« Nombreuses sont les interprétations données à ce rêve, commente le rabbin Elie MUNK dans la Voix de la Thora (Vol. 1, p. 291). D’après la conception exposée au verset précédent, selon laquelle Jacob aurait prié à l’endroit du futur Sanctuaire, où prièrent ses pères et où « la prière monte au Ciel », l’échelle qu’il vit en songe représente l’ascension de la prière vers les sphères célestes. Les anges s’élèvent de la terre, portant les suppliques des hommes jusqu’au trône céleste et ils redescendent ensuite vers eux, comblés des bénédictions du Ciel.
Maïmonide cite un passage du Midrach Tan‘houma (qui ne figure pas dans les éditions courantes) indiquant que l’échelle comportait quatre degrés. Ils correspondent aux quatre stades que la pensée doit franchir pour parvenir jusqu’à Dieu (Guide. II, X ; cf. Iguéreth le-rabbi ‘Hasdaï).
« Et voici, une échelle était dressée sur la terre » ; ici, l’échelle désigne le lieu et les rapports des différents êtres de l’Univers. « Elle (l’échelle) était debout, dressée sur la terre » désigne le monde terrestre, le monde des perceptions et de l’expérience d’où émane toute connaissance. « Et son sommet atteignait le Ciel » nous enseigne que la connaissance progresse à partir du monde sensible vers le monde des êtres saints et des sphères supérieures. « Et voici, les anges de Dieu montaient et descendaient » fait allusion au monde supra-sensible des anges, où la connaissance pénètre plus avant ; et enfin le quatrième et dernier échelon de l’évolution spirituelle représente le but de la connaissance et de la prière en même temps : « Et voici, Dieu se tenait au-dessus» (d’après le Comm. d’Ibn Tibbon, ib.).
R. Isaïe Halévi Horwitz qui, dans son ouvrage Chela, tente une synthèse entre la méthode rationaliste et celle de la Cabbale, expose que les quatre mondes des philosophes sont identiques aux quatre mondes de la Cabbale, à savoir: Le monde des phénomènes matériels (‘olam ha-‘assiya) ; le monde de la formation (‘olam ha-yetsira) ; le monde de la création ou des forces (‘olam ha-beriya) ; le monde des idées (‘olam ha-atsilouth).
Mais tandis que les mondes de la Cabbale représentent les échelons du développement de l’émanation divine, les quatre mondes des philosophes désignent seulement les différentes phases que la connaissance humaine doit franchir à partir de la perception du phénomène jusqu’à la vision de l’absolu. Les quatre échelons successifs correspondent en tous points au processus par lequel la nature nous instruit. C’est ainsi que l’esprit spéculatif doit s’élever sur l’échelle de la connaissance jusqu’à ce qu’il accède au Créateur de l’Univers ; c’est ainsi que l’homme en prière doit d’abord traverser ces quatre mondes, afin de pouvoir, comme Jacob, trouver, au sommet de l’échelle, le Dieu que son intelligence et son cœur recherchent.
A ces quatre mondes correspondent les quatre parties principales que l’on peut distinguer dans la prière quotidienne.
La première partie nous conduit jusqu’à baroukh ché-amar ; elle se réfère au monde de l’action et des phénomènes naturels (‘olam ha-‘assiya) ; la seconde partie s’étend de baroukh ché-amar à barekhou : elle s’élève vers le monde de la nature et des formes (‘olam ha-yetsira) ; la partie suivante comprend le Chema’ et ses bénédictions: elle nous conduit vers le monde où toutes les forces agissantes de l’Univers sont rapportées à l’unique Dieu, créateur du ciel et de la terre (‘olam ha-beriya) ; enfin, la dernière partie est constituée par la chemoné essrè, nous trouvons Dieu, Maitre de toutes les destinées personnelles et universelles, devant qui nous épanchons notre cœur (‘olam ha-atsilouth).
LES ANGES DE DIEU Y MONTAIENT ET DESCENDAIENT. R. Eliézèr explique que le songe de Jacob fut un rêve prophétique, où Dieu lui révéla le règne des quatre royaumes qui allaient asservir ses descendants, de même que leur ascension et leur chute (les royaumes de Babylonie, de Médie, de Grèce et d’Edom = Rome). Les anges représentent le « patron » de ces royaumes dans les sphères célestes. Mais l’Eternel apparut au sommet de l’échelle et promit à Jacob, incarnation d’Israël, sa protection :
« Je te garderai partout où tu iras, je te ramènerai en ce pays ». Abraham avait en également une vision semblable dans « l’alliance entre les morceaux » et il avait recueilli les paroles divines promettant la rédemption finale après l’exil (15, 18 – Pirqei de-rabbi Eliézèr 35 ; cité par Rambam – Hilkhoth yessodei ha-Tora 7, 3, au sujet des formes de la propbétie). »
Quant à votre question sur l’appellation de Beith El donnée au lieu où Jacob a fait son rêve, elle n’a rien à voir avec le Béthel actuel. Il s’agit de la « maison de Hachem », en d’autres termes de Jérusalem.