Chalom rav Wattenberg,
Nous nous approchons de Yom Haatsmaout (5 Iyar) dans quelques semaines et savons à quel point ce jour déchaîne les passions sur la question délicate du caractère religieux/festif de cette journée. Cette date suscite souvent les débats les plus virulents car on est généralement obligé de prendre position dans des controverses du monde rabbinique : le monde 'haredim semble majoritairement opposé à ce jour car la création de l'Etat d'Israël ne représente pour eux rien sur le plan religieux étant donné que l'Etat ne suit pas la loi de la Torah. Pour d'autres, ce jour est indéniablement le miracle du salut du peuple juif après 2000 ans de persécution, mais aussi l'accomplissement des prophéties millénaires, D-ieu ayant promis que son peuple reviendrait sur sa terre : ce serait donc l'aube de la délivrance.
Je m'étonne toujours de la façon dont certains rabbins traitent ce sujet: Les uns vous répondront catégoriquement qu'on ne doit différencier d'aucune manière que ce soit ce jour par rapport à un autre (hallel, musique, danse et rasage sont à proscrire), d'autres y verront une obligation sacrée de se réjouir cette journée là. Les réponses nuancées se font malheureusement rares.
D'aucuns rapportent que l'écrasante majorité des grands décisionnaires de notre époque disent que le jour de Yom Haatsmaout , on ne fait rien de différent des jours habituels de la période du Omer. Ainsi tranchaient d'éminents rabanim parmi lesquels figurent pour les sefaradim Rav Ben Tsion Aba Chaoul, Rav Ezra Atié et Rav Sasson Mizrahi, pour les ashkénazim le Rav Chakh, le 'Hazon Ich et Rav Moshe Feinstein. Je n'ai hélas pas les références pour appuyer ces dires mais j'ai pu l'entendre d'un rav en Israël. Par rapport à rav Ovadia Yossef, je crois avoir lu tout et son contraire: Les partisans du 5 Iyar affirment qu'il ne faisait pas Ta'hanounim ce jour là et qu'il récitait même le hallel (sans bénédiction). Dans le monde 'haredim, deux versions circulent: Pour certains, il récitait OUI les supplications, pour d'autres, il s'en abstenait mais pas parce que c'était Yom Haatsmaout, mais parce que à aucun jour de l'année il ne faisait ta'hanoun dans sa synagogue: il y avait en effet tous les jours une brit mila là-bas.
Quand au monde sioniste d'aujourd'hui, celui-ci explique généralement que les plus grands rabbins d'Israël tels que rav Herzog, rav Ouziel ou bien rav Yehouda Hacohen Kook [là encore je manque de références] permettent sans ambiguïté aucune d'en faire un jour de prières, de chants et de danses.
Ayant depuis quelques années le plaisir de lire vos réponses toujours minutieusement bien construites et référencées, j'aimerais savoir si vous pouviez apporter une synthétiser des avis/shitotes venant des grands poskim contemporains sur cette question (je suis également preneur de références). Et à la lumière de ces réponses, savoir quelle est la meilleure manière - s'il en existe une - de ressentir et de vivre cette journée ?
Ainsi, est-il raisonnable de dire qu'une personne serait dans l'erreur si elle décide de se raser, de chanter le hallel et de danser avec de la musique ce jour-là ? Est-ce raisonnable de qualifier d'ingrat quelqu'un considérant cette date du calendrier comme ordinaire, allant jusqu'à dire qu'il "cracherait dans la soupe" en agissant ainsi ? Ou bien vaut-il mieux considérer les deux attitudes de respectables l'une comme l'autre, à l'image de la fameuse guémara erouvim [13b] rapportant les mots de la bat kol "אלו ואלו דברי אלוהים חיים".
Au plaisir de vous lire.
Kol touv !