Le remariage d’Abraham, qui a pris pour femme Qetoura, laquelle n’était autre qu’Agar (voir Rachi ad Berèchith 25, 1 d’après Beréchith raba 61, 5), projette un éclairage intéressant sur le sens du mariage juif si on l’examine à la lumière du Midrach suivant (Pirqei de-rabbi Eliézèr, chap. 29) :
Un jour qu’Abraham était venu rendre visite à son fils Ismaël, il fut reçu, en l’absence de celui-ci, par sa femme Aïcha à qui il demanda un peu d’eau pour se désaltérer. Celle-ci la lui refusa.
Au moment de prendre congé, Abraham dit à Aïcha : « Dis à ton mari qu’un vieil homme, venu de Canaan, voulait le voir. Mais comme ton mari était absent, il est reparti. Il lui conseille cependant de changer les piquets de sa tente. »
Ismaël comprit le message. Il répudia Aïcha et se remaria.
L’année suivante, Abraham revint rendre visite à son fils, et il fut accueilli par sa nouvelle femme, nommée Fatima :
« Ismaël s’est absenté avec sa mère, lui dit-elle, pour aller abreuver les troupeaux. »
Et elle lui offrit de l’eau et de quoi se restaurer.
« Quand il reviendra, lui dit-il au moment de partir, dis-lui que les piquets de sa tente sont d’excellente qualité et qu’il devrait en prendre soin. »
Ismaël comprit à nouveau le message, et c’est ainsi qu’Abraham se réconcilia avec lui.
Et le Midrach de conclure que c’est à la suite de cette réconciliation qu’Abraham, après la mort de Sara, prit Qetoura pour femme.
Or, ce verset fait immédiatement suite à celui qui nous apprend le mariage d’Isaac et de Rébecca (24, 67), et le rapprochement de ces deux versets met l’accent sur la différence qui sépare le mariage selon la Tora du mariage qui n’est pas inspiré par elle.
Il est écrit, à propos d’Isaac et de Rébecca, que celui-ci la conduisit dans la tente de Sara sa mère, qu’il la prit pour femme et qu’il l’aima.
Le texte met bien l’accent sur le fait qu’il l’épousa d’abord, et qu’il l’aima ensuite. En d’autres termes, et contrairement à ce que l’on voit souvent, il ne commença pas par tomber amoureux de Rébecca pour l’épouser ensuite. Il l’épousa, puis il l’aima.
C’est là très exactement l’idéal du mariage selon la Tora : Point de « coup de foudre » précédant le mariage, mais le mariage est fait d’une inclination préalable, laquelle devient ensuite génératrice d’un amour et d’un attachement toujours plus profonds.