Je vais essayer de répondre à vos diverses questions :
1. Vous avez raison de relier la providence divine au libre-arbitre. Le Talmud nous apprend que « tout est dans la main du ciel, hormis la crainte du Ciel » (Berakhoth 33b), voulant ainsi nous enseigner que tout ce qui arrive à l’homme part de la « main » du Saint béni soit-Il. Il en est ainsi de son aspect physique, de l’état de sa fortune, de son intelligence (ou sa stupidité), de sa peau blanche (ou noire). En revanche, l’existence ou l’absence en l’homme de la crainte du Ciel, c’est-à-dire son état de juste ou d’impie, ne dépendent en aucune façon du Ciel, mais du libre-arbitre de chacun (Rachi ad loc.).
Ainsi que l’explique Rachi dans son commentaire sur Wayiqra 19, 14, dans les cas où nos actions sont du seul ressort de notre conscience, c’est-à-dire où elles ne sont pas scrutées par des témoins, comme c’est le cas de notre comportement envers le sourd et l’aveugle dont il est question dans ce verset, il est de notre devoir d’avoir la crainte du Ciel, la crainte de Celui qui connaît nos pensées intimes. Et, comme le fait remarquer cet éminent commentateur, c’est dans tous les cas où nous agissons hors le regard ou le su de notre prochain que le texte de la Tora insiste sur la crainte de Hachem.
On peut dire en résumé, me semble-t-il, que la liberté nous est laissée de craindre ou de ne pas craindre Hachem, et que cette liberté est le signe de notre responsabilité envers Lui. Nous avons cependant besoin, dans nos prières, de solliciter Son aide pour assumer pleinement cette liberté, souvent menacée par les tentations qui parcourent notre existence.
2. Ainsi que je l’ai souligné dans ma précédente réponse, l’essentiel pour le Juif est de « faire », avant que « d’entendre », autrement dit avant que de « croire ».
C’est pourquoi la croyance en la véracité historique de la révélation au Sinaï n’a pas chez le Juif, qu’il le soit de naissance ou par conversion, à préexister à la volonté sincère d’observer les lois qui y ont été promulguées.
Toutefois, la priorité que le judaïsme accorde à cette observance n’exclut pas ce que vous appelez la « dimension émotionnelle », ni l’admiration sincère et constante que l’homme doit avoir de la perfection de la Création. Le livre des Psaumes contient de nombreux exemples de cette dimension.
3. Vous écrivez que vous ressentez un sentiment de « ferveur religieuse », mais que vous n’avez jamais éprouvé de « sentiments de dévotion ». J’avoue ne pas comprendre la nuance que vous marquez entre la « ferveur » et la « dévotion ».
On dit souvent des Juifs pratiquants qu’ils sont « orthodoxes ». C’est là une qualification commode, mais au fond inexacte. On demande moins au Juif de « penser juste », du grec orthodoxein (« professer une opinion droite »), que d’être « orthopraxe », c’est-à-dire de se vouer à la « praxis », littéralement à l’action en vue du résultat.