘Hamets dans un hôpital durant Pessa’h.
Je comprends là encore l’exaspération de l’israélien athée qui se sent comme enfermé dans une théocratie, mais il faut clarifier ce qu’est la Medinat Israël, son but est de permettre aux juifs de vivre en tant que juifs, sans renoncer à leur judaïsme (par mariage mixte ou par conversion) et sans être menacés.
Certes, c’est un pays démocrate, et chacun a le droit de manger du pain en plein Pessa’h, mais comme la présence de pain dans l’hôpital contrevient à l’accomplissement de la loi juive en créant un risque de mélange et par-là, interdisant aux pratiquants de manger dans cet hôpital, la loi israélienne l’interdit, car il faut pouvoir être un juif (et un juif pratiquant) en Israël.
S’il s’agit de manger du pain chez soi, la loin israélienne ne l’interdit pas, tant que ça n’empêche pas les autres de pratiquer.
Selon cette logique, un restaurant qui veut vendre des sandwichs pendant Pessa’h le peut aussi, car il ne contrevient pas au respect de la Halakha des autres juifs, seuls ceux qui veulent manger du ‘Hamets iront en manger. Mais dans un hôpital, si certains ont des repas ‘Hamets et font entrer leur pain, il devient très difficile (pour ne pas dire impossible) d’éviter des « contaminations halakhiques ».
Je ne suis pas tellement au courant des arguments de deux côtés, mais c’est ce que j’ai cru en comprendre.
Cependant, comme dit, je comprends parfaitement l’énervement des israéliens athées qui sont nés en Israël et n’ont pas choisi d’y venir vivre et ont hérité d’un pays construit dans une optique à laquelle ils sont fondamentalement opposés. Ils voudraient vivre dans un pays similaire aux pays européens/occidentaux, en faisant abstraction totale du judaïsme, et se retrouvent obligés de composer avec des règles religieuses auxquelles ils n’adhèrent absolument pas et pour lesquelles ils n’éprouvent aucune sympathie ni aucun sentiment positif.
C’est compliqué.
Et on pourrait se demander si un pays comme Israël, quand bien même construit dans un objectif de permettre de vivre en tant que juif (pas seulement juif athée mais aussi juif pratiquant), ne pourrait pas « changer de sens » avec les changements de générations.
En fait, si la majorité du pays était favorable au ‘Hamets dans les hôpitaux, ça serait la loi. Mais il n’y a qu’une minorité d’athées en Israël.
Je trouve, globalement, qu’il y a trop d’incompréhension entre les croyants et les laïques en Israël. Il y a eu des rapprochements dans les dernières décennies, mais d’un autre côté, nous avons maintenant de jeunes israéliens qui sont « engoyisés » depuis 3 générations.
Jusque-là, l’israélien anti-Torah avait tout de même des parents ou au moins des grands-parents qui faisaient Pessa’h, de nos jours, il y a plus d’israéliens totalement déconnectés du judaïsme qu’avant.
C’est paradoxalement ce qui fait qu’ils sont moins hargneux dans leur haine du judaïsme, mais ils en demeurent très éloignés.
Et quand on leur dit qu’ils ne peuvent pas amener leur sandwich à l’hôpital, ils s’offusquent et trouvent que c’est une atteinte injustifiée à leur liberté.
De l’autre côté, certains religieux donnent l’impression d’une volonté de s’imposer aux athées, sans tenir compte de leur positionnement/sensibilité. Ils estiment qu’ils sont en Israël et que c’est le pays de la Torah, donc pas de quartier pour les athées, comme si ces derniers n’étaient pas légitimes en Israël.
Ils ne le sont peut-être pas en « Erets Israel », mais vis-à-vis de l’état d’Israël, c’est différent.
Toutefois, j’ai l’impression d’un progrès b"h dans cette situation d’incompréhension et ce mépris mutuel, je ne sais pas si mon impression se vérifie vraiment au niveau des chiffres, mais il me semble qu’il y a moins de mépris qu’avant.
En tout cas, il y a encore du chemin.
PS: je ne me relis pas, désolé pour les fautes.