Il est de principe que la Tora ne suit jamais un ordre chronologique (voir notamment à ce sujet Rachi ad Bamidbar 9, 1). Il n’y a donc pas lieu de rechercher systématiquement une signification à l’ordre dans lequel ont été présentés, dans le premier verset de la parachath Devarim, les reproches adressés par Moïse aux enfants d’Israël.
Une remarque cependant au sujet des deux dernières étapes : ‘Hatséroth et Di-Zahav.
Le mot ‘Hatséroth constitue, selon Rachi, une allusion à la révolte de Qora‘h, tandis que Di-Zahav est là pour rappeler la faute du veau d’or.
Or, cette faute, nous enseigne la tradition, a été commise le 17 tamouz, trois mois après la sortie d’Egypte, tandis que la révolte de Qora‘h s’est située, quant à elle, après l’épisode des explorateurs, et donc postérieurement au 9 av suivant.
Pourquoi, s’agissant de deux événements à date certaine, Moïse en a-t-il inversé l’ordre chronologique ?
On a suggéré que si la révolte de Qora‘h est présentée en premier, c’est parce qu’elle a été plus grave que la faute du veau d’or.
Ainsi que l’expliquent de nombreux commentateurs (Ramban, Ibn Ezra, Abarbanel…), il n’y a pas eu à proprement parler « adoration » du veau d’or en tant qu’elle aurait constitué une idolâtrie. La faute des enfants d’Israël a consisté, en transgression du troisième des dix commandements, à pratiquer le culte de Hachem sous la forme d’une image.
On a également expliqué que le but recherché était de remplacer Moïse, dont le retard – apparent – à redescendre de la montagne alarmait les enfants d’Israël, par un intermédiaire entre Hachem et le peuple. Le péché n’a donc pas consisté en un acte d’apostasie, mais en une transgression de l’interdiction d’associer Hachem avec un autre agent et de pratiquer un syncrétisme religieux. Les Hébreux n’ont donc pas cherché à mettre en cause la souveraineté de Hachem.
Dans le cas de Qora‘h, au contraire, la révolte fomentée par son clan avait pour but de remettre en cause de fond en comble la hiérarchie politique et théocratique autour de laquelle s’articulait la vie des enfants d’Israël.