Vous posez-là une très bonne question (même si vous auriez pu la poser concernant le respect du Shabbat avant de parler de la sfira), si bonne qu'elle n'a pas vraiment de réponse tranchée.
En fait, il est assez rare que la question soit pratique, c'est pourquoi peu de poskim s'y sont intéressés.
Mais il y en a quelques uns tout de même:
Le Rav Yossef Cohen -petit fils du grand rav Hersh Pessa'h Frank, dans ses annotations Harerei Kodesh sur le Mikraei Kodesh de son grand-père (Mikraei Kodesh Pessa'h II, §63, p.214) cite le Even Yekara (I, o"h §XI) concernant un globe-trotter qui perd un jour en chemin, doit-il respecter le shabbat selon l'habitude locale ou selon son propre décompte des jours?
Sa conclusion est que le shabbat dépendra du décompte local.
Il précise que c'est aussi -selon lui- l'opinion du Yashar Mikandia (R. Yossef Shlomo Delmédigo).
Suite à cela, le Harerei Kodesh se demande qu'en sera-t-il concernant la sfirat Haomer.
Le Bnei Tsion (R. D. Shapira)(I, §XIV) considère que si l'on a "perdu" un jour (=en voyageant vers l'Est), on ne pourra plus faire la brakha par la suite, tandis que si l'on a "gagné" un jour (=en voyageant vers l'Ouest), certes il ne pourra re-compter ce même jour avec brakha, mais il y a lieu de se demander ce qu'il en est pour la suite; va-t-on dire qu'il peut continuer avec brakha car il n'a manqué aucun jour, ou bien, étant donné qu'il aura plus de 50 jours, il n'y a pas de brakha dans son cas car il y a un jour de trop?
Le Rav Braun (auteur du fameux Shearim Metsouyanim Bahalakha) dans Hamaor (Iyar 1950, p.10) cite le Bnei Tsion et propose de prouver que le jour en trop n'annulera pas la brakha.
Il cite le Maguen Avraham (§494) qui cite lui-même une question du Rema de Fano: étant donné que les hébreux sont sortis d'Egypte un jeudi et que la Torah a été donnée un shabbat, cela fait 51 jours et non 50 !
(dans Hamaor il y a une erreur, au lieu de dire que la torah a été donnée à shabbat il est écrit qu'elle a été donnée le 7 sivan)
Il y a plusieurs réponses à cela, mais le Rav Shlomo Shapira de Munkacz répond en citant le Zohar (Bo 38a) qui nous dit que la nuit de l'ouverture de la mer (sortie d'Egypte) éclairait comme le jour et en était réellement un pour les hébreux, ainsi, les deux journées qui auraient dû être séparées par cette fameuse nuit ne font en finale qu'un seul jour, c'est pourquoi il n'y a que 50 jours entre Pessa'h et Shavouot, même si pour les autres peuples il y avait 51 jours (et que le décompte des jours de la semaine a continué son cours, concept étrange, je vous le concède).
Cette réponse est citée par le petit-fils du rav Shapira, le Min'hat Elazar, dans Shaar Yissakhar (maamar Sfat hayam)
Il en résulte, reprend le Rav Braun, que lorsqu'un jour est allongé au point de s'étaler sur deux jours, il ne compte que comme un, aussi, chez nous le compte des 50 jours sera sauf et l'on pourra continuer avec brakha.
Il reconnait lui-même (en page 11) que cette preuve est discutable à de maints égards, mais c'est tout de même intéressant.
Il y a encore une position qui mérite d'être mentionnée pour son originalité, c'est celle du maître de la bekiout, l'épatant Rav Mendel Kascher (shout Divrei Mena'hem I, §33).
Selon lui, on devra faire la brakha et compter les deux jours à la fois (§33, 14), par exemple:
היום שלשה ימים לעומר לחשבון מערב העולם והיום ארבעה ימים לעומר לחשבון מזרח העולם
Il y a encore plusieurs endroits (des dizaines!) où le dernier Rabbi de Loubavitsh traite de ce cas, voyez Likoutei Si'hot (III, Emor, voir p.285), Kobets Héarot oubiourim (Sivan 5752, p.4 à 9), Shaarei Halakha Ouminhag (O"H II, §219, p.148), Kobets Yagdil Torah (année 5739, §81, p.113) et 'Hidoushim Oubiourim Beshas (§36), selon lui, on se fixera selon son propre décompte des jours, peu importe ce que les voisins comptent le même soir.
Au point de considérer shavouot à une date différente desdits voisins de palier (un jour avant ou un jour après), mais sans pour autant dire dans la prière "zman matan toraténou" car les shabbatot et Yamim tovim doivent eux être respectés en fonction de l'endroit où l'on se trouve (et non en fonction de son propre décompte).
Voir à ce sujet (la position du rabbi de Loubavitsh) moult précisions dans Sfirat Haomer du rav Tsvi Cohen (p.207).
Voir aussi le maamar de Rav Yoel Kahn dans Héarot Oubiourim (année 5756, vol. 14, p. 56) et celui du Rav Rivkin dans le kobets Héarot oubiourim (année 5752, vol.30, p.17)
Voir aussi Igrot Kodesh (XVII, p.265)(XX, p.112 et 148) et Otsar Minhaguei 'Habad (Mondshein) (Nissan-Sivan, p.254 et p.315)
Pour plus de détails, voir encore:
-Shout Betsel Ha'hokhma (V, §96) pour le décalage horaire et son incidence sur la sfira. Et le din de celui qui passe le Kav Hataarikh (voir simanim suivants (97, 98).
-Lilkot Shoshanim (IV, p.123)
- Shout Beer Moshé (VII, kountras elektrik, §90 et §115)
-Halikhot Shlomo (p.356)
-Nitei Gavriel (Shavouot, §35) et (Pessa'h III, §25)
-Ki ba moed (p.37)
-Shout Beit Avi (III, §67)
-Shout Or Letsion (III, §XVI, 5)
-Ayélet Hasha'har al hilkhot zmanim veshiourim (I, p.47)
- Shout Min'hat Its'hak (VIII, §50 et §102)
Et de manière plus générale pour les problèmes liés au Kav Hataarikh:
-Shout 'Hemda Gnouza (rav Shloush de Natanya) (au début du 'helek 1)
-Hamaor (mars 1953, p.25)
-Nimoukei Shmouel (Hibner)(p.27) (il avait déjà publié sur ce sujet dans Hadarom n°15 année 1962, p.78)
-Israel vehazmanim (II, p.960)
-Shaar reouven (§7)
-Kobets Beit Aharon Veyisrael (N°147, p.95)
-Shearim Metsouyanim bahalakha (II, p.25) (voir aussi IV, p.142)
Il y a encore énormément de mekorot qui mériterait d'être indiqués et je pense qu'en recherchant avec le logiciel de Bar Ilan on en trouverait encore plus, mais estimant que vous avez déjà assez de lecture avec ça pour commencer, je m'arrête-là.
et sans oublier bien sûr les incontournables:
-Kav Hataarikh Hayisraéli du rav Mendel Kascher
-Taarikh Israel (Taplin) voir dans les mafté'hot (p.704) tout ce qui se rapporte à la sfira.
-Yeshouot cohen du Rav Adler
-Hayomam bekadour haaretsdu rav Tikotshinsky
-Agan Hassaar (Zimmerman)