Citation:
Quelle est la raison profonde au fait que ce soit de toutes façons l'homme qui delivre le gett.
C’est l’homme qui divorce car c’est lui qui se marie.
Vous comprenez que les deux se sont mariés, c’est vrai, il faut le consentement des deux, mais c’est uniquement l’homme qui « fait » le mariage, c’est lui qui (-selon la halakha) doit « acquérir » la femme, pas l’inverse.
Dès lors, c’est à lui qu’incombe le devoir (et la possibilité) de « défaire » ce mariage.
La femme ne peut pas défaire ce qu’elle n’a pas fait.
Ce qui ne fait que décaler la question vers le mariage :
Pourquoi est-ce l’homme qui « fait » le mariage et non la femme -ou les deux ?
Mais là, il n’y a plus le côté incompréhensible et injuste puisque le mariage, même s’il est « fait » par l’homme, ne peut se faire qu’avec le consentement de la femme (et une fois ce consentement donné, l’homme « opère » le mariage que la femme ne pourra plus défaire).
La seule question qui reste sera donc sur la fait qu’au bout du compte, même s’il pourrait y avoir de bonnes raisons à ce que ce soit l’homme qui « fasse » le mariage, étant donné que cela entraîne l’impossibilité pour la femme de divorcer par elle-même, nous aboutissons parfois à un abus de pouvoir « validé » ou « rendu possible » par la Torah !
C’est exactement votre seconde [formulation de la] question, je cite :
Citation:
Comment un droit de la torah ou une aptitude peut il donner lieu à certains abus de pouvoir. Il semble que cette mitzwa soit la seule de la Torah qui porte en elle une sorte de permission de nuire.
Pas une « permission » de nuire, une « possibilité » de nuire, nuance qui a son importance.
La Torah laisse des possibilités de nuire à son prochain -et pas qu’une comme vous le pensez, mais des centaines, des milliers et bien plus.
La Torah crée des lois, il faut des lois, mais malheureusement ces lois peuvent toujours être utilisées à mauvais escient.
Pourquoi la Torah autorise la polygamie alors que ça ouvre la porte à la dévalorisation de la femme et aux mauvais traitements que le mari pourrait lui infliger ?
Pourquoi la Torah autorise au père de marier sa fille « ktana » ?
[Il y a encore beaucoup de cas et de lois de ce type et je n’ai cité-là que des cas liés à une apparente misogynie.]
C’est comme si vous me demandiez pourquoi la loi française a créé et/ou validé la notion d’agents de l’ordre, alors que cela ouvre la porte à certains abus de policiers qui utiliseraient leur position pour profiter d’autrui injustement et cruellement.
Ou pourquoi tolérer la carte bleue puisque ça ouvre des possibilités aux escrocs de pirater des données et de voler autrui…
En fait, dans toutes les mitsvot, on peut trouver des niches où pourront s’insérer les gens malhonnêtes -tout en respectant la lettre de la loi.
Mais ce n’est pas bien, celui qui
s’insère doit être
sincère.
Le
Ramban (début de Kedoshim) écrit que l’on peut (techniquement) être un «
naval birshout hatorah », c-à-d un voyou qui respecte la lettre de la Torah tout en enfreignant son esprit.
Voilà pourquoi la Torah a ajouté une mitsva d’être Kedoshim/saints. Techniquement, on peut zigzaguer entre les lois, mais c’est contraire à la l’esprit de la loi (et à sa lettre aussi en ce qui concerne la mitsva de kedoshim tiyou).
Maintenant, reste à comprendre pourquoi donc inventer ce « mariage à sens unique »
(l’avantage et la raison d’être de la carte bleue ou des agents de l’ordre ne nous échappe pas, mais pourquoi fallait-il que le mariage ne se « fasse » que par l’un et non les deux ?).
Comme vous en demandiez la raison profonde, j’expose ceci :
La Torah ne souhaite pas que le mariage se fasse à deux, que chacun donne une alliance à l’autre.
Car ce type de mariage indique une sorte d’association, ou chacun « donne et reçoit ».
C’est dans cet esprit que les divorces se multiplient depuis quelques décennies, car lorsqu’un des deux a l’impression qu’il donne plus que ce qu’il ne reçoit, il se sent lésé et trompé et décide de mettre fin à l’association.
Pourtant, vous devez le savoir, dans la vie, il arrive souvent que l’on doive donner plus que ce que l’on ne reçoit de son conjoint.
Tout simplement parce que chacun arrive avec ses capacités, son potentiel et qu’il est impossible que les capacités des deux époux soient identiques.
Le mariage n’est pas supposé être une association où chacun cherche à « tirer profit » autant que possible en comptabilisant chaque effort qu’il y investit et attendant un retour de valeur égale.
Le mariage est plutôt une organisation, un système commun, où deux personnes œuvrent pour le bien d’une famille.
Ces personnes ne doivent pas rechercher leur profit personnel et direct, mais le profit du couple et de la famille à long terme.
Les époux ne s’y considèrent donc pas comme deux entités distinctes, mais comme un seul corps œuvrant pour le bien de « la famille ».
Il se peut que l’un puisse apporter plus de compétences que l’autre, mais il n’y verra aucunement un problème, car son investissement n’a pas pour but son profit personnel immédiat, mais le profit et la réussite de l’entreprise générale appelée « famille ».
Une main droite ne se sent pas lésée de devoir aider la gauche plus souvent que ce que la gauche ne l’aide. Pourquoi ?
Car toutes deux œuvrent pour le même but : la réussite du système général appelé « le corps » et chacun fait de son mieux avec ses capacités.
Ceux qui voient le mariage de la sorte, même s’ils doivent parfois fournir plus d’efforts que l’autre, trouvent du bonheur dans leur mariage et sont moins portés sur le divorce.
La Torah souhaite donc que le mariage ne soit pas vu comme une association où chaque membre se sent distinct de son conjoint et ne donne de sa personne qu’à mesure égale de ce que l’autre apporte au couple.
Voilà pourquoi le mariage ne se fait pas de manière « égale » par une action unique et similaire de la part des deux époux (kinian réciproque ou encore échange d’alliances…).
Quant à la raison pour laquelle c’est l’homme et non la femme qui opère les kidoushin, elle n’est pas étrangère à la polygamie autorisée (à l’origine) par la Torah.
L’idée des Kidoushin, considérés comme un acte d’acquisition, ne signifie pas que le corps (ou l’âme) de la femme serait « acquis » au mari.
(Même le corps de l’esclave n’est pas considéré acquis au maître, dans la Torah.) Il s’agît plutôt d’un kinian dans le sens d’un engagment ; l’homme « prend » la femme sous sa tutelle et s’engage à la protéger, la chérir, la nourrir, la vêtir…etc.
(tout ce qu’indique la Ktouva).
Une femme ne pourrait pas en faire autant vis-à-vis de son mari si son mari la prend sous sa tutelle, elle ne peut pas le prendre sous la sienne. Et si la Torah ne préconise pas l’inverse
(=que ce soit seulement la femme qui prenne le mari sous sa tutelle), c’est parce qu’elle autorise la polygamie et non la polyandrie ; un mari pris sous la tutelle de son épouse ne pourrait pas être pris sous la tutelle d’une seconde épouse en même temps.
Ce qui revient à dire en réalité qu’on ne peut pas être polygame sans endosser le rôle du protecteur (plutôt que celui du protégé).
(et vous allez demander pourquoi faut-il qu’il y ait un protecteur et un protégé ? La réponse est ce qu’on disait plus haut : pour indiquer l’idée du mariage différent de la vision moderne qui le voit comme une association 50-50…)
De plus, comme la femme ressent plus naturellement l’envie de se marier [dans l’esprit défini plus haut] que l’homme (en général), il est utile que ce soit l’homme (naturellement plus hostile au mariage toraïque) qui ait à marquer son engagement par ce kinian.
Nous aboutissons donc à la question suivante :
D’accord, mais pourquoi la Torah a autorisé (uniquement) la polygamie et non (uniquement) la polyandrie ?
La réponse est technique : la polyandrie est contraire au maintien de la kdousha du peuple, car on n’aurait plus de certitude sur la filiation. [Ainsi, on pourrait épouser sa demi-sœur (par le père) sans le savoir etc.].
Voilà, je pense, une piste de réflexion pour répondre à votre question.
Je sens que je devrais me relire, ne serait-ce que pour les fautes (mais aussi pour la cohérence), hélas je suis dans l'impossibilité de le faire, je poste tout de même le message, désolé.