Le 14 août 1766, Isaac Neiberg, de Mannheim, épousa Léa Guenzhausen de Bonn. Le Chabbath suivant, le jeune marié prit les 94 pièces d’or constituant la dot de sa femme et disparut.
On finit après maintes recherches par le retrouver et le ramener chez lui.
Quelques jours plus tard, Isaac informa la famille de sa femme qu’il ne pouvait plus rester en Allemagne et qu’il était contraint d’émigrer en Grande-Bretagne. En même temps, il se déclara disposé à donner un guèt à son épouse pour lui éviter de devenir une ‘agouna.
On accepta cette proposition, et il fut décidé que le guèt serait donné à Clèves, localité proche de la frontière germano-hollandaise.
Le beith din de Clèves procéda au divorce, après quoi Léa retourna à Mannheim, tandis que son ex-mari continua sa route vers l’Angleterre.
Lorsqu’il apprit ce qui s’était passé, le père d’Isaac soupçonna un coup monté par la famille de la femme pour extorquer à son fils le montant de la dot. Il s’adressa au beith din de Mannheim, présidé par rav Hess, et celui-ci annula le guèt, au motif que le mari n’avait pas joui de toutes ses facultés lorsqu’il l’avait délivré à sa femme.
Toutefois rav Hess, qui ne voulait pas se fier à son seul jugement, s’adressa aux autorités rabbiniques de l’époque, et notamment au beith din de Francfort.
Celui-ci non seulement approuva la décision de rav Hess, mais exigea du beith din de Clèves qu’il déclare le guèt non valable et maintienne Léa dans son état de femme mariée.
D’autres rabbins adoptèrent une position contraire et confirmèrent la validité du divorce.
De part et d’autre on s’adressa aux plus hautes autorités de la génération, dont rav Loewenstamm d’Amsterdam, rav Jacob Emden, rav Ezéchiel Landau (Noda’ bi-Yehouda), et d’autres encore, qui adoptèrent la même position et déclarèrent le mariage dissous.
C’est ainsi que le beith din de Francfort resta seul à maintenir son point de vue, au point que son dayan alla jusqu’à vouer aux flammes de l’enfer les responsas des rabbins polonais qui soutenaient la cause contraire.
Fort heureusement, le couple Isaac Neiberg et Léa Guenzhausen aurait fini par se remarier. Par déférence envers le rabbin de Francfort, le marié aurait déclaré pendant la cérémonie : « Par cette bague, tu “me restes” mariée ! »
Tout cet épisode a été rapporté en 1769 à Amsterdam sous le titre de Or ha-yachar, de Aron Simon Copenhagen.
Beaucoup d’ouvrages et de responsas ont été écrits sur le « guèt de Clèves ». Signalons entre autres que le Chaagath aryé rapporte qu’il avait hébergé à Metz pendant trois jours Isaac Neiberg en route pour Londres et qu’il l’avait trouvé parfaitement sain d’esprit…