Le
Shoul’han Aroukh (Y’’D §141, 4) l’interdit sans distinction, mais le
Rama (ad loc) écrit qu’il y a des avis permissifs si c’est un dessin destiné au « Rabim » (un dessin public).
Dans son
Darkei Moshé (§141, 5), il cite le
Mordekhai (Baba Batra §549) qui cite le
Maharam qui dit que l’interdit concerne une forme en relief, mais une image plate serait autorisée.
Le
Maharam est encore cité dans le
Mordekhai (Avoda Zara §840), il y dit clairement que dessiner un soleil n’est pas problématique tant que ce n’est qu’une image sans relief.
On lui a demandé si l’on pouvait dessiner des astres dans un livre de prières, il a répondu qu’au niveau du problème lié à avoda zara, c’est autorisé, mais il ne faut tout de même pas le faire car celui qui prie dans ce livre ne va pas mettre son attention et sa kavana là où il le faut.
Voir encore :
Taz (Y’’D §141, sk.13) et shout Knesset Ye’hezkel (o’’h §13)
Cependant, le
Tosfot sur Avoda Zara (43b) interdit le dessin –même plat- du soleil (ou de la lune), car si cette distinction (entre plat et en relief) a un sens pour une représentation d’un homme, en ce qui concerne celle d’un astre, elle n’est pas à retenir.
En effet, nous ne percevons pas (par la vue) le relief (le volume) des astres, la représentation par un dessin correspondrait donc vraiment à ce que l’on peut voir dans le ciel.
C’est aussi la positon du
Rambam (Hil. Avoda Zara §III, 10) et c’est ce qui est retenu par le
Shoul’han Aroukh (Y’’D §141, 4) comme cité plus haut, le
Shakh (Y’’D §141, sk .25) et de nombreux autres, dont le
‘Hokhmat Adam (§85, 3).
En suivant cela, le
Rav Wozner (Shevet Halévi VII, §134, 6) et le
Rav Weiss (Min’hat Its’hak X, §72) interdisent de photographier le coucher de soleil. Voire même de posséder une telle photo !
Voir aussi
Shout Divrei Yossef (§8) concernant des illustrations d’astres à l’intérieur des portes d’un Heikhal d’une synagogue, il se montre rigoureux.
Il est cité par le
Pit’hei Tshouva (Y’’D §141, sk.8), qui indique que le
Knesset Ye’hezkel (o’’h §13) est moins strict dans ce cas.
Selon le
Rama (op cit) il y a possibilité de se montrer indulgent dès que c’est « shel rabim » (deleika ‘hshada).
C’est tout de même dérangeant lorsque c’est dans une synagogue, mais « bediavad » on le tolère.
Il y a certaines synagogues –comme la fameuse
Rashi Shul (dans le IXème arr. de Paris)- où l’on peut voir des peintures de soleil (et autres).
Il est donc préférable de ne pas dessiner un soleil, toutefois, il est à noter que lorsque le verset
(Yehoshoua XXIV, 30) dit que
Yehoshoua a été enterré à Timnat Sera’h,
Rashi (Yeoshoua XXIV, 30) rappelle qu’un autre verset
(Shoftim II, 9) nomme cet endroit Timnat ‘Heres
(en intervertissant l’ordre des lettres סרח – חרס).
Là-dessus
Rashi cite des explications, l’une d’elles consiste à dire que le véritable nom de la localité serait
Timnat Sera’h, mais qu’on l’aurait surnommée
Timnat ‘Heres en raison du dessin de soleil apposé sur la tombe de Yehoshoua.
Mais ce n’est pas exactement ce qui ressort de la
Gmara Baba Batra (122b) (et Rashbam ad loc) qui –parlant de ce changement de nom, ne fait aucune mention de ce dessin de soleil sur la tombe de Yehoshoua.
Idem en ce qui concerne le
Yalkout Shimoni (Yehoshoua XIX, §29).
Il faudrait donc rechercher la source de ce
Rashi, je ne connais pas de tel Midrash
[ce doit être un des petits midrashim méconnus car j'ai cherché un peu dans les Midrashim classiques et n'ai rien trouvé] (voir encore
Rashi Shoftim II, 9) car c’est assez étrange; dessiner un soleil est problématique d’autant qu’on ne pourra pas aisément dire qu’il s’agît-là d’un dessin totalement plat puisque la Drasha se base sur le terme ‘Heres (argile) qui semble indiquer le support qui aurait permis la représentation de l’astre solaire, on pourrait donc être tenté de comprendre qu’il s’agissait plutôt d’une gravure que d’une peinture…
Toutefois, le terme
‘Heres peut aussi désigner le soleil
(il n’y aurait donc pas d’argile ni de gravure, mais un simple dessin à plat), comme on le voit dans le verset dans
Iyov (IX, 7) «
Haomer la’héres velo yizra’h »
(où le terme ‘Heres désigne le soleil), comme le prouve le
Radak (Yeoshoua XXIV, 30) à partir de ce verset.
(Le
Radak mentionne un Midrash similaire à celui cité par
Rashi, mais qui ne dit pas qu’il y avait un dessin de soleil sur la tombe, uniquement que la ville a été appelée ‘Heres car Yehoshoua y est enterré et il a stoppé le soleil).
Le
Rav Yaakov Pardo dans son
Kehilat Yaakov (Venise 1784, daf 27a) s’étonne de ce
Rashi et préfère la « version » du
Radak.
R. ‘Haim Pallagi dans
Roua’h ‘Haim (Y’’D §141, 2) aussi, trouve ce
Rashi étrange.
Voir encore
Shout Rav Pealim (IV, Y’’D §10) et le
Rav Waldenberg dans son
Shout Tsits Eliezer (IX, §44).
[Voir aussi une réponse de
R. Tsvi Hirsh Eisenstadt imprimée dans le
Yad David (Efrati, daf 38a) ici :
http://beta.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=32515&st=&pgnum=77 ]
[à noter au passage :
Rabbi ‘Haim Pallagi dans son
Yisma’h ‘Haim (maarekhet ‘Het, §97) indique aussi que le mot
‘Heres peut vouloir dire soleil, mais il le prouve à partir du passouk dans
Yeshaya (§45, 9) ‘Harsei Adama.
Seulement, dans ce passouk il est écrit
‘Harsei avec un Sin
(pas un samekh) et de plus, certains l’interpréteront autrement, ce terme signifierait plutôt de l’argile que le soleil.
Mais le
Yisma’h ‘Haim se base sur le
Tana Debei Eliahou Zouta (§20) qui interpréte ce passouk dans le sens du « soleil » en le prouvant à partir du verset de
Iyov (op cit).
Toujours est-il que
Rabbi ‘Haim Pallagi aurait mieux fait de citer le passouk de
Iyov…]
Il y a –par contre- un autre
Midrash étrange : dans
Bamidbar raba (II, 7) on nous dit que le drapeau de la tribu de Yissakhar représentait le soleil et la lune…
Je ne sais pas comment vont l’expliquer ceux qui interdisent de dessiner les dessiner même « plats », si ce n'est en ayant recours à ce que dit le
Rama.
Pour revenir au dessin sur la tombe de
Yehoshoua, nous trouvons l’idée de dessin représentatif sur les pierres tombales, mais bien plus tard, pas à l’époque de Yehoshoua.
C’est plutôt vers les XVIIème et XVIIIème siècles que se multiplient des gravures sur les tombes juives, gravures de dessins qui représentent le nom de famille du défunt -comme une oie pour la famille Gans ou un cerf pour la famille Hirsch, ou son prénom –une colombe pour Yona, un lion pour Arié ou Yehouda.
Le lion peut aussi représenter une ascendance du défunt remontant jusqu’à David Hamelekh.
Une rose peut indiquer soit le prénom (Rose, Rosa, Shoshana…), soit une femme décédée à un jeune âge.
Certainement parce que la rose se fane trop vite.
Si c’est un homme qui part trop jeune, c’est un arbre déraciné ou cassé en son tronc.
Une couronne représente soit un Cohen
(qui est plus souvent représenté par deux mains en position de Birkat Cohanim), soit un Talmid ‘hakham
(keter Torah), ou une personne de bonne renommée
(keter shem tov).
Le Lévi étant indiqué par une cruche, symbolisant l’ustensile utilisé par le Lévi pour faire les ablutions au Cohen.
Les métiers sont aussi représentés, un bateau signifie que le défunt était marin ou plus souvent commerçant à grande échelle, le Sofer est symbolisé par une main tenant une plume etc...
Voir
R. ‘Haim Pallagi dans
Roua’h ‘Haim Y’’D §350 ici:
http://www.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=37782&st=&pgnum=390 qui interprète favorablement ces gravures qui sont là pour rappeler les mérites du défunt.
Il parle aussi d'effigies moins classiques comme une paire de lunettes
[-pas pour un opticien, mais pour une personne âgée qui ne se privait pas pour autant d'étudier la Torah en dépit de sa vue affaiblie], mais je n'ai jamais vu ce type de ciselure sur une pierre tombale.
A la même époque
(XVIIème et XVIIIème siècles), dans les cimetières des communautés Sfarades installées en Europe -la communauté portugaise essentiellement, nous trouvons des représentations moins évidentes du point de vue halakhique.
Il y a des sculptures en relief d’un homme
(de la tête aux pieds) qui prie et tenant un sidour en main, c’est le symbole du prénom Its’hak
(qui sortit prier dans le champ).
Halakhiquement parlant, il est interdit de représenter un homme « entier »
(pas seulement un buste…) si c’est en relief.
Voir
Tshouvot ‘Hatam Sofer (VI, §4).
Sur d’autres tombes "portugaises", nous trouvons une gravure en relief de Yaakov qui rêve et un ange sur l’échelle.
En plus de la représentation humaine
(entière), il y a un problème dans le fait de représenter un ange.
Ce problème se retrouve encore sur d’autres pierres tombales présentant une gravure de la Akeidat Its’hak… [voir
Arkhion Meéven –récemment publié en Allemagne pour les 400 ans du cimetière juif d’Altona- pages 20 et 22 (il date de
1611) (j’en profite pour remercier mon ami
P. R. -grand visiteur/pèlerin de tombes de tsadikim- qui me l’a offert)].
Il y a aussi plusieurs sculptures sur les tombes du cimetière de Prague, elles sont décrites dans
Gal-Ed (Prague 1857).
Je m’aperçois que je m’égare du sujet, j’en reviens donc à votre question.
Vous demandez si vous pouvez dessiner un soleil «
avec un sourire et des lunettes de soleil ».
En effet, si vous changez un peu la forme/face/etc. du soleil, il y a lieu de se montrer indulgent.
Le
Rosh ( AZ, III, §5) écrit qu’il n’y d’interdit que lorsqu’on représente l’astre en entier (voir aussi
Rashi AZ 43a).
Le
Darkei Tshouva (Y’’D §141, sk.38) cite le
Shout Maharam Alsheikh (§77) qui va dans ce sens et écrit qu’il est –à ce titre- autorisé de dessiner un croissant de lune.
Par contre, pour le
Maharit (Shout Maharit Y’’D §35) il est évident que le croissant de lune est interdit au même titre que la pleine lune.
Le
Shoel Oumeshiv (Mahad. Kama, III, §71) cite cette opposition et prend partie pour le
Maharit en prouvant la pertinence de son opinion.
Quoi qu’il en soit, il semblerait que l’interdit de dessiner « une partie de lune » ne concerne que la lune (et voir
Rosh Hashana 24a) mais pas le soleil. Car l’interdit dépend du fait que la lune nous apparaît (parfois) réellement sous forme de croissant dans le ciel, ce qui n’est pas le cas du soleil qui ne se montre à nous que sous la forme d’un disque, il est donc possible de le dessiner partiellement caché par un arbre ou un nuage (voir par contre
Mekor Mayim ‘Haim Y’’D §141, sk.8).
Cependant, je ne saurais me prononcer avec trop d’assurance concernant une représentation partielle du soleil qui serait en partie caché par l’océan, lors d’un coucher de soleil.
Car le soleil nous apparaît bien ainsi parfois
(généralement, deux fois par 24 heures) (Je précise tout de même que
Rav Nissim Karélits l’autorise –
‘Hout Shani, pessa’h, p.236).
Pour conclure, il est loin d’être évident de dessiner le soleil, mais si vous lui mettez un sourire et des lunettes de soleil, je pense qu’il y a de quoi autoriser sans trop craindre de froisser qui que ce soit.
J'ai ouï dire que le
Igrot Moshé aurait écrit qu’un soleil souriant ou humoristique n’est plus un soleil
(par rapport à cette halakha), mais je ne sais pas où ça se trouve, c’est peut-être dans un des deux derniers tomes (le 8 et le 9) plus récemment édités, que je ne possède pas.
Par manque de temps, je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes, merci.