Il existe une controverse entre Rabbi Yehoudah et Rabbi Né’hémyah concernant l’identité des épouses des fils de Yaakov. R. Yehoudah dit qu’ils ont épousé les jumelles nées avec leurs frères, et R. Né’hémyah qu’ils ont épousé des Cananéennes.
Le Ramban, dans son commentaire sur le verset 2 du chapitre 38 de Bereïschith, explique que le terme «Cananéennes» signifie ici une forme d’identité nationale adoptée et non d’origine, c'étaient des Egyptiennes, des Amoniyoth ou Moaviyoth et autres nations, qui avaient rejeté l’idolâtrie et accepté le monothéisme. Il serait inconcevable que les fils de Yaakov soient à ce point moins exigeants que leurs ascendants. C’est d’ailleurs pour cette raison que la traduction araméenne d’Onkelos rend «Isch Kenaani» par «homme commerçant». Et c’est aussi pour cela, dit-il, que la Torah a spécifié – et c’est bien le seul cas - à propos de «Schaoul Ben Schimone» qu’il s’agissait de «Schaoul Ben Hakenaanith », puisque lui était bel et bien le fils d’une femme (Dinah) violée par un Cananéen.
En ce qui concerne Yehoudah et sa bru Tamar, tous les Midraschim explique que Yehoudah s’était détourné de cette femme qui semblait être une prostituée. Tamar se mit alors à supplier D-ieu de lui permettre de faire sortir de ce Tsadik d’autres Tsadikim. «Et d’où viendrait la lignée de Rois et de Sauveurs, s’exclame une voix céleste ?» Haschem envoya l’ange Michaël qui poussa Yehoudah à revenir de son chemin, contre son gré, précise le Midrasch.
Il faut ici faire une parenthèse pour expliquer plusieurs faits étranges concernant la lignée davidique, la lignée royale, qui doit donner naissance au Maschia’h.
Ce n’est pas seulement l’union de Yehoudah et Tamar qui semble fortement entachée. Ca commence avec Loth qui a des relations incestueuses avec ses filles et l’une d’elles donne naissance à Moav, l’ancêtre de Ruth. L’histoire de Ruth et de Boaz mérite aussi questionnement. Enfin David son descendant n’est pas 100% en ordre avec Bathschéva qui donne naissance au roi Salomon. Salomon lui-même épouse une Amonite (convertie) qui ouvre la lignée royale.
Il est vrai que la Guemara précise que tout celui qui dit que "tel" a péché ne fait que se tromper, et que si à nos yeux certaines conduites nous semblent impardonnables, en approfondissant le sujet on découvre que les faits relatés sont agrandis à la loupe d’exigences relatives à la grandeur de ces personnalités exceptionnelles.
Il n’en reste pas moins que tout ceci nous interpelle.
En réalité, nous touchons là à un domaine très subtil. Les «forces du mal» ont comme mission de mettre des barrières sur le chemin du «bien». Elles ne s’attaqueront qu’à ce qui semble digne de réussir dans la voie du bien et délaisseront tout ce qui «sent mauvais». Voilà pourquoi il faut en somme que la généalogie messianique soit entachée.
La Guemara enseigne qu’on ne nomme un dirigeant sur la collectivité que s’il a une boîte de vermine accrochée derrière lui. S’il s’enorgueillit, on la lui montrera. La lignée davidique ne peut s’enorgueillir car on lui montre d’où elle est issue.
Nos Sages insistent pour nous dire combien ces femmes qui donnent naissance à un des maillons de cette lignée, ont non seulement agi animées des meilleurs sentiments, avec un esprit de grande pureté, un dévouement total, prêtes à risquer leur vie, mais en plus avec un niveau d’intentions pures à nulles autres égalées.
Concernant Mosché Rabeïnou et son mariage avec Tsiporah la fille de Yitro, le Midrasch explique comment celui-ci était l’antithèse de Essav à tout point de vue. Et Essav était le fils d’Isaac, alors que Yitro descend de Midyane qui descend de Ketourah, qu’Avraham a pris comme concubine à la fin de sa vie. Avec un courage phénoménal il rejette totalement l’idolâtrie, en s’opposant à tous, et adhère pleinement au monothéisme, en perdant tous ses titres et tout son prestige, et en mettant sa vie en jeu. Sa fille Tsiporah le suit totalement.
Un Midrasch nous enseigne que Yitro a jeté Mosché Rabeïnou dans un puits, lorsqu’il a appris qu’il avait été condamné par le Pharaon et Tsiporah lui a sauvé la vie en le nourrissant en cachette pendant 10 ans ! Mosché voit en elles les qualités requises pour l’accompagner dans sa mission.
Il se trouve en terre étrangère, avec l’impossibilité de retourner en Egypte pour y trouver une épouse juive. Il restera à l’étranger jusqu’à ce qu’il entende de la «bouche de D-ieu» que ses ennemis ne sont plus là et c’est après 40 ans d’absence qu’il reviendra en Egypte. Il l’a épousée à presque 80 ans.
Les Midraschim louent ses qualités exceptionnelles, identiques à celles des matriarches, disent-ils.
Malgré cela il aura un descendant qui va un peu mal se conduire, parce qu’il a épousé la fille de Yitro, dit la Guemara.
De toutes façons, Mosché Rabeïnou va se séparer d’elle un peu plus tard, mais pas pour des raisons de Yi’houss.
Je rajoute à tout cela un étonnant Midrasch, très peu connu, qui nous enseigne que Tsiporah et Bitiah (la fille du Pharaon qui a sauvé Mosché Rabeïnou des eaux) sont deux jumelles, enfants trouvés, de parents inconnus et non les filles de leur prétendu père !
A propos de Ra’hav il est écrit que lorsque les Beneï Yisrael accomplissent la volonté de D-ieu, Il cherche dans tout le monde un Tsadik parmi les peuplades du monde et le rapproche et l’attache à Son peuple d’Israël, par exemple Yitro et Ra’hav. De cette affirmation de nos Sages nous pouvons déduire que Ra’hav a véritablement fait Teschouvah. D’ailleurs si tel n’avait pas été le cas, il ne fait aucun doute que Yehoschouah ne l’aurait jamais épousé. De cette union sont nés au moins 8 prophètes, dont Yirmiyahou.
Quant au roi Salomon, il a en effet épousé de nombreuses femmes et si on le montre du doigt pour avoir choisi des étrangères, le Rambam dans le Yad Ha’hazakah explique que son erreur a été de les convertir par un tribunal de deuxième rang alors que le tribunal principal interdisait les conversions à cette époque. La Guemarah précise que celui qui dit que le roi Salomon a péché ne fait que se tromper !
Tous ces cas de mariages étranges provoquent légitimement des questions. Mais si nos Sages gardent leur estime pour ces personnages importants, c’est sûrement qu’il nous manque des éléments pour les comprendre.