J’ouvre un nouveau fil de discussion en suite de « Liste d'ouvrages pour débuter dans l'étude de la Thora » car ça dévie sur d’autres sujets qui n’ont plus rien à voir avec le titre et rend la recherche plus compliquée.
Nous y disions qu’il y avait une notion de Bitoul Torah beeikhout (en qualité) que l’on peut enfreindre tout en étudiant, dans le cas où l’on pourrait étudier avec plus d’intensité/concentration/qualité.
On me demandait qui parlait de cette idée, j’indiquais Reb ‘Haim Brisker.
On m’a ensuite demandé si c’était le premier à avoir souligné cet aspect, j’ai répondu qu’il avait été devancé par le Torat 'Haim sur Sanhedrin 44b (d"h melamed) (daf 21a dans l'édition classique et assez ancienne dont je dispose).
Et que ce rav est décédé vers 1632 (donc plus de deux siècles avant la naissance de rav ‘Haim Soloveitshik –alias Reb ‘Haim, né vers 1853 et décédé en 1918).
J’ajoute à présent (pour lancer ce nouveau fil,) que d'autres Rabanim ont aussi devancé Reb 'Haim, mais souvent de manière moins explicite.
Comme le Pélé Yoets (vers la fin du Erekh Tehilim) (même si une lecture superficielle de ce qu'il écrit pourrait laisser entendre précisément l'inverse, une relecture attentive convaincra qu'il considérait les choses comme nous le disons.)
Voir aussi 'Hessed LeAvraham (Maayan II, Nahar 28).
Nous pourrions aussi trouver une source à l’idée du « Bitoul Torah en qualité » à partir de la Gmara Meguila (3a) qui dit « mevatlin talmoud torah oubaïn lishmoa mikra meguila » (~il faut aller écouter la Meguilat Esther à Pourim malgré le Bitoul Torah que cela constitue).
Or, il convient de se demander pourquoi le Talmud considère que la Meguila revient à du Bitoul Torah, pourtant c’est une partie du Tanakh !
Il semblerait donc que le Talmud fasse ici allusion au concept de Bitoul Torah en qualité…
Bien sûr, ça se discute, car on pourrait expliquer la Gmara autrement, comme ce que fait le Beit Ephraïm (Margaliot) (O’’H §68) qui explique en quoi il n’y a pas d’accomplissement de la mitsva d’étudier lorsqu’on écoute/lit la meguila.
A noter toutefois que ce qu’il dit parait inaudible au Rabbi de Sokhotshov, le Avnei Nezer (O’’H §517) qui refuse de croire que le Beit Ephraïm soit réellement l’auteur de ces lignes.
[Je précise pour simple information intéressante, que celui qui pose la question au rav Margaliot dans le Shout Beit Ephraïm, n’est autre qu’un des fils du Noda Biyehouda, R. Yaakov (Yakubke) Landau.]
Reb ‘Haim Brisker (cité dans Shout ‘Hayei Halévi I, §50, 1) en tout cas, expliquait cette Gmara dans le sens que j’ai voulu lui donner : on parlerait bien du Bitoul Torah en qualité.
C’est le rabbin que j’avais cité en page 1 dans mon message daté du 31 Mars 2011 ( ici : http://www.techouvot.com/liste_douvrages_pour_debuter_dans_letude_de_la_thora-vt13145.html?start=0&postdays=0&postorder=asc&highlight= ) comme source explicite pour cette distinction entre Bitoul Torah en qualité ou en quantité.
L’idée a été largement reprise par la suite, parfois même en référence à cette Gmara Meguila (3a).
Par exemple le rav Sternbuch dans Moadim Ouzmanim (II, §169) et d‘autres.
Le rav Yo’hanan Wozner lui-même (Shout ‘Hayei Halévi I, §50, 2) donnera une explication assez semblable, basée sur le Shoul’han Aroukh Harav Baal Hatania (Talmoud Torah §II, 5) qui distingue la révision nécessaire de la révision « par confort » où l’on prendrait plaisir à relire un texte que nous connaissons parfaitement sans rien en apprendre de nouveau (-alors qu’on pouvait apprendre d’autres nouvelles choses ailleurs).
Je pense que sa réponse est déjà donnée par le Rashash (Meguila 3a).
Le Rashash , après avoir mentionné qu’il se souvient avoir vu cette question dans le Beit Ephraïm, propose deux explications pour y répondre, la première en se référant au Shoul’han Aroukh (Y’’D §246, 4) qui écrit qu’une fois les versets de la Bible acquis, il faudra concentrer son étude sur Torah Shebeal Pé –et donc la Gmara peut parler de Bitoul Torah pour celui qui révise les psoukim de la Meguila alors qu’il les connait parfaitement.
Ça revient grosso modo à la réponse du ‘Hayei Halévi.
La seconde réponse du Rashash consiste à parler d’un rav qui doit annuler le cours qu’il devait donner à ses élèves pour aller écouter la Meguila MALGRE que ses élèves –eux, en soient déjà quittes et n’ont pas besoin d’aller l’écouter. Il y aurait donc là un Bitoul Torah pour aller écouter la Meguila.
Selon cette lecture (à la différence de la précédente), on ne peut plus parler de source pour le concept de Bitoul Torah en qualité.
Le Maharats ‘Hayes (Meguila 3a) cite lui aussi la question qui a été posée à son maître le rav Ephraïm Zalman Margaliot dans son Shout Beit Ephraïm (le rav ‘Hayes indique §10, mais c’est dans §68) et propose une réponse personnelle et intéressante en soulignant le fait que cette halakha soit énoncée dans la Gmara comme concernant (avant tout) l’entourage de Rabbi Yehouda Hanassi.
Or, comme on le voit un peu plus loin (Meguila 5b), ce dernier se trouvait à Tibériade et il y a un doute concernant cette ville si elle était entourée de murailles à l’époque de Yehoshoua et -partant, si il faut y lire la Meguila le 14 ou le 15 Adar.
Voilà –explique le Maharats ‘Hayes, pourquoi on peut parler ici de Bitoul Torah, car ils vont devoir aller deux fois écouter la Meguila (2 fois le soir, 2 fois le matin, 4 fois en tout) et l’une des deux n’est pas la mitsva, il en résulte que le chemin pour y aller constitue du Bitoul Torah (pas l’écoute elle-même, qui elle restera toujours de l’étude).
Bien sûr c’est fort discutable (comme beaucoup des brillants ‘hidoushim du Maharats ‘Hayes), on pourrait considérer que ce chemin ne représente aucunement un bitoul Torah puisqu’en raison du Safek, nous serions « tenus » d’y aller.
Il faut aussi souligner qu’il n’est nulle part mention dans la Gmara de « chemin » , il se peut qu’ils lisaient la Meguila sur place, dans leur Beit Hamidrash.
Bref, on peut repousser cette réponse de différentes manières, mais nous noterons que selon sa réponse, la notion de Bitoul Torah beeikhout (en qualité) ne semble pas validée.
Il faut cependant reconnaître que la formulation de la Gmara « mevatlin talmoud torah oubaïn lishmoa mikra meguila » interpelle ; pourquoi le mot « oubaïn » ? on aurait pu s’en passer et dire « mevatlin talmoud torah lishmoa mikra meguila ».
Il semblerait donc bien que la Gmara fasse ici allusion au chemin et que ce soit le seul élément représentant un Bitoul Torah.
Ce qui corrobore donc la réponse du Maharats ‘Hayes.
Cette déduction à partir du mot « oubaïn » était déjà soulignée par le rav Landau dans sa question au Rav Margaliot dans le Shout Beit Ephraïm (O’’H §67).
Il y a un autre des descendants du Noda Biyehouda, le R. Israel Landau, dans son Nefesh ‘Haya sur Meguila (3a, d’’h mikan, daf 14a du livre édité à Berditshov en 1910) qui distingue deux ‘hiyouvim dans l’étude : l’accomplissement de « Vehaguita bo » qui concerne tout juif, et l’étude en profondeur pour ceux qui en ont les capacités.
La notion de Bitoul mentionnée dans la Gmara ici, ne voudrait que dire qu’il y aurait un bitoul momentané de l’étude approfondie, mais ce bitoul -à la différence de la notion de Bitoul Torah habituelle- serait rattrapable.
Car nous ne sommes pas tenu d’étudier qu’en profondeur, il faut aussi accomplir « Vehaguita bo ».
Il ne considère donc pas le terme de Bitoul (utilisé dans Meguila 3a) comme étant halakhiquement problématique (mais nécessaire).
Il ne considère donc pas la notion de Bitoul Torah Beeikhout comme le fait Reb ‘Haim.
Désolé pour les fautes, je ne me relis pas par manque de temps et vous laisse le soin de le faire :)