« Abraham “ajouta”, et il prit une femme appelée Qetoura » (Berèchith 25, 1).
Qui était Qetoura ?
Les commentateurs classiques sont partagés à son sujet.
Selon le Midrach (Berèchith rabba 61), Rachi, Kelei Yaqar (ad loc.), Rabbeinou Be‘hayé, Min‘hath chaï (ad 25, 6), Radaq (ad Choftim 8, 24), Qetoura n’était autre que Hagar, la mère d’Ismaël, qu’Abraham avait renvoyée après la naissance d’Isaac (Berèchith 21, 10)
Cette opinion est partagée par le Targoum Yonathan (ad 25, 1) et par le Zohar (Berèchith 133b).
Elle est cependant vigoureusement combattue par Ibn Ezra (ad 25, 1), Ramban (ad 25, 6), Ba‘al ha-tourim (ad 16, 1), et Rachbam (ad 25, 1).
L’origine de cette controverse se trouve peut-être dans une opinion de rabbi Né‘hémia formulée dans Berèchith rabba 61. Dans la mesure où, selon le texte, Abraham « ajouta », on ne peut l’appliquer à Hagar, puisqu’elle était déjà sa femme. Il aurait pu la « reprendre », mais non « l’ajouter ».
Ibn Ezra soulève une autre difficulté : Il est écrit plus loin (25, 6) qu’Abraham donna des cadeaux aux « fils des concubines ». Le mot « concubines » (pilagchim) étant au pluriel, il ne peut pas s’agir d’une seule concubine, mais d’au moins deux. Cela veut dire, par conséquent, que Qetoura a été « ajoutée » à Hagar.
Il est vrai, comme le fait observer Rachi (ad loc.), que s’il « manque le yod à la terminaison du pluriel en im de pilagchim, c’est parce qu’Abraham n’a eu qu’une seule concubine, Hagar, c’est-à-dire Qetoura.
Il est possible, suggère rav Yehouda Chaviv, du Ma‘hon tsometh, à Alon chevouth, de résoudre comme suit cette difficulté :
L’une des plus importantes promesses faites par Hachem à Abraham a été : « … Seront bénies (we-nivrekhou) en toi toutes les familles de la terre » (Berèchith 12, 3). S’il est vrai que, pour beaucoup de commentateurs, comme Rachi, Ibn Ezra ou Radaq, le mot we-nivrekhou veut dire « seront bénies », Rachbam considère de son côté (ad 28, 14) qu’il renvoie à l’idée de « greffage » (lachone mavrikh ou-markhiv), et donc à celle de « mélange » des familles de la terre.
Or, un enseignement midrachique (Yalqout Chim‘oni Iyov 8, 904) nous apprend qu’Abraham a épousé trois femmes : Sara, descendante de Sem ; Hagar, descendante de Cham ; et Qetoura, descendante de Japhet. C’est toute l’humanité, par conséquent, c’est-à-dire « toutes les familles de la terre », qui s’est unie sous l’égide d’Abraham.
C’est ainsi que, par cette triple union, s’est réalisée la promesse selon laquelle « seront bénies en Abraham toutes les familles de la terre », de même que celle de le voir devenir « le père d’une multitude de nations » (Berèchith 17, 3).