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quelle montée à la Torah pour un Rav ?

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Rav Wattenberg,

Pourquoi chez les Ashkénazs le Rav monte à chélichi (3ième montée) alors que chez les séfarades il monte à chichi (6ième montée)

Merci
Rav Binyamin Wattenberg
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Citation:
Pourquoi chez les Ashkénazs le Rav monte à chélichi (3ième montée) alors que chez les séfarades il monte à chichi (6ième montée)


Ça n’a pas vraiment d’importance sur le plan halakhique, il s’agit d’habitudes et de notions kabbalistiques.

Chez les Ashkenazim, on fait monter le Rav au Shlishi car c’est la première montée disponible après cohen et lévy (voir Guitin 60a que certains comprendront peut-être autrement).
Le Rambam (Hil. Tfila §XII, 18) indique aussi que plus la montée se présente tôt, plus elle est importante et digne d’un homme important (tout en considérant que la dernière montée, le Mashlim, aurait malgré tout une valeur supérieure aux autres montées -cf. Meguila 32a).

Chez les Sfaradim ET chez les ‘hassidim, le Rav monte au Shishi car cette montée est prisée « al pi kabbala », en se basant sur le Zohar (III, 164b selon qui R. Krouspedaï montait toujours en 6ème position et que c’est la montée qui convient au Tsadik -à noter que ce n’est pas forcément « le shishi » mais « la 6ème montée », s’il y a eu un découpage différent, ce qui importe est de monter en 6ème, ce qui fait référence à la Mida de Yossef, le Yessod… ),
voyez
Maguen Avraham (§282, sk.9),
Shout ‘Hatam Sofer (O’’H §66),
Mishna Broura (§282, sk.18),
Ben Ish ‘Haï (II, ‘Hayé Sarah §3) et (II, Toldot §17),
Ma’hzik Brakha (o’’h §282, 3)

et Kaf Ha’haïm (§135, sk.19).

Le Arizal aussi montait (chaque semaine) au Shishi (Shaar Hakavanot 73d -voir aussi 49a).

[Précision : cette habitude du Shishi chez les "Sfaradim" n’était pas très répandue au Maghreb, à part chez les kabbalistes.
Mais les Rabanim d’Afrique du Nord montaient au Shlishi (3ème montée) et non au Shishi (Divrei Shalom Veémet III, p.171), seuls les kabbalistes comme Baba Salei montaient au Shishi (Israel Saba p.75).]

Les Rabbis ‘Hassidiques montent généralement au Shishi.
Le Gaon de Vilna aussi montait chaque Shabbat au Shishi (Maassé Rav §133), à Yom Tov au ‘Hamishi (ou du moins là où l’on mentionne le Inyan du jour) (Maassé Rav §165) et à Rosh ‘Hodesh au Revii (Maassé Rav §154).
Le Rabbi de Munkacz aussi montait au Shishi le Shabbat, et au ‘Hamishi à Yom Tov (Darkhei ‘Haim Veshalom §210).

[Sur la nature de l’avantage du Shishi, voir Kountras Torat Imekha de Rav Munk (§71 note 62) dans Shout Peat Sadekha tome 2.]

Les ashkenazes n’étant pas trop friands de cabale ne font pas de chichis autour de cette montée et attribuent au Rav la 3ème montée qui est la 1ère qui se présente (après cohen & lévy).

Le Yam Shel Shlomo déjà mentionnait le Minhag de faire monter le Rav au Shlishi (en 3ème position), voir Maguen Avraham (§428, sk.8).

Et on retrouve cela encore avant dans le Sefer Hamanhig (§57) pour l’époque des Gueonim, où le Shlishi était considéré la Aliya des gens importants (et encore avant dans Guitin 60a).
Et plus tard dans le Shout Tsema’h Tsedek (Krochmal) (§56) qui recommande de réserver le Shlishi à un Rosh Yeshiva.

Lorsque j’étais à la yeshiva, il y avait aussi une « Takana » du Ponovezher Rov (Rav Yossef Shlomo Kahaneman) stipulant qu’au Shlishi, à la yeshiva, on ne pourrait faire monter qu’un Rosh Yeshiva ou un Av Beit Din. Il était lui-même les deux à la fois, mais n’était pas concerné étant cohen.

Dans les faits, puisque l’habitude s’est installée que le Rav monte au Shlishi, bien que l’origine de ce choix soit "la 1ère montée possible", le Rav ne montera pas en Rishon en l’absence de cohen, il gardera toujours son poste du Shlishi.

Il y a certains Rabanim qui insistaient pour monter chaque semaine au Shlishi, par exemple Rav Rottenberg z’’l montait chaque semaine au Shlishi (en dépit de ses origines ‘hassidiques qui auraient pu le diriger vers le Shishi).
Rav Chajkin était makpid de monter au Shlishi chaque shabbat (certains estiment que le Rav ne doit pas être Mo’hel sur son Kavod sur ce point, voir à ce sujet Shout Maharam Mintz §6, mais du Radbaz §304 il ressort qu’il le peut parfaitement), il est arrivé une fois -en raison d’une absence du Gabay, remplacé au pied levé- qu’il n’a pas eu de Aliya le samedi matin, Rav Chajkin insista alors pour s’assurer d’obtenir une Aliya à Min’ha (Pour la Gloire de Hachem p.412-413).

Il n’aurait pas perdu au change car selon le Ben Ish ‘Haï (II, Toldot §17), la Aliya de Shlishi lorsqu’il n’y a que 3 montées (=en semaine ou à Min’ha de shabbat), est plus importante encore que la 1ère (du cohen). Voir encore Ben Ish ‘Haï (II, ‘Hayé Sarah §3).

Cette idée existe aussi ailleurs concernant le Shishi ET le Shlishi du Shabbat matin, voir Kaf Ha’haïm (§135, sk.19).

[Il est souvent arrivé que des Rabanim soient Makpidim d’avoir une Aliya, le Adéret écrit (Nefesh David p.125 §53) que c’était son cas étant jeune rabbin, mais qu’avec l’âge il a changé d’attitude sur ce point.

Je trouve que, de nos jours, les Rabanim gagneraient parfois à ne pas être Makpidim de monter chaque semaine, surtout si c’est dans une grande Kehila, afin de permettre à tout le monde de monter.
Mais je dois reconnaitre que de nombreux Rabanim, à l'instar de Rav Chajkin, sont Makpidim d’avoir leur Aliya chaque samedi.

Il y a déjà eu des positions encore plus poussées, comme Rav Nathan Adler qui montait à la Torah 2 fois chaque samedi matin ! Au Rishon (il était cohen) et au Maftir, chaque semaine, comme c’est écrit dans le ‘Hout Hameshoulash Ha’hadash (Jér. 2000, p.17 notre 2) (ou dans l’édition classique de 1908, daf 5a note 2).
C’est assez étrange, mais ce Rav avait quelques particularités.
A moins qu’il ne faille corriger dans le texte לכהן ולמפטיר en לכהן או למפטיר .]

Depuis l’époque des Rishonim nous trouvons cette habitude de faire monter le Rav CHAQUE Shabbat matin au sefer Torah, cependant, ce n’était pas toujours au Shlishi (et encore moins au Shishi).

Certains préféraient le Maftir, c’est le cas du Seder hayom (Seder Hakria), du Yossef Omets (§628), de Rav Nathan Adler (cf. Shout ‘Hatam Sofer §68 -en même temps, il était cohen et ne pouvait donc théoriquement pas monter ailleurs que Rishon et Maftir, et comme on l’a vu, il semble qu’il montait aux deux) et du Tsema’h Tsedek (Ktsot Hashoul’han §85, Badei Hashoul’han sk.2).

[Le Gaon de Vilna montait au Maftir lors des 4 Parshiot (Maassé Rav §133), le Munkaczer Rebbe aussi (Darkhei ‘Haim Veshalom (§210)].
Voir encore Shout Hagueonim Shaarei Tshouva (§60).
Pourtant, de la Mishna dans Meguila (24b) on comprend que c’est la Aliya la moins importante, voir aussi Méiri et Ran (ad loc) expliquant que c’est la Aliya qui est accessible aux Ktanim.

Rabénou Tam montait chaque semaine au Revii ! (Tashbats Gadol, II, §276).
Cependant, dans le Shoul’han Aroukh (Y’’D §400, 1) il est écrit que Rabénou Tam montait au Shlishi.
C’est aussi ce qui est écrit dans le Tour (Y’’D §400). Ce dernier tient cela de son père, le Rosh (Moed Katan III, §28).

Je ne sais pas comment résoudre cette contradiction.
Quoi qu’il en soit, il semblerait que le Revii soit plus important que le ‘Hamishi et le Shvii, voir Kaf Ha’haïm (§135, sk.19).

Le Shvii semble peu valorisé [Ma’hzik Brakha (o’’h §282, 3), Ledavid Emet (Kountras A’haron §2, 6 -daf 33a), et Kaf Ha’haïm (§135, sk.19) et (§136, sk.4)]
Bien que d’autres voient en la Aliya du Mashlim la montée la plus importante, cf.
Beit Yossef (O’’H § 135 et §428)
,
Shout Haradbaz (§304
-qui n’accorde aucune valeur au Shlishi),
Maguen Avraham (o’’h §136),
Levoush (§135, 10),
Pri Megadim (§282, Esh.Av. sk.9),
Maté Yehouda (Ayache) (§141, 7),
Shout Tshouva Meahava (I, §36)
,
et Mishna Broura (§135, sk.36) et (§182, sk.18).
[voir aussi Aroukh Hashoul’han (o’’h §147, 9) et (§136, 2).]

Et on voit ça déjà chez les Rishonim
[pour l’idée elle-même, voir Rabénou ‘Hananel (Meguila 32a)],
c’est ce qui ressort du Rambam (Hil. Tfila §XII, 18) [repris par le Or’hot ‘Haim (hil. Kriat Sefer Torah §31), et Kol Bo (§20)], du Baal Hatourim (Shemot XIX, 23), Méiri (Kiriat Sefer -Jér.1957, p.87) et Méiri sur le Shas (Guitin 60a et Meguila 25b), et le Or Zaroua (II, §42) qui indique qu’en France, la coutume est de faire monter le Rav au Shvii.

Quant au Rosh, il montait chaque semaine au ‘Hamishi ! (Tashbats II, §276).
Sa prédilection pour cette montée lui est venue du fait que personne ne voulait monter au ‘Hamishi [car le Hé et le Noun sont les lettres « isolées », qui n’ont pas de Ben Zoug, voir Midrash Shemot Raba (XV, 7), un tel mépris du 5 n’aurait pas pu avoir lieu en Tunisie].
Cette aliya méprisée qui est tout de même considérée plus importante que le Shvii, serait à yom tov, selon le Kaf Ha’haïm (§135, sk.19), la aliya la plus importante de toutes. Voir aussi Maassé Rav (§165) et Darkhei ‘Haim Veshalom (§210).

[J’ai vu dans le ‘Hikrei Minhaguim de ‘Habad (II, p.64) qu’il cite le Maguen Haelef (Frumkin) sur le Seder Rav Amram (II, §28, note 16, daf 34a) qui dit qu’on ne sait pas pourquoi le Gaon de Vilna voulait monter au Shishi mais que c’est peut-être motivé par sa grande humilité qui l’aurait poussé à choisir la Aliya la moins importante.

Le ‘Hikrei Minhaguim s’étonne et se demande d’où Rav Frumkin sort-il cette idée que le Shishi serait la Aliya la moins considérée alors que c’est précisément le contraire! ce n'est pas une Aliya méprisée mais prisée!

Il me semble que la réponse est assez simple : Selon l’enseignement du Rambam (op cit) les premières aliyot sont les plus honorifiques, plus on attend et on retarde la montée, moins elle est Mekhoubédet, à l’exception du Mashlim, c-à-d du dernier (sans tenir compte du Maftir qui vient après le dernier) qui est au contraire très Mekhoubad.
Il en résulte que la Aliya la moins Mekhoubédet est celle qui précède le Mashlim, donc le Shishi. CQFD. ]


Ceci étant dit, je confesse ne pas saisir pleinement l’importance de chaque Aliya au point que cela puisse ainsi motiver des rabbins à vouloir précisément monter à tel ou tel moment.
Et si une Aliya est particulière et importante, pourquoi vouloir se l’approprier et non se réjouir qu’un autre puisse y accéder ?
Va-t-il réellement « manquer » quelque chose à celui qui n’est pas monté à cette Aliya précise ?

Peut-être que ces rabanim accédaient à une élévation spirituelle particulière et c’est pour cela qu’ils n’acceptaient pas d’y renoncer.
J’aurais tendance à penser que l’élévation spirituelle pourrait aussi être accessible justement en cédant cet "honneur" à autrui, mais je ne dois vraisemblablement pas assez comprendre la nature de l’élévation spirituelle qu’ils ressentaient.
En tout cas, je suis plus inspiré par ce qu’a écrit le Adéret (op cit) que par l’attitude de Rav Chajkin [qui avait certainement ses raisons (voir à ce propos dans sa biographie à la page citée), mais au regard de notre situation, de nos jours, en France (ou au moins en région parisienne) et pour des communautés (et non pour une yeshiva), je trouve l’attitude du Adéret plus bénéfique].

Quoi qu’il en soit, comme ces histoires de Aliyot sont malheureusement trop souvent un moteur de jalousies et vexations (cf. Aroukh Hashoul’han §136, 2), il est important de mentionner ce que soulignent les A’haronim : il ne faut surtout pas qu’il y ait des tensions ou des disputes autour de l’accomplissement des Mitsvot à la synagogue.

Voir :
Darkhei Moshé (o’’h §53),
Baer Heitev (§53, sk.27),
Mishna Broura (§53, sk. 61 et 65),
Elia Raba (§53, sk.25),
Maguen Avraham (§53, sk.26),
Kitsour Shoul’han Aroukh (§29, 9),
Kaf Ha’haim (§53, sk.96) et (§134, sk.31) et (§153, sk.178).


Le Aroukh Hashoul’han (§136, 2) écrit que si une Aliya est considérée « peu importante », c’est une grande Mitsva de chercher à y monter justement (ça rejoint l’idée du Rav Frumkin mentionnée plus haut), en précisant que c’est vraiment stupide de croire qu’une Aliya serait moins bien qu’une autre (אין לך שטות גדול מזה) et qu’il ressort de la Gmara Guitin (60b) qu’il n’y a aucune échelle de valeur intrinsèque entre les Aliyot elles-mêmes, c’est juste un ordre indiqué (décroissant) pour précisément maintenir le Shalom.

Nous pourrions objecter sur ces dires du Aroukh Hashoul’han que le fait que la valeur de la Aliya ne lui soit pas intrinsèquement liée ne change rien, dans la mesure où la Gmara nous dit de donner le Shlishi au plus important des fidèles, et le Revii à celui qui vient ensuite en importance, puis le ‘Hamishi, puis le Shishi etc., il y a donc une échelle de valeur, certes pas intrinsèque aux montées, mais qu’est-ce que cela change ?

La réponse est que dans la mesure où la Aliya elle-même n’est pas différente ni meilleure, celui qui « usurperait » un titre, qui se ferait passer pour Talmid ‘Hakham (qu’il n’est pas) et aurait ainsi obtenu une montée au Shlishi (ou Revii etc.) ne gagne rien en réalité, si ce n’est l’illusion de se croire important.

Il faut donc être conscient qu’une Aliya au Shlishi ou autre montée dite « importante » ne l’est pas, elle est seulement « réservée » aux gens importants, mais ce n’est pas le fait d’obtenir cette montée qui rendra la personne importante.

Un des avantages des enchères pratiquées dans les synagogues (en parallèle de tous leurs défauts qui sont probablement tout de même plus conséquents -voir entre autres Keter Shem Tov I, p.292, note 328), c’est d’avoir plus ou moins fait disparaitre (les gamineries autour de) la hiérarchie des Aliyot, les fidèles ne considèrent plus vraiment que le ‘Hamishi soit moins important que le Revii.

En conclusion, nous avons vu qu’il y a des raisons de préférer chacune des Aliyot, ou au moins que chaque Aliya a été la préférée d’un grand Rav. Par conséquent, quelle que soit la montée, on pourra toujours avoir la satisfaction d’avoir eu la meilleure montée.

PS: J'aurais bien voulu me relire pour corriger les fautes et probablement apporter un plus dans l'agencement des idées, mais je n'en ai pas la possibilité, sorry.
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