Je ne sais si cette question a été abordée par les posqim. Permettez toutefois à l’ancien magistrat que je suis de vous faire part des réflexions suivantes :
Votre question rejoint celle, souvent posée, de savoir si un avocat a moralement le droit de prendre la défense d’un individu qu’il sait coupable, ou de plaider une cause dont il est convaincu qu’elle est indéfendable.
Si l’on se place à un niveau théorique, on est tenu de postuler, dans un Etat de droit, que nul n’est coupable aussi longtemps qu’il n’a pas été déclaré tel par la justice. En d’autres termes, l’avocat n’a pas, se substituant à la justice, à prononcer un « pré-jugement » contre un justiciable.
D’autre part, le rôle de l’avocat ne consiste pas seulement à défendre sur le fond la cause qui lui a été confiée, mais à assurer la contradiction du débat judiciaire, et de faire valoir, face à ses adversaires et à ses juges, les règles de droit – et notamment de procédure – sans le respect desquelles il ne peut y avoir de véritable justice. A ce niveau-là, il est bien moins le mandataire de son client que l’auxiliaire de la justice au sens le plus noble du terme.
C’est pourquoi il va de soi, dans un pays libre, que le plus « immonde salaud » a le droit de se faire assister par un avocat, et que celui-ci a le devoir, sans préjuger de sa culpabilité, de faire valoir tous les éléments – de fait et de droit – qui plaident en sa faveur.
Mais il va également de soi qu’un avocat a tout à fait le droit de refuser une cause qui heurte ses convictions, tout comme il a le devoir de ne pas accepter celles dans lesquelles il a un conflit d’intérêt.
J’ajoute qu’il existe, dans les batei din israéliens, juridictions chargées de trancher certains litiges conformément à la halakha, des avocats spécialisés dont le rôle est de représenter les justiciables.
[J. K.]