Lorsque le minhag a été institué d’annoncer chaque dernier Chabbath du mois le Roch ‘hodèch suivant, c’était pour en informer les fidèles, étant donné qu’ils sont plus assidus aux offices de Chabbath qu’à ceux de la semaine (Tiqoun tefila). Cependant, le Siddour de-rav ‘Amram, la première codification de nos prières, réalisée au neuvième siècle, fixait au jour même de Roch ‘hodèch l’annonce du nouveau mois.
Selon le Michna beroura (417, 1) cette annonce n’a pas lieu en éloul, et ce par référence au verset : « Sonnez du chofar à la nouvelle lune, au temps fixé (ba-késsé), au jour de notre fête » (Psaumes 81, 4). Le mot késsé (de la même racine que kissouï – « couverture ») suggère que la fête de Roch hachana est « couverte », c’est-à-dire « cachée ».
Cachée à qui ? A Satan, répond la littérature ‘hassidique. Il ne faut pas que Satan « ait vent » de la venue de cette fête et vienne nous accuser en ce jour.
Peut-être est-ce pour cette raison qu’aucune des prières que nous récitons pendant Roch hachana ne mentionne que cette fête est également un Roch ‘hodèch.
Mais à quoi cela sert-il de « tricher » ainsi avec Satan ? Hachem ne connaît-Il pas le moindre de nos gestes et la moindre de nos pensées, et a-t-Il besoin de Satan pour nous juger ?
D’autre part, sommes-nous naïfs au point de penser que Satan continue chaque année de se laisser prendre à la même mystification ?
Pour comprendre la signification de cette machination, nous devons nous rappeler que, selon notre tradition, « Satan, l’Ange de la mort et le penchant au mal (yétsèr ha-ra’) ne sont qu’un » (Baba Bathra 16a).
En d’autres termes, écarter Satan de nos actes de pénitence pendant Roch hachana signifie que nous ne devons pas, pendant ces deux jours de fête, nous contenter d’en observer les rites et les gestes. Nous devons également nous introspecter et nous concentrer sur nos faiblesses spirituelles.
C’est le Chabbath précédant Roch hachana qu’il nous faut commencer de nous préparer à cette introspection. C’est pourquoi, en ne bénissant pas le mois de tichri, nous éloignons symboliquement de nos efforts Satan et ses œuvres.