Donner le nom d’une ville, pourquoi pas ?
Il y aura certainement des opposants, nous trouvons dans le Shout Shéilat ‘Hemdat Tsvi (V, §47) qu’il ne faut pas donner à son enfant un nom de végétal car cela rabaisserait le niveau de l’homme au végétal.
Mais en tenant compte de tous les avis, on ne peut pratiquement plus vivre, il faut savoir distinguer entre ce qui a une source dans le Talmud et la halakha et ce qui n’en a pas.
Si c’est vrai (ce que dit le ‘Hemdat Tsvi), il ne faut pas donner les noms Tamar, Ilan, Ilana, Hadas, Olivier, Olivia, Shoshana, Suzanne, Vered, Daisy, Rose, Violette, Fleur, Eglantine, Anémone, Capucine, Iris, Hortense, Dalhia, Jasmin, Clémentine, Cerise, Marjolaine, Erez, Alon, Elona, Narcisse, Marguerite (Greta), Mélissa, …
[Pourtant Tamar figure dans la Torah comme nom d’une tsadeket. Aussi, Hadassa dans la Meguilat Esther…]
Et à plus forte raison ne pas donner le nom d’une ville ou d’un endroit qui serait encore plus bas que le végétal, ça rabaisserait l’homme au minéral –‘has veshalom!
Il faudrait interdire des prénoms comme Pierre, Zéphyr, Jade, Ambre, Agathe, Sharon, Eden, … Levana (si c’est la lune…et pas Blanche… mais peu probable), [Bar] Kokhva (résultat peu inspirant…)
Et le prénom Tsion ? Pourtant on voit bien dans la Bible que c’est un lieu géographique. C’est soit Jérusalem, soit Israël, soit une montagne, mais c’est bien un minéral et malgré cela, de grands rabanim ont porté ce prénom ou l’ont donné à leur enfant sans se soucier de le rabaisser au niveau du minéral.
Et Sinaï ? Ce prénom se trouve parmi les Rishonim et leurs élèves. Le Rosh avait un élève Russe nommé Rabbi Asher bar Sinaï (cf. Shout Harosh Klal 51, §2,2, p.219 dans la nouvelle édition Makhon Yeroushalaïm).
En plus récent, il y a le rav Sinaï Steiner (sefer Har Sinaï, 1883) (son fils a écrit le Shoshanat Yaakov -1882), le Rav Sinaï Sapir auteur du Shout Min’hat Ani (1847) (et son nom de famille est tout autant minéral, c’est le saphir), [un sefer éponyme comportant 130 koushiot –guematria Ani- a été rédigé par un rav Isaakhar ben harav Sinaï Lamdan ! Il y a aussi le Shiyarei Min’ha -1862 des écrits du même auteur], le rav Sinaï Rosenberg (sefer Imrei Sinaï, imp. En 1912).
Il y a parmi les récents et contemporains rabanim le rav Sinaï Méir Fraenkel, ou le Rav Sinaï Adler (ancien grand rabbin d’Ashdod) pourtant c’est le nom d’un endroit, c’est plutôt du minéral…
Je vois déjà venir les rabbins intellectuellement malhonnêtes qui sont prêts à [faire] avaler des couleuvres pour justifier un enseignement mystique étrange d’un autre rabbin, comme si le Kavod de la Torah serait plus préservé et sauf en croyant à toutes leurs âneries.
Je les vois venir de loin et soutenir avec aplomb qu’il est évident que rabaisser un homme au niveau du minéral est mauvais, mais si c’est Tsion ou Sinaï, il s’agît là de la crème de la crème du minéral, halvay de porter un tel prénom ! etc… (comme s’ils y comprenaient quelque chose à ces histoires de rabaissement au niveau du minéral).
Mais que diront-ils de Shoushan (Suze), prénom porté par plusieurs rabanim (tunisiens) connus, comme Rabbi Shoshan ‘Hori, ou encore Rabbi Shoshan HaCohen, le fils de l’illustre Rabbi Khalfon Moshé HaCohen !
Il est décédé en 1976 après avoir passé ses vingt dernières années en Israël où il a été Rav du Moshav « Eitan » (-tiens, voilà encore un prénom à interdire puisque c’est le nom d’une localisation !).
Alors oui, ils diront que ce n’est pas Shoushan la ville mais Shoshan la fleur, mais nous n’échapperons pas au rabaissement au niveau du végétal…
Et Shabtaï (=Saturne), en voilà un minéral qui sert de prénom !
Ce prénom aussi a été porté par des tas de rabanim, depuis les Sages du Talmud jusqu’au A’haronim comme le Shakh et des centaines d’autres.
Cependant le Tosfot (Guitin 11a) établit une distinction entre Shabtaï avec ou sans Alef; la planète (et Avoda Zara qui va avec) s’écrirait en cinq lettre (avec un Alef), différemment du prénom.
Mais nous trouvons malgré tout certains rabanim qui portaient ce prénom et l’écrivaient AVEC un Alef, comme :
Rabbi Shabtaï Bo’hbot (grand rabbin de Beyrouth) , mentionné dans le Shout Yaskil Avdi (II, §1 et §3) et dans le Shout Vezot Liyehouda (Y’’D §30 et §31 et E’’H §21)
Rabbi Shabtaï bar Astruc (fin XVème/début XVIème siècles) qui correspondait avec les fils du Rashbash (cf. Shout Yakhin Ouboaz I, §145 et II, §39) (et Cf. Malkhei Yeshouroun p.188)
[Il y a même un Tossafiste Rabbi Shabtaï AVEC un Alef ! voir Tosfot Nazir 3b (d’’h Heikha). (voir aussi Tosfot Baba Metsia 17a et Yevamot 65b)
Il y a aussi des Shabtaï juifs avec un Alef dans la Gmara Betsa (32b) et Yoma (83a), et un Rabbi Shabtaï avec Alef dans Baba Kama (112b), Nida (27b et 46a), Sanhedrin (8a), Midrash Sho’har Tov (§149), Tan’houma (Mishpatim §6), Yalkout Shimoni Melakhim II (§249) et Iyov (§922).
Et que dire des noms de famille au nom de villes ?
Pourquoi ce « problème » ne concernerait que les prénoms ? Somme toute, on va appeler un humain au nom d’une ville !
Chez les ashkenazim, un patronyme en fonction du nom d’une ville, c’est très fréquent (je suis moi-même concerné). Ça existe aussi chez les sfaradim.
Je pense que porter le nom d’un minéral ou d’un végétal ne devrait pas (-au moins de nos jours) porter préjudice à l’âme de l’enfant, dans la mesure où ce nom porte un symbole précieux ou une valeur positive.
Je serais tenté de dire que selon la logique du ‘Hemdat Tsvi, il ne faudrait pas non plus lui donner un nom d’animal, pourtant il s’appelle lui-même Dov (ours) et son père Tsvi (cerf). (son nom est Rav Moshé Dov ben Tsvi Yehouda Welner).
Il le remarque lui-même, mais sa réponse justifiant l’utilisation des prénoms «d'animaux » devrait selon moi plutôt nous pousser à prouver que son invention concernant les végétaux est fausse.
On retrouve cependant la même idée interdisant cette fois-ci de donner le nom d’un minéral, végétal ou animal, dans le Shout Mevasseret Tsion (p.318) au nom de Baba Méir Abou’hatsira.
Que dire si Baba Méir s’en mêle ?
Mais force nous est de constater que le minhag haolam et des milliers de rabanim sont en désaccord avec lui puisque les noms d’animaux sont très fréquents.
Rav Chajkin aussi s’opposait à ce que l’on donne des surnoms d’animaux impurs à des enfants, comme « mon petit lapin » (Pour la gloire de Hachem p.284), je ne sais comment il s’arrangeait avec les prénoms pour faire une distinction entre prénom et surnom, mais il savait bien que les prénoms Arié Zeèv Ber Dov Leib etc. sont monnaie courante et il ne s’y opposait pas (les prénoms de ses fils et petits-fils le prouvent).
Doit-on souligner à quel point l'analyse des sources prouve que cette position (interdire les prénoms d'animaux) est absurde?
Manquerait-il des exemples dans la Bible elle-même?
Je respecte Baba Méir et le Rav Chajkin, mais qu'y puis-je si ce qu'ils pensaient est contredit par nos sources?
POUR CONCLURE, je ne sais pas ce que Shilo vous évoque de positif (le Mishkan ? l’Arche ?) mais puisque vous y voyez un signe positif pour votre enfant, je ne vois pas de souci majeur à ce que vous lui donniez ce nom [dans la mesure où il n'entraînera pas de moqueries à son encontre], comme Tsion ou Sinaï.
Mazal Tov à Shilo !
Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Ven 03 Juin 2022, 9:17; édité 1 fois