Dans son commentaire de la Haggada, rapporté dans l’ouvrage Talelei Oroth sur la Haggada de rav Rubin, le Gaon de Vilna fait observer que la question du ‘hakham comporte deux parties.
Il commence par se renseigner sur la signification des « témoignages », des « statuts » (‘houqim) et des « lois » concernant les mitswoth de Pessa‘h. Il constate que ces mitswoth sont réparties en trois catégories distinctes. A la catégorie des « témoignages » appartiennent le sacrifice pascal et la mitswa de manger de la matsa. Ces mitswoth témoignent à l’intention des autres peuples que Hachem a réalisé des miracles en notre faveur quand Il nous a fait sortir d’Egypte, et cela indique que la chekhina repose sur nous. Les « lois » (michpatim) sont celles qui règlementent les mitswoth, comme l’interdiction de consommer la viande du sacrifice pascal sans l’avoir grillée.
Les « statuts » (houqim) sont les lois dont il est indiqué dans la Tora : zoth houqath haPessa‘h, comme l’interdiction de briser un os du sacrifice pascal. Le ‘hakham veut savoir pourquoi il existe cette nuit trois différentes sortes de mitswoth.
La seconde partie de sa question est : « … que Hachem, notre Dieu, vous a ordonnés. » Il demande : « Hachem est le même Père dans le Ciel pour “tous” les enfants d’Israël. Cela étant, pourquoi existe-t-il des lois différentes pour ceux qui, au sédèr, mangent aussi une offrande de ‘Haguiga ? »
On sait en effet qu’il n’est pas obligatoire d’offrir une ‘Haguiga pendant Pessa‘h. On peut donc trouver réunis sous un même toit deux groupes différents, consommant l’un et l’autre son propre sacrifice pascal, mais dont l’un mangerait aussi la viande d’une ‘Haguiga. Les membres de ce groupe devraient réciter la bénédiction spéciale avant de consommer cette offrande : « … qui nous a ordonné la consommation du zéva‘h (“offrande”). » Le ‘hakham, quelque peu étonné, demande à ces consommateurs d’un nouveau genre : « Quelle est cette mitswa “pour vous” ? », ayant constaté que les autres ne l’accomplissaient pas.
Notre réponse est en deux parties. A la première question, nous répondons comme le fait la Tora (Devarim 6, 21) : « Nous avons été esclaves en Egypte. » Cette réponse renferme trois aspects, qui correspondent aux trois points de son interrogation : les témoignages, les ‘houqim et les lois. « Nous avions été esclaves », « nous l’avons été “à Pharaon” », et « nous l’avons été à Pharaon “en Egypte” ». En conséquence, on nous a donné quand nous sommes partis des témoignages, des ‘houqim et des lois.
Quant à l’autre partie de sa question, celle à propos de la ‘Haguiga, la Haggada dit : « Et toi, tu lui enseigneras des lois de Pessa‘h : “On ne termine pas la cérémonie du sacrifice pascal par un afikomane.” »
En résumé, nous lui disons que le sacrifice pascal est l’offrande principale de la soirée, puisque la loi nous apprend que son goût doit nous rester dans la bouche jusqu’à la fin du sédèr. Normalement, lui expliquons-nous, on fait passer un dessert à la fin d’un repas, mais ce soir, le « dessert » est un sacrifice pascal, parce qu’il doit être mangé quand chacun est déjà rassasié et parce que sa saveur doit persister dans nos bouches. C’est là qu’intervient la ‘Haguiga.
L’offrande de ‘Haguiga n’est pas obligatoire, sauf si les personnes qui participent ensemble à un même sacrifice pascal sont nombreuses, de sorte qu’il n’est pas certain que chacun disposera d’assez de viande pour être rassasié à la fin du repas. Ce n’est que dans ce cas qu’il y a lieu à ‘Haguiga ! Si, en revanche, les consommateurs d’un même agneau pascal sont peu nombreux, et donc peuvent chacun s’en offrir une part importante, on n’offre pas de Haguiga, car tous seront parvenus à satiété.
Voici satisfaite sa seconde question. L’autre groupe était très nombreux, et donc nécessitait une offrande de ‘Haguiga, afin de pouvoir obéir aux prescriptions de Pessa‘h !