La besoin qu’a l’âme de retrouver son corps a été brillamment exposé par rav Arieh Kaplan dans son ouvrage : Si vous étiez Dieu (Traduction française aux Editions EMOUNAH, p. 42 et suivantes) :
« L’homme, au moment de sa mort, pénètre dans un nouveau monde de lucidité. Il existe en tant qu’âme désincarnée et il est cependant conscient de ce qui se passe dans l’univers matériel. Il parvient progressivement à se concentrer à son gré sur tout événement physique. Cette expérience, au début, est effrayante : vous savez que vous êtes mort, vous voyez votre propre corps inanimé, vos parents et vos amis réunis en larmes autour de vous. De fait, on nous enseigne que, aussitôt après la mort, l’âme est plongée dans un grand état de confusion.
Quel est alors l’objet principal de son attention ? Qu’est-ce qui lui fait se concentrer sur tel objet plutôt que sur tel autre ?
Ce qui retient son attention, c’est, nous dit-on, son corps. La plupart des gens, nous l’avons vu plus haut, s’identifient à leur corps. Il est difficile pour l’âme de rompre avec cette habitude ; c’est pourquoi, pendant les premiers jours, elle demeure littéralement obsédée par son ancienne enveloppe. Un verset (Job 14,22) y fait allusion : « C’est pour lui que son âme est en deuil. »
Cela est vrai surtout avant l’inhumation. L’âme s’interroge sur le sort qui sera réservé à son corps. Elle observe avec autant de fascination que d’effroi ce qui est fait à celui-ci, et les préparatifs de l’enterrement.
C’est là une des raisons pour lesquelles le Judaïsme témoigne tant de respect pour nos restes. Nous imaginons aisément la douleur éprouvée par l’âme au spectacle de son « emballage » physique qui serait manipulé comme la carcasse d’un animal. C’est pourquoi la Torah interdit de telles manœuvres.
Ceci n’est pas sans rapport avec le problème des autopsies. On conçoit sans peine ce que ressentirait notre partie immortelle à voir son vêtement gisant sur une table de dissection pour y être examiné et manipulé.
L’âme désincarnée va mettre beaucoup de temps à apprendre à se concentrer. Elle ne voit plus par des yeux physiques, mais par un procédé pour la description duquel notre vocabulaire n’a pas de mots, et que les Cabalistes désignent sous le terme de Kaf HaKél’a (poche de fronde) : c’est comme si une fronde nous projetait d’une extrémité à l’autre de l’univers. Il y est fait allusion dans le verset (I Samuel 25,29) : « L’existence de mon seigneur restera liée au faisceau des vivants que protège l’Eternel, ton Dieu, tandis qu’il atteindra, avec la fronde, celle de tes ennemis. » L’âme, dans un état de totales confusion et désorientation, reçoit des informations jaillissant de partout.
L’une des rares choses sur lesquelles celle-ci peut se concentrer sans difficulté est son propre corps. Il fait partie de son environnement familier et elle semble garder quelque lien avec lui. D’une certaine manière, il constitue un refuge contre ce dépaysement. »