Il est écrit dans la parachath Reè :
« Vous êtes les fils de Hachem, votre Dieu : Vous ne vous tailladerez pas, et vous ne vous ferez pas de tonsure entre vos yeux, pour un mort. Car tu es un peuple saint, consacré à Hachem, ton Dieu, et Hachem t’a choisi, afin que tu sois pour Lui un peuple de prédilection, d’entre tous les peuples qui sont sur la face de la terre » (Devarim 14, 1 et 2).
Le premier de ces deux versets signifie, selon Rachi, que nous ne devons pas pratiquer dans notre chair des incisions et des entailles pour un mort, de la manière pratiquée par les Emorréens. Car nous sommes les fils de Hachem, et nous devons donc être beaux, et non entaillés et tondus.
Ce n’est cependant pas la seule fois que nous sommes appelés, dans la Tora, un « peuple saint » (‘am qadoch) ou un « peuple de prédilection » (‘am segoula).
« Peuple saint », nous le sommes notamment dans : Wayiqra 11, 44 et 45 ; 19, 2 ; 20, 7 ; 20, 26 ; 21, 6 ; Bamidbar 15, 40 ; Devarim 7, 6 ; 14, 21 ; 28, 9.
Quant à « peuple de prédilection », la Tora nous appelle ainsi dans Chemoth 19, 5 ; 7, 6 et 26, 18.
D’où la question : Pourquoi est-ce spécialement à propos de ces deux mitswoth (interdiction de se taillader, et interdiction de se tonsurer entre les yeux) que la Tora nous désigne comme « peuple saint » et « peuple de prédilection » ?
La réponse à cette question doit être recherchée dans l’expression : « entre vos yeux ».
A quatre reprises, à propos des tefiline, la Tora emploie cette expression (ou : « entre tes yeux ») :
– Chemoth 13, 9 : « Ce sera pour toi un signe sur ta main, et un mémorial “entre tes yeux”, afin que la Tora de Hachem soit dans ta bouche, car avec une main forte Hachem t’a fait sortir d’Egypte. »
– Chemoth 13, 16 : « Ce sera un signe sur ta main, et un fronteau “entre tes yeux”, car par la force de la main Hachem nous a fait sortir d’Egypte. »
– Devarim 6, 8 : « Tu les lieras pour signe sur ta main, elles seront pour fronteaux “entre tes yeux”. »
– Devarim 11, 18 : « Vous mettrez ces miennes paroles-là sur votre cœur et sur votre âme, vous les lierez pour signe sur votre main, elles seront pour fronteaux “entre vos yeux”. »
Lorsque la Tora nous enjoint de mettre les tefiline « entre les yeux », nous apprend la Guemara (Mena‘hoth 37b), cette prescription n’est pas à prendre au pied de la lettre. Par une guezèra chawa (« raisonnement par analogie ») tirée des versets de Devarim 14, 1 et 2, elle nous apprend que nous devons les mettre dans la partie de la tête qui est couverte par des cheveux (voir aussi Kitsour Choul‘han ‘aroukh 10, 3). De même, explique-t-elle, que la tonsure pour un mort se fait, chez les idolâtres, dans la partie de la tête qui est couverte par des cheveux, de même devons-nous placer nos tefiline dans la partie de la tête qui est couverte par des cheveux.
Quel rapport a la manière de placer nos tefiline avec les « Emorréens » dont parle Rachi ?
Lorsque les « Emorréens » perdaient un parent ou un proche, ils s’arrachaient les cheveux de la tête et s’entaillaient le corps. Comme ils n’avaient pas la foi, ils ne savaient pas comment gérer la mort et autres malheurs.
Mais nous avons, nous, reçu la Tora, et savons comment nous conduire face à la mort, et face aux autres événements tragiques qui échappent à notre entendement.
Ce sont les tefiline qui symbolisent notre foi. Contrairement aux « Emorréens » chez qui la mémoire d’un événement passé s’inscrit sur leur corps par des taillades et des tonsures, notre mémoire à nous s’inscrit dans nos tefiline, « mémorial entre nos yeux ».
Voilà comment la guezèra chawa utilisée par la Guemara prend sa source dans les versets qui nous interdisent de nous taillader et de nous tonsurer.