Je ne sais pas qui vous a raconté que
Rabbi Akiva apprenait à ses élèves à tirer à l'arc, c'est assez insolite comme explication de l'ancien minhag qui consistait à tirer à l'arc le jour de Lag Baomer.
On le retrouve dans certains livres depuis un peu plus d'un siècle, mais je ne connais pas de source à cela chez les Rishonim.
Ce minhag s'est un peu perdu depuis la seconde guerre mondiale. On voit de moins en moins d'archers
(tel Guillaume –quoique lui c'était à l'arbalète) le jour de Lag Baomer.
Il y a encore à peine un siècle, on pouvait voir des juifs religieux et des rabbins tirer à l'arc dans les bois le jour de Lag Baomer, mais je crois que de nos jours ces
rabbins des bois se font rares.
On ne connait pas l'origine du Minhag avec certitude. Déjà lorsque les
frères Tharaud avaient questionné les juifs rencontrés sur la raison de cette habitude, ils n'obtinrent aucune réponse claire (cf.
Un royaume de D.ieu, p.114).
Chez les A'haronim nous trouvons des explications liant l'arc à l'arc-en-ciel qui se faisait discret du temps de
Rashbi (cf.
Bereshit raba XXXV, 2). L'arc serait donc là pour symboliser, en ce jour, la grandeur de
Rashbi.
Cette interprétation se retrouve dans le
Taamei Haminhaguim (p.252), le
Likoutei Maharia'h (III, 44b) et dans le
Bnei Issakhar (Bnei Yissoskhor) ('hodesh Iyar, III, 4, daf 123b) au nom de
R. Mendel de Rimanov.
Malgré tout, je trouve cette explication peu satisfaisante car elle ne justifie que l'arc, mais pourquoi les flèches ? pourquoi tirer ?
Une autre explication - mais insuffisante pour les mêmes raisons - se trouve dans le
Sia'h Hassadé (Deutsch) (§257). Il y est dit que nous symbolisons par l'arc le fait que le jour de Lag Baomer soit particulièrement propice à l'acceptation des prières, car un arc se dit
Keshet en hébreu et s'écrit des trois lettres qui sont les initiales de «
Shma Kol Tfilatenou » (écoute la voix de notre prière).
Là aussi, on peut se demander pourquoi serait-il alors nécessaire de tirer des flèches ?
Mais il y a encore « pire », ou « plus improbable » dans le
Maguen Avraham (Twersky)(p.450); il explique que Lag signifie 33, mais c'est aussi les lettres qui forment
Gal - qui est la moitié de
Galgal (cercle), donc
Gal correspond à la moitié d'un cercle, à un demi-cercle. Et c'est précisément la forme de l'arc…
Je trouve cette explication très peu probable pour plusieurs raisons, je n'en cite que trois:
- d'abord la forme de l'arc n'est pas exactement celle d'un demi-cercle
(on aurait pu choisir autre chose).
- là encore, pourquoi tirer à l'arc ?
- et de plus, le fait de bander l'arc serait justement contraire à l'idée, car la forme de demi-cercle se perdrait.
Je parle de ce minhag dans un cours enregistré ici:
http://www.centre-alef.fr/2013/04/lag-baomer-et-rashbi/
Bref, en l'absence d'explication plausible et justifiant aussi les flèches, on est tenté de donner crédit à votre explication (qui justifie ces flèches), mais ce n'est pas nécessaire car nous trouvons déjà dans le
Otsar Dinim Ouminhaguim (p.188) une explication similaire sans avoir besoin d'inventer que
Rabbi Akiva fut prof de tir à l'arc; c'est pour montrer qu'on mène la guerre aux romains qui ont tué les élèves de
Rabbi Akiva (qui ne seraient pas morts lors d'une épidémie ? voir ce que j'ai écrit ici:
http://techouvot.com/nissan_omer_et_deuil_des_eleves_de_rabbi_akiva-vp46117.html#46117 )
Il y a encore l'option fantaisiste qui consiste à dire que l'on tire à l'arc pour célébrer une victoire militaire de
Bar Kokhva qui aurait repoussé une légion romaine le jour de Lag Baomer, je l'ai lue dans «
Vers le monde qui vient » d'
Edmond Fleg (p.191-192) au nom d'un juif qui citait son maître.
Avec autant d'imagination on pourrait aussi supposer que ces tirs à l'arc célèbrent la première rencontre des deux grands archers français
Eugène Mougin et Eugène Grisot, un jour de Lag Baomer, le
23 mai 1905.
Mais comme le minhag existait déjà avant leur rencontre, j'imaginerais qu'avant cela c'était pour commémorer le Yohrzeit de
Jeanne d'Arc (en mai 1431), d'où l'arc, et aussi le bûcher de Lag Baomer.
Et comme depuis la séparation de l'Egilse et de l'Etat on ne trouvait plus nécessaire de fêter Jeanne, on se serait rabattu sur les deux Eugène. Ingénieux, non ?
Bref, on peut tout proposer avec de l'imagination, même que
Rabbi Akiva participait aux jeux olympiques et aurait gagné une médaille au tir à l'arc nocturne à Lag Baomer (le
23 mai 130 au soir).
Donc, puisqu'à l'heure actuelle, le
23 mai 2016, on ne peut pas pointer avec certitude l'origine de ce « minhag en voie de disparition », je n'accorderais pas trop d'importance à cette information selon laquelle les élèves de Rabbi Akiva prenaient des cours de tir à l'arc pour se défendre des romains
(d'autant qu'il eut été alors probablement préférable de s'entraîner au glaive).
Toutefois, lorsque vous demandez, je cite :
Citation:
si oui, pourquoi Rabbi Akiva le faisait? (n est il pas di dans la guemara que l étude de la thora protège)
Je vous signalerai que lorsqu'on dit dans la
gmara (Sotah 21a) que l'étude de Torah protège, cela ne signifie pas qu'il soit superflu de se défendre.
Le
roi David étudiait la Torah et avait pourtant une armée.
La réussite militaire de cette armée était conditionnée par l'étude de
David et le
Mishpat qu'il pratiquait, comme le dit le
Talmud (Sanhedrin 49a).
L'armée seule ne suffit pas, mais la Torah seule non plus.
Il faut les deux.