La plupart de ceux de nos penseurs traditionnels qui se sont penchés sur l’épisode du veau d’or, ont proposé des explications qui, sans exonérer bien entendu les enfants d’Israël de leur culpabilité, les font bénéficier de circonstances largement atténuantes.
Si en effet on avait dû les juger selon les apparences, il aurait fallu leur imputer le péché très grave d’idolâtrie, et donc s’étonner de la relative mansuétude de Hachem qui ne les a pas condamnés aussi sévèrement qu’ils l’auraient mérité.
En fait, comme l’expliquent Ibn Ezra, Abarbanel et d’autres auteurs, les enfants d’Israël ont craint que Moïse ne descende plus jamais du mont Sinaï, et ils ont créé à sa place une image certes interdite, mais qui ne reniait pas Hachem en tant que divinité qui les avait libérés d’Egypte.
Il convient également de rappeler que, selon le texte biblique (Chemoth 32, 28), le nombre des admirateurs du veau d’or n’a été que d’environ trois mille individus.
On peut dire, avec Ibn Ezra, que le but des créateurs du veau d’or ne tendait qu’au remplacement de Moïse par un intermédiaire entre Hachem et les hommes, ce qu’interdit la Tora ainsi que l’explique ce commenteur ad Chemoth 20, 20.
Les enfants d’Israël se sont situés au Mont Sinaï, explique rav Dessler, à un niveau spirituel extrêmement élevé, puisqu’il leur a valu de mériter la révélation de la Chekhina. Hachem dirigeait leur destin par des miracles apparents. Mais lorsqu’ils ont commencé de douter du retour de Moïse, ils ont cru qu’ils ne parviendraient plus à se maintenir à un tel niveau. Privés de l’aide divine qui leur parvenait par son intermédiaire, ils se sont persuadés qu’ils étaient en danger de tomber entre les mains du yétser hara’. Ils se sont convaincus que, s’ils succombaient une seule fois, il n’existerait aucune limite à la profondeur de leur chute. C’est pourquoi ils ont décidé de régresser à un niveau d’existence plus naturel, de manière à apprendre à découvrir la présence de Hachem dans la nature elle-même.
Celui dont la véritable madréga se situe au niveau de la nature, poursuit rav Dessler, peut légitimement découvrir la plénitude spirituelle en reconnaissant Hachem à l’intérieur du domaine de celle-ci. C’est ainsi que dans l’épisode des « serpents brûlants » (Bamidbar 21, 6), Celui-ci a ordonné explicitement que l’on confectionne une imitation d’un de ces reptiles et qu’on la fixe à une perche, « afin que les enfants d’Israël dirigent leurs regards vers le Ciel et qu’ils soumettent leurs coeurs à leur Père dans les Cieux » (Michna Roch Hachana 3, 8). Il s’agissait pour eux de s’imprégner de l’idée que les malheurs causés par les serpents venimeux étaient venus, eux aussi, sur l’ordre divin. Il est sûr que nous sommes loin, ici, de l’idolâtrie. Il n’est pas interdit, selon la Halakha, de réaliser la forme d’un serpent, ou celle d’un veau, dès lors que ce n’est pas à des fins d’adoration. Les seules images qu’il est interdit d’élaborer sous aucun prétexte sont celles représentant une forme humaine, ou les quatre ‘hayoth du Chariot divin (Ezéchiel 1, 10) : l’homme, le lion, le boeuf et l’aigle présentés ensemble (‘Avoda Zara 43b ; Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé‘a 141, 4).