Citation:
il me semble qu'au temps de Beit Chammay et Beit Hillel il y avait encore le Sanhédrin; dans ce cas, je n'arrive pas à comprendre qu'est-ce qui faisait que les mahloktot perduraient jusqu'à la bat kol ? Pourquoi ne pas demander au Sanhédrin de trancher à la majorité, et voila !
De même pour les mahloktot plus tardives, en tous cas jusqu'à la fin du Beit Hamikdash et de la lishkat haguazit...
Il n’y a pas vraiment de ma’hlokot plus tardives datant encore d’époque du Lishkat Hagazit ; cette Lishka et le Sanhédrin en dépendant ont été privés de leur pouvoir législateur exclusif vers l’an 29 (cf.
Sotah daf 8, Ktouvot daf 30, Sanhédrin daf 37), or, Hillel est Niftar vers l’an 9 (=20 ans avant) (cf.
Shabbat 15a).
Sachant que les nombreuses ma’hlokot sont surtout entre
Beit Shamay et
Beit Hillel
(et non simplement entre Shamay et Hillel, même s’il y en a quand même, mais très peu), il n’y a que 20 ans durant lesquels ces deux écoles auraient pu présenter leurs désaccords au grand Sanhédrin.
Ceci étant dit, posons la question pour ces 20 ans, tout comme pour les désaccords antérieurs, qu’ils soient entre Shamay et Hillel ou d’autres rabbins.
La réponse que l’on trouve, par exemple dans le
Kvod ‘Hakhamim (Landau) (Erouvin 13b) et c’est celle que m’a donnée
Rav Moshé Tsuriel-Weiss, c’est qu’en raison de la guerre menée par les romains en Israël, les ‘hakhamim avaient du mal à se regrouper et se concerter pour trancher des halakhot, mais effectivement, lorsqu’ils le pouvaient, ils en profitaient pour trancher plusieurs ma’hlokot Al Pi Rov, comme on le voit dans
Shabbat (13b).
Au-delà de cela, je pense que lorsque la discussion touchait à une halakha qui nécessitait un Psak pour savoir comment agir, si aucun des deux clans n’arrivait à convaincre l’autre, le problème était effectivement soumis au Sanhédrin (dans la mesure du possible).
Et le temps pris pour tenter de convaincre l’autre clan pouvait durer quelques années.
Dans
Erouvin (13b) on nous dit que ces deux écoles se sont opposées durant 3 ans avant que la Bat Kol n’indique la Halakha comme Beit Hillel.
[
Rav Margulies écrit dans
Yessod Hamishna Vearikhata (p.10 note 22) que cette histoire se déroulait APRES la destruction du Temple, à Yavné (et qu’il restait encore des Yeshivot au nom de Shamay et Hillel). Il n’y avait donc plus de Lishkat Hagazit.]
Mais de nombreuses Ma’hlokot qui n’avaient pas d’incidence directe sur la Halakha (ou qui étaient purement Hashkafiques) n’étaient pas présentées au Sanhédrin qui se chargeait de trancher la Halakha et non la Hashkafa. [cf.
Rambam dans
Piroush Hamishna sur Sanhédrin (X, 3), Shvouot (I, 4), Sotah (III, 3) et dans
Sefer Hamitsvot (Lavin §133). Et aussi
Mavo Hatalmoud de Rav Shmouel Hanaguid (fin, daf 47a).]
[Justement dans
Erouvin (13b), juste après, il y a une Ma’hloket de Hashkafa (נוח לו לאדם שנברא או שלא נברא) à propos de laquelle on nous dit que «
nimnou vegamrou » et qu’une décision a été prise comme l’un des clans.
La question se pose : pourquoi trancher alors que c’est un sujet Hashkafique ?
La réponse n’est pas simple,
Rav Reouven Margulies (Yessod Hamishna p.10 note 22) n’en a pas trouvé, et j’ai eu des échanges avec
Reb Dovid Kohn à ce sujet.
J’ai proposé de dire, soit qu’ils considéraient qu’il y avait effectivement une attitude «
Lemaassé » qui découlait de leur décision (נוח לו לאדם שלא נברא) car cela indique que יפשפש או ימשמש במעשיו comme le dit la Gmara (ad loc), soit dire plus simplement qu’il n’y a pas "d’interdit" de trancher une Halakha en matière de Hashkafa, c’est juste que ce n’est pas "nécessaire" dans la mesure où le Psak pourrait être repoussé, n’étant pas concerné par Lo Tassour (cf.
Igrot Haraaya §302).]
Je précise encore un point important :
Rav R. Margulies, dans
Yessod Hamishna (p.43-44) cite le
Midrash Bereshit Raba (70, 8) qui dit que le chef du Beit Din pouvait être «
Messaress » la Halakha, ce qu’il interprète comme voulant dire qu’il avait un droit de véto et pouvait annuler une décision du Sanhédrin.
Pas pour trancher la halakha contre la majorité, mais pour annuler la décision et qu’il y ait de nouveau ballotage, qu’il faille reprendre le Din du début.
Avec cela, il explique pourquoi la 1ère Ma’hloket (sur la Smikha à Yom Tov) n’a pas été tranchée par le Sanhédrin ; car à chaque génération, le Av Beit Din était en désaccord avec ce que le Sanhédrin avait voté à la majorité.
C’est ce que nous voyons dans la Mishna de
‘Haguiga (daf 16a) où l’on nous énumère le Nassi et le Av Beit Din de plusieurs générations consécutives qui étaient en désaccord sur ce point précis (la Smikha à Yom Tov), du coup, le Av Beit Din s’opposait au Psak et on remettait ça, les discussions sur ce point ont perduré et on n’a jamais tranché de manière définitive.
On pourrait imaginer qu’il y ait aussi de cela concernant les autres Ma’hlokot qui ont suivi, du moins pour certaines d’entre elles, que le Av Beit Din aurait été en désaccord avec la majorité et aurait annulé le Psak, il fallait donc reprendre les discussions, ce qui fait qu’il n’y a pas eu une Halakha tranchée tout de suite, et certaines Ma’hlokot ont pu ainsi subsister, jusqu’au démantèlement du Sanhédrin…
Ceci étant dit, il faut aussi souligner que la grande majorité des désaccords mentionnés dans le Talmud, la Mishna et la Brayta, sont postérieurs à la suppression de la Lishkat Hagazit.
Les Tanaïm qui sont en ma’hloket sont généralement ceux des générations tardives comme Rabbi Yehoshoua, R. Gamliel, R. Eliezer, R. Akiva, R. Tarfon, voire encore plus tardifs comme R. Méir, R. Shimon, R. Yehouda, R. Yossi, etc.
Hélas je ne peux me relire maintenant, j'ai pourtant l'impression que ça serait bénéfique.