A
Gooseneck :
Citation:
Je précisais dans le message: "A l’inverse, en quoi le mariage est-il indispensable à tel point que...", avant d'énoncer les "avantages" découlant du mariage.
Mais vous reformulez effectivement plus clairement mon questionnement lorsque vous énoncez: "en quoi " Il n’est pas bon que l’homme soit seul " ou en quoi le célibataire " n’est pas un homme " ou est comme s'il n'avait pas de Torah? etc.", compte tenu de toutes les difficultés liées au mariage que j'évoquais.
(Je re-précise que le pessimisme qui transparaît dans ces lignes se veut volontaire; le but étant de tenter de comprendre l'importance du mariage juif.)
Si vous avez toutefois le temps d'apporter des éléments de réponse (sources) en ce qui concerne le rapprochement d'Hachem par le mariage ainsi que le rassemblement de deux moitiés de Neshamot, ce ne serait point de refus.
Bien.
Ce que ces textes veulent dire c’est qu’un homme célibataire n’est pas « accompli ».
L’idée des deux moitiés de Neshama que vous mentionnez est très prisée par les cabalistes, mais déjà présente dans les sources classiques, comme le fameux premier couple, Adam et Eve qui furent créés en un seul corps avec deux faces (facettes).
En restant terre à terre, je dirais que le célibataire n’accomplit qu’imparfaitement son rôle de juif sur terre et pas seulement au niveau technique pour l’accomplissement de Piria Verivia.
Il y a un aspect « religieux » dans le fait de partager sa vie à deux (et plus, avec les enfants) en fondant une famille.
Le rayonnement spirituel d’un individu célibataire sera impacté ou tout au moins limité
[et comme disait l’autre (Kierkegaard, pour les intimes): « le mariage est et restera le voyage de découverte le plus important que l'homme puisse entreprendre »].
C’est ce qui fait que chez les juifs, même les rabbins se marient, à la différence de chez nos cousins catholiques où le célibat est un atout.
Pourtant, il y a un texte du
Yaabets qui souligne la Maala des hommes d’église qui font vœu de chasteté
(alors oui, ils ne sont pas toujours tous très réglos et certains auraient mieux fait de se marier, mais peu importe, parlons de ceux qui laissaient tranquille les enfants de chœur).
(je ne sais plus où est ce texte, je l’ai recherché sans résultat et je ne peux pas relire tous les livres du Yaabets que j'ai pu lire. J’en ai parlé à des rabbanim très « au courant », ils n’en savaient rien.
Il est probable alors que ce ne soit pas dans un des sfarim du Yaabets, mais dans ses annotations sur d’autres sfarim. Elles sont parfois publiées dans des périodiques.
Lorsque j’habitais à Lakewood, j’en ai lu énormément dans le Otsar de la Yeshiva, surtout dans le Otsar « fermé ».
Il se peut que ce soit dans le périodique de la ‘hassidout Bobov « Kerem Shlomo », malheureusement, l’éditeur s’oppose à mettre en ligne le contenu, il l’a même refusé à Otsar Ha’hokhma.
C’est bien dommage.
Des spécialistes de la recherche par ordinateur ont cherché, des spécialistes des écrits du Yaabets ont été consultés, ils disent unanimement que j'ai rêvé, qu'il n'y a rien de semblable de près ou de loin, dans les écrits du Yaabets.
Pourtant, je suis sûr de l'avoir lu.
Certes, quand on rêve on est aussi sûr de soi, mais pour le coup, je suis quasi-certain que c'était Behakits.)
Cela paraît étrange et contraire au judaïsme
(auquel nous sommes habitués) :
le cohen gadol devait être marié pour servir à Yom Kipour
(Yoma 13a) -et voir
R.S.R. Hirsch sur Vayikra (XVI, 6).
Le
Talmud (Yevamot 62-63) souligne tous les manques de l’homme célibataire. Voir aussi
Rama (E’’H §1,1).
Idem, nous trouvons dans la Halakha
(Rama o’’h §581, 1) que pour être Shalia’h Tsibour aux Yamim Noraïm, il est préférable d’être marié.
Celui qui n’est pas marié est toujours mal perçu dans le milieu rabbinique, être célibataire est a priori un frein dans la Avodat Hashem [au point que
Rabbi Moshé ‘Hagiz en fit un argument contre le
Ram’hal qui était (encore) célibataire, cf. sa lettre imprimée dans le
Torat Hakenaot du
Yaabets (Jér. 2015, p.224).
Nous trouvons aussi
R. Yonathan Eybeschutz (Yearot Dvash I, §10) qui souligne l’impiété de certaines sectes juives de l’époque du ‘Horban, dont plusieurs adeptes restaient volontairement célibataires, en ajoutant que c’est d’eux que les chrétiens se sont inspirés pour faire vœu de célibat.]
Mais nous trouvons toutefois certains Rishonim qui considéraient vraisemblablement le célibat comme une Maala spirituelle ou y correspondant. Nous savons tous que Moshé Rabénou s’est séparé de sa femme en raison de sa connexion trop fréquente/subite avec D.ieu, mais nous pourrions l’expliquer du fait qu’il ait bel et bien été marié et ait mené une vie de famille avant cela, ce n’est qu’en tant qu’octogénaire qu’il s’est séparé de son épouse.
Cependant, un Tana du nom de Ben Azay est connu pour son célibat
(même s’il a pu être marié pendant un jour avant de divorcer), il a globalement mené une vie de célibataire. (
Sotah 4b -et voir
Ktouvot 63a).
Rabbi Avraham Ben Harambam (Sefer Hamaspik, Shaar Haprishout -édition de poche page 164) écrit que le prophète Elisha ainsi que son maître Eliahou Hanavi ne se sont jamais mariés !
Un peu plus haut
(p.157) il écrit que certains Tsadikim se sont séparés de leurs femmes par Prishout.
Dans
Shaar Hashkida (p.190) il rappelle encore qu’Eliahou et Elisha ne se sont jamais mariés et il considère comme de la Tsidkout/Prishout le fait que Yaakov ne se soit marié qu’à un âge avancé (étant octogénaire) (Voir encore dans
Sefer Hamaspik, p.192).
[Je remarque et souligne au passage qu’il n’a pas mentionné avec Eliahou et Elisha, le prophète Yirmiya, à qui D.ieu a interdit de se marier
(Yirmiya XVI, 2), mais c’est certainement parce que -comme l’écrivent le
Radak et le
Malbim- l’interdit ne s’appliquait que dans la ville de Anatot.
Ou alors parce qu’il aurait été marié avant cela.
Ce qui semble assez probable selon la fameuse légende de
Ben Sira (Alfa Beita DeBen Sira, Otsar Midrashim, p.43) où il est question de la fille de Yirmiya.]
L’information à propos de Eliahou se trouve aussi dans le
Maguid Meisharim du Beit Yossef (Parshat Mikets daf 21a).
De plus, concernant Moshé qui s’est séparé de sa femme, ce que nous comprenons naturellement comme une Madréga de sainteté qui aurait été validée et approuvée par D.ieu, il faut savoir que le
Zohar (I, 234b) l’interprète comme étant un manque et une faiblesse spirituelle, et nous dit que Moshé n’était pas Shalem (parfait) en tout, car il était célibataire !
[Voir aussi
Sidour Yaabets (daf 158b) pour la considération et l’apport spirituel de la vie conjugale.]
Le
Zohar (tel que je le comprends) est en cela à l’opposé du
Talmud (Shabbat 87a) qui atteste de l’approbation divine de ce choix de Moshé.
[On pourrait voir un parallèle à cette Ma’hloket dans la position de Moshé qui pensait refuser le don des miroirs (Marot Hatsoveot) avant que D.ieu ne lui dise qu’au contraire, ces miroirs Lui étaient chers, car c’est avec eux que les femmes se sont faites belles pour plaire à leurs maris, voir
Rashi (Shemot 38, 8) au nom des ‘Hazal
(Tan’houma Pekoudei §9).
Cependant, le
Ibn Ezra (ad loc), au contraire, souligne la Tsidkout des femmes juives qui ont offert leurs miroirs en décidant de vouer leur vie au spirituel et ne plus se faire belles devant un miroir…]
Pour compléter, si vous lisez l’anglais, voyez
Modern Liberation –A Torah Perspective on Contemporary Lifestyles (Hemed Books, 1998) de
Pr Leo Levi (Pr. Rav Yehouda Lévi), le début du 11ème chapitre «
Marriage regulations »
pages 123 à 128 [je remercie au passage Dan B. qui m’avait prêté ce livre il y a quelques années].
En français, de manière plus large, il y a «
Le Mariage a-t-il encore une signification ? » de
Rav Yits’hak Jessurun (éd. Lichma, 2013).