Je vous réponds dans le désordre mais en citant vos questions :
Citation:
Au même endroit déchiré ?
Non, les Kriot doivent être espacées d’au moins 3 Etsbaot (~7cm) et se situer du côté gauche, vers le cœur, d’une longueur d’un Tefa’h (~9-10cm) chacune.
Citation:
Sur tout les vêtements que l'on porte ?
Non.
Bien qu’il soit indiqué par le
Shoul’han Aroukh (O’’H §561, 4) de déchirer TOUS ses vêtements, ça fait partie des nombreuses Halakhot sur lesquelles on ne suit pas le
Shoul’han Aroukh (-à ma connaissance, Rav Ovadia Yossef est inclus dans ce « on », bien qu’il veuille toujours faire croire qu’on suit l’opinion de Maran systématiquement. Veuillez me l’indiquer si je me trompe).
Le Minhag est de ne déchirer que l’habit supérieur, pas ceux du dessous.
(par exemple : seulement la veste et non la chemise).
Voir:
Min’hat Shlomo (§73)
Erets Israel (Tikotshinsky) (§XXII, 4)
Tshouvot Vehanhagot (I, §378)
Or’hot Rabénou (II, p.155)
Citation:
Lorsque l'on se rend au kotel, les 3 kriot
Je ne sais pas de quelles TROIS kriot vous parlez ?
Je n’en connais que deux, la troisième –celle sur
Arei Yehouda- n’étant pas vraiment pratiquée de nos jours.
Cf.
Sefer Erets Israel (Tikotshinsky) (§XXII, 1).
Restent deux Kriot : sur Yeroushalayim (Haatika) et sur le (Makom Ha-)Mikdash.
Même là, certains –à l’instar du
Steipler- ferment les yeux en chemin vers le kotel pour ne pas voir Jérusalem (la vieille ville) et ainsi n’avoir qu’une Kria à exécuter, celle sur le Mikdash qui vaudra aussi pour Jérusalem.
Cf.
Or’hot Rabénou (II, p.155) (ou, si l’on veut accentuer un peu cette Kria, ça fait aussi l’affaire, voir Shoul’han Aroukh O’’H §561, 2)
Citation:
sont-elles obligatoires ?
Théoriquement, oui.
Certains les évitent en offrant leurs habits (en faisant un kinian) à un ami qui les leurs prêteraient sans les autoriser à les déchirer.
Après leur visite au Kotel, l’ami offrirait à son tour ces habits à qui les lui avait offerts. Une sorte de restitution halakhique.
Il faut préciser que nous trouvons des Poskim qui invalident ce procédé en raison du contournement de la Halakha qu'il offre, ou encore parce que le Kinian ne serait pas sincère et donc nul et non avenu. Cf.
Moadim Ouzmanim (VII, §257) et Piskei Tshouvot (§561, 1).
Toutefois, je penche un peu pour « fermer les yeux » sur cette opinion et j’ai l’habitude de dire à ceux qui me demandent si c’est vraiment obligatoire de déchirer son habit qu’ils peuvent se baser sur cette technique du Kinian
(bien qu'il s'agisse ici de "contourner" la Halakha) et ce pour trois raisons qui se rejoignent :
1) Nous trouvons des « koulot » sur ce thème, par exemple celle de ne déchirer qu’un seul habit, ou encore la Koula pour les hiérosolomitains qui les exempte de pratiquer la Kria
(même) sur le Mikdash, même s’ils ne l’ont pas vu depuis un mois (tant qu’ils résidaient à Jérusalem).
Voir
Erets Israel (Tikotshinsky) (§XXII, 9).
2) De nos jours où Jérusalem est habitée, construite, et dirigée par une autorité juive, on a du mal à comprendre la raison de cette Kria sur Jérusalem « be’hourbana ».
Le
Beit Yossef cité par le
Mishna Broura (§561, sk.2) précise que même si des juifs habitent Jérusalem, étant donné qu’ils sont sous domination non-juive, ça reste considéré « Yeroushalayim be’hourbana ».
De là, le
Igrot Moshé (O’’H IV, §70, 11) veut dire que de nos jours où la domination non-juive n’est plus d’actualité, la Kria sur Jérusalem ne devrait plus être nécessaire. (Mais cela n’exempte pas de la Kria sur le Mikdash.)
Toutefois, cette opinion est relativisée par d’autres Poskim : le
Shevet Halévy (VII, §78) selon qui Jérusalem doit toujours être considérée « be’hourbana » tant que la domination -juive ou non- est opposée à la pratique de la Torah. Et le
Min’hat Shlomo (§73) qui considère quant à lui, que tant qu’une mosquée est installée sur l’emplacement du Temple et que l’on ne peut pas éxiger (par craintes des peuples) son « déplacement » et la restitution de l’emplacement qui nous a été volé, il faut encore considérer Jérusalem « be’hourbana ».
3) Ce point relie les autres
(et explique en quoi cela concerne aussi la Kria sur le Mikdash) :
La Kria n’est qu’un acte qui a pour but de traduire, d’éveiller et de maintenir un sentiment de tristesse et de deuil sur le Temple. Or, de nos jours, il est à peu près certain que celui qui vient demander si l’on a l’obligation de déchirer son habit en voyant le Kotel, ne ressent pas une tristesse si profonde et n’aura pas trop de mal à retenir ses larmes à la vue du Mur des Lamentations.
Ainsi, celui qui veut se montrer rigoureux et pratiquer l’acte de la Kria, mais sans en avoir le moral atteint, c-à-d qu’il va juste déchirer son habit mais garder le sourire
(et serait même prêt à se faire prendre en photo en train de déchirer sa chemise en affichant un grand sourire), n’aurait en fait absolument rien accompli, car la « Mitsva » (le but de la manœuvre) n’est pas d’avoir un habit déchiré mais d’être attristé sur Jérusalem et le Temple.
Toutefois, il ne convient pas d’outrepasser les recommandations des sages et l’on n’a pas le droit de faire fi de l’obligation de déchirer son habit à ce moment, mais si on sait qu’on n’arrivera pas à se sentir triste et réellement endeuillé sur Jérusalem (même en déchirant son habit), autant avoir recours à ce stratagème qui nous permet (autant que la kria sans sentiment) de ne pas contrevenir à la recommandation des sages.
Dit autrement : il y a la lettre/l’action et l’esprit de la loi. Dans notre cas
(-ce n’est pas le cas dans toutes les mitsvot), l’acte seul est dépourvu d’intérêt s’il n’est pas accompagné de l’esprit
(la kavana, ici : la tristesse) si ce n’est l’intérêt de ne pas déroger aux paroles des sages
(mais on n’aura PAS accompli leur volonté, on aura seulement évité de contrevenir à leurs paroles).
Donc en usant du stratagème du Kinian, on évite tout autant de contrevenir ouvertement aux paroles des sages, bien qu’on n’accomplisse pas pour autant leur volonté.
De nos jours, les gens vont au Kotel comme on irait à la Tour Eiffel, c’est un lieu touristique, un monument local.
Certains tiennent à célébrer leur Bar-Mitsva au Kotel ou viennent y faire des photos de mariage, en affichant un grand sourire et en faisant la fête.
Imaginez un peu le ‘Hatan ou la Kala déchirant son habit à la vue du Kotel, avant les photos…
Ces gens se réjouissent face au Kotel car ils ignorent ou ont oublié tous ceux qui ont perdu la vie à cet endroit il y a 1950 ans, sans quoi, ils auraient probablement un peu plus de mal à faire la fête sur ce terrain de bataille qui nous rappelle notre défaite et la perte du Temple.
En fait, ma comparaison avec la Tour Eiffel est assez opportune si l’on pense à tous les morts du Champ-de-Mars
(je ne parle pas que du massacre du Champ-de-Mars en 1791, mais aussi de la bataille de Lutèce entre Titus Labienus et Camulogène le gaulois en -52, tous ces morts enterrés au Champ-de-Mars et piétinés par des touristes pratiquant le selfie à l’aide d’une canne sont depuis longtemps oubliés –au grand dam de Lorànt Deutsch dans son Métronome (p.25).
Certains situent la bataille sur la plaine de Grenelle, ou/et à Montrouge qui tirerait son nom du sang gaulois qui y fut versé, car la terre elle-même n’y a jamais été rouge, voir les Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (1857, p.304), pour la position de Félicien de Saulcy).
Il parait même que les appartements qui donnent sur le Kotel sont très prisés et ceux qui y résident en sont terriblement fiers et admirent avec une joie difficilement contenue le Kotel depuis leur salon ou terrasse –idéale à leurs yeux pour un petit goûter entre amis avec vue imprenable sur le Kotel.
Cela ne peut que venir de l’ignorance des concernés, car je n’imagine pas un juif insensible au désastre et la tristesse que représente le Kotel, c’est forcément dû à l’ignorance.
Rabbi Eliahou David Rabinovicz-Teomim, le très célèbre
Aderet (et beau-père de
Rav Kook), s’est vu attribuer un appartement avec vue sur le Kotel lors de son arrivée en Israël au début du XXème siècle pour seconder le
Rav Shmouel Salanter au Beit Din de Jérusalem.
Il a écrit à ses proches restés en Europe que cela venait certainement d’une bonne volonté et ceux qui lui ont pris cet appartement pensaient bien faire, mais que c’était pour lui insupportable de voir, tous les matins en se levant, le Temple détruit, au point qu’il craignait que cela porte atteinte à sa santé...
Voilà une réaction assez différente de celles de nos touristes.
Je ne peux pas prendre le temps de me relire en raison d'une urgence. Pourtant, je ne crains pas que les fautes, mais aussi les incohérences ou passages inintelligibles/ pas assez expliqués. J'espère que c'est tout de même assez clair.