Citation:
D ou on apprend que l limoud de shabbat (1 minute) vaut 1000 fois celui de la semaine ????
C’est écrit dans le
Ben Ish ‘Haï (II, Shemot, Hakdama), il rapporte que « les Mekoubalim » ont écrit que l’impact de l’étude de la Torah à shabbat est 1000 fois supérieur à cette même étude en semaine.
[D’où l’importance particulière du Limoud le Shabbat, voir ce qu’a écrit le
‘Hafets ‘Haim à ce sujet dans
Shem Olam (I, §5).]
Le
Ben Ish ‘Haï n’en donne pas la raison ni aucune explication. Il va sans dire qu’il n’y a pas de texte talmudique duquel on « l’apprendrait », c’est écrit par « les mekoubalim » et c’est tout, ils n’ont pas cité une Gmara pour étayer leur assertion.
On l’explique généralement en disant que plus le jour est saint, plus le Yetser Hara fait des efforts pour contrer cette sainteté.
Il serait donc beaucoup plus méritant d’étudier à Shabbat.
Ça vaut ce que ça vaut comme explication, je ne sais pas si ça se vérifie tant que ça, ni comment établir la distinction entre la Mitsva d’étudier la Torah et les autres Mitsvot (je veux dire que selon cette explication, toute Mitsva devrait être décuplée par 1000 au même titre que le Limoud).
S’il fallait y trouver une raison terre-à-terre, je dirais que, puisque cette particularité touche la Mitsva de Limoud (et non les 612 autres), lorsqu’on étudie avec la Menou’hat Hanefesh et la Neshama Yeteira du Shabbat, l’esprit calme et dispos, l’étude est bien plus marquante et bénéfique que lorsqu’on « arrache » une heure de Limoud en semaine en revenant du travail le soir et en étant fatigué. (Un peu comme ce qu’écrit le
Rambam (Hil. Talmoud Torah III, 13) concernant le Limoud nocturne, אין אדם למד רוב חכמתו אלא בלילה.)
C’est peut-être le sens de ce qu’écrit le
Sfat Emet (Ki Tissa 5657, et 5661, et 5662) qui nous dit que la Torah étudiée à Shabbat n’est pas atteinte par l’oubli, qui est un effet du corps, du matériel, alors que le Shabbat c’est la Neshama, et au sujet de Shabbat il a été écrit « Zakhor »…
[C’est peut-être pour cela que l’habitude dans les Yeshivot est de consacrer l’étude du Shabbat aux révisions de tout ce qui a été étudié la semaine.
Cette habitude pourrait même trouver une source dans un
Rashi selon qui la Gmara
Kidoushin (30a) dit qu’il convient de répartir son étude en trois tiers -Mikra/Mishna/Gmara- sur les jours de la semaine.
Tosfot (Kidoushin 30a et Avoda Zara 19b) comprennent que
Rashi voulait dire d’attribuer 2 jours à chaque matière, mais eux-mêmes préfèrent expliquer que chaque jour comportera les 3 études.
Quoi qu’il en soit, selon cette compréhension de Tosfot dans Rashi, la question se pose : il n’y a pas que 6 jours dans la semaine ! Et la réponse toute indiquée semble être que le Shabbat est à réserver pour les révisions.
Justement car c’est un jour où l’on n’oublie pas son étude, et je dirais même : יום שבתון אין לשכוח , ou encore זכרו תורת משה במצות שבת גרוסה!].
Comme cela, tel qu’énoncé, je ne comprends pas ce que veut dire le
Sfat Emet. Le
Lev Sim’ha (Ki Tissa 5743) l’explique à sa manière, mais je n’y comprends toujours pas grand-chose, hélas (voir aussi
Lev Sim’ha 5738). Mais si on relie ce
Sfat Emet à ce que j’ai expliqué plus haut, ça donne une piste.
Vous posez la question sur le limoud uniquement, et c’est aussi ce qui est écrit dans le
Ben Ish ‘Haï, on n’y parle pas des autres Mitsvot, bien que certaines explications ne permettent pas de distinguer entre les Mitsvot et le Limoud (comme dit plus haut).
Toutefois, il est dit aussi qu’une aveira à shabbat serait plus grave que la même aveira en semaine, mais uniquement dans l’esprit des Amei Haarets -et selon certains commentateurs seulement.
C’est ce qu’écrivent le
Bartenora (Dmay IV,1) et le
Rambam dans le
Mishné Torah (Hil Maasser XII,1) ainsi que dans son
Piroush Hamishna (Dmay IV,1), en expliquant le
Yeroushalmi (Dmay IV, 1) qui dit que « la crainte du Shabbat est sur le Am Haarets »
(et si on lui demande à Shabbat s’il a fait le Maasser, on peut se fier à sa réponse, mais pas en semaine.)
Le
Rambam et le
Bartenora expliquent que le Am Haarets craint de fauter à Shabbat et dira donc la vérité.
[Alors que d’autres Rishonim expliquent cela autrement, cf.
Rosh et
Rash (ad loc), Ramban (‘Houlin 75b), Tosfot Mena’hot (30b), Tosfot Ktouvot (55b). Il y a encore une autre explication dans les A’haronim
(Maharshal, Maharam et Maharam Shif -Ktouvot 55b) qui expliquent que le Am Haarets croit que l’obligation du Maasser concerne le Shabbat et non la semaine…]
Il semble a priori (pour le
Rambam et le
Bartenora) que ce soit une croyance futile attribuée au Am Haarets.
Cependant j’ai vu que le
Igrot Moshé (O’’H II, §34 sv. Ouveetsem) écrit que bien que l’on attribue cette croyance aux Amei Haarets, il est évident que c’est vrai et qu’il est plus grave de commettre une Aveira à Shabbat, sans quoi, d’où les Amei Haarets auraient inventé cela ?
L’argument ne semble pas convaincant, ça ne serait pas la première croyance inventée par les Amei Haarets… Mais
RMF considère que le péché commis à Shabbat serait plus grave, cela nous suffit.
Ce qui corroborerait aussi l’explication du Yetser Hara plus investi sur un jour saint.
Le
Pri Megadim dans
Matan Skharan Shel Mitsvot (§8) s’intéresse à cette question, savoir si une Aveira à shabbat est plus grave qu’en semaine.
[Mais pour
R. Tsadok Hacohen (Pri Tsadik, Kountras Shvitat Shabbat en fin de §3 -daf 38c) une Aveira commise à Shabbat n’est aucunement plus grave qu’en semaine.]
Rav Yossef Engel (Shev Dene’hamata, maamar 5) semble avoir compris comme
RMF que cette croyance des Amei Haarets est juste, plus encore, il explique que les péchés commis à Shabbat sont plus graves car étant donné que le
Yeroushalmi (Dmay IV, 1) dit que « la crainte du Shabbat est sur le Am Haarets », commettre un péché malgré tout (dans ces conditions de ressenti de crainte) relève d’une plus grande Merida. Voir encore son
Leka’h Tov (Klal VI, §5).
Et dans ses
Guilyonei Hashas (Baba Metsia 78b), il propose d’expliquer le
Yeroushalmi Nazir (V, 1) sur base de ce
Pri Megadim (op cit) et en considérant que si une Aveira est plus grave à Shabbat, une Mitsva sera aussi plus importante ce jour-là (c’est ce qui justifierait qu’une Min’ha devant être apportée à Yom Tov ne le sera pas en semaine, le fond étant la Kdousha du jour, le Yom Tov est aussi concerné).
Or, ceci n’a été dit qu’à propos des Amei Haarets, en quoi cela expliquerait que le péché commis par un non-Am Haarets serait lui aussi plus grave qu’en semaine ? Il semble donc qu’il ait compris que la crainte du Shabbat n’est pas « que » sur le Am Haarets, mais MÊME sur le Am Haarets, et cette « crainte » est justifiée car un péché commis à shabbat est plus grave -pour tout le monde.
C’est donc qu’il pense comme
RMF, CQFD.
Voir encore
Margaliot Hayam (Sanhédrin 51a,3) qui cite le
R. Moshé Cordovéro qui écrit que les Mitsvot accomplies à shabbat s’élèvent plus que les mêmes Mitsvot accomplies en semaine.
Rav Margulies y indique encore le
Zohar (II, 11b) qui pense qu’une Mitsva accomplie en Erets Israel est plus élevée que la même Mitsva accomplie en ‘Houts Laarets
(cf. Nitsotsei Zohar ad loc §8, ainsi que Shaarei Zohar Ktouvot 110b).
Dans le livre «
Reb Elé » (biographie de
Rav Elihaou Lopian publiée en Israël en 2010), il est dit
(p.33) que
Rav Eliahou Lopian a entendu du
‘Hafets ‘Haim que puisque ‘Hazal disent que le respect du shabbat vaut comme toutes les mistvot, donc toute Mitsva accomplie à shabbat vaut comme 613 Mitsvot
(je ne comprends pas très bien comment il obtient cela, une mitsva accomplie à shabbat n’est pas forcément un respect du shabbat). Ça rabaisse à « seulement » 613 (et non 1000 comme le dit le Ben Ish ‘Haï).
Certains semblent penser que ces chiffres sont « Lav Davka », c’est une manière de dire que les Mitsvot et les Aveirot sont -le jour du Shabbat- décuplées.
Le
Min’hat Shabbat (§72, sk.20) cite au nom du
Shla qu’il faut faire plus attention à ce qu’on fait le shabbat et qu’il faut être Ma’hmir même dans un sfek Sfeika le shabbat et que la punition pour un péché commis à shabbat est bien plus importante (ועונש על העבירה בשבת הוא כפול ומכופל יותר), mais il ne chiffre pas le rapport, ni 1000, ni 613.
En fait, même concernant le
Ben Ish ‘Haï cité plus haut, on pourrait se demander si le « 1000 » est Davka ou Lav Davka. Mais je vois dans son
Benayahou sur Rosh Hashana (17a) (où il mentionne ce qu’il a aussi écrit dans son
Ben Yehoyada ad loc), qu’il reprend ce rapport de 1000 fois plus pour du limoud à shabbat.
Toutefois, du contexte, de ce qu’il écrit avant cela, on comprend que ce n’est pas uniquement pour le Limoud (mais pour toutes les Mitsvot), et que ce n’est pas seulement les Mitsvot qui sont décuplées mais les Aveirot aussi. Et que ce n’est pas qu’à Shabbat mais à Yom Tov aussi.
Car à Shabbat comme à Yom Tov «
les mondes s’élèvent » et donc la même action s’inscrit dans un autre cadre…
Cela doit vouloir dire que l’impact sur l’homme de sa conscience de la Kdousha du jour, implique nécessairement un décuplement et une élévation qualitative de ses rapports avec D.ieu.
Le même acte prend donc une tout autre ampleur.
Je précise tout de même que ces notions me dépassent, je ne peux pas garantir de présenter les choses convenablement lorsqu’il s’agit de notions kabbalistiques, je ne comprends pas grand-chose à l’élévation des mondes, bien que je sois actuellement en train d’écrire ces phrases tout en étant dans les cieux
(je suis dans l’avion, rassurez-vous, je ne m’envole pas beaucoup plus haut. Rien de tel que de répondre sur Techouvot lorsqu’on est dans l’avion (et qu’il nous reste un peu de batterie) -mais impossible de poster depuis les airs), cela ne suffit pas pour me donner un accès aux choses célestes.