Citation:
Qui est l'auteur du Colbo? il n'y a pas son nom au début du livre.
Il m’arrive souvent de ne pas pouvoir répondre à une question car je n’en connais pas la réponse, mais pour le coup, je ne peux pas répondre à votre car je connais la réponse !
Et cette réponse est que personne ne pourra vous y répondre, car depuis des siècles, personne ne sait exactement le nom de l’auteur du
Kol Bo.
Comme vous l’indiquez, la page de garde n’indique pas son nom.
Ce n’est pas le seul livre qui ne porte pas le nom de son auteur, mais parfois, des indices nous permettent de retrouver l’auteur ou au moins d’avoir une présomption assez sérieuse sur son identité.
C’est le cas notamment pour le
Sefer Ha’hinoukh, on ne sait pas avec certitude qui l’a écrit, mais nos soupçons se portent volontiers sur
Rabbi Aharon halévy de Barcelone, alias « le
Raa ».
Plusieurs indices nous mènent à cette conclusion et elle est majoritairement admise.
Mais pour ce qui est du
Kol Bo, c’est un grand mystère.
Le
Koré Hadorot (=Rabbi David Conforte) (XVIIème siècle) écrit
(Daf 25b, ou dans la nouvelle édition, Ahavat Shalom 2008, p.93) qu’il pense que le
Kol Bo était contemporain des enfants du
Rosh (=XIVème siècle)
[car il cite le Rosh mais jamais le Tour] qui -par modestie, n’aurait pas laissé son nom dans l’ouvrage
[il me semble que c’est aussi le cas de ce
Rabbi David Conforte, il n’a pas indiqué son nom dans son
Koré Hadorot et la première édition imprimée en 1746 était anonyme.
Rabbi David Conforte avait donc été
conforté dans cette attitude par cet exemple
:) ]
Puis il fait part d’une rumeur selon laquelle l’auteur serait en fait une femme, ce qui lui paraît fort peu probable car «
la sagesse de ce livre ne sied pas à une femme, mais à un grand sage ».
Cette réflexion paraissant purement misogyne doit être rattachée à son contexte historique : à cette époque, la quasi-totalité des femmes étaient illettrées, voire analphabètes.
Une rumeur similaire circule aussi au sujet de l’auteur mystérieux du célèbre livre de Moussar «
Or’hot Tsadikim ».
D’aucuns laissent entendre qu’il serait dû à la plume d’une femme, ce qui « justifierait » ou « expliquerait » son anonymat
(considération à remettre elle aussi dans son contexte. George Sand devrait suffire à prouver cette réalité), mais j’y trouve des incohérences et cette éventualité m’apparaît donc peu plausible, bien qu’il y ait réellement eu des livres de Moussar rédigés par des femmes, notamment le « célèbre » livre «
Minéket Rivka », écrit (en Yiddish) par
Rivka Bat Méir Tiktiner, vers la fin du XVIème siècle
(et dans lequel elle cite d’ailleurs le Or’hot Tsadikim).
Cette « rabbanit » qui a beaucoup lu avant d’écrire elle-même
(elle cite différents passages de Pirkei Avot, du Midrash, du Sefer ‘Hassidim, du Réshit ‘Hokhma, du Or’hot Tsadikim…) avait la tête bien sur les épaules, les idées claires et une pensée « musclée ».
Elle n’hésite pas à s’opposer aux superstitions en vogue à son époque et a rédigé ce sefer Moussar à l’intention des femmes !
[on pourrait aussi parler de
Sarah BasToyvim, de
Glückel Hameln, etc.]
J’en reviens au
Kol Bo, pour souligner que la totalité de ce livre semble être une copie (résumée) plus ou moins conforme du
Or’hot ‘Haim de
Rabbi Aharon hacohen de Lunel (voir Kessef Mishné au début de Hilkhot Shofar).
Les A’haronim
(enfin ceux qui s’en sont rendu compte) se demandent lequel des deux a plagié l’autre.
J’ai l’intuition que c’est le
Kol Bo et qu’il n’avait aucunement l’intention de plagier qui que ce soit, il s’agit simplement d’un individu qui a repris grosso modo toutes les halakhot qu’on peut retrouver dans le
Or’hot ‘Haim et les a résumées -et c’est précisément pour cela qu’il n’a pas laissé son nom, car il n’avait pas la prétention d’en être l’auteur.
[On pourrait alors lui reprocher de ne pas avoir mentionné dans son livre qui en est le véritable auteur et de plus, d’en avoir changé le titre, mais un effort d’imagination viendra à bout de ces « obstacles ».]
Il est une opinion attribuant le
Kol Bo à
Rabbi Shmarya Bar Sim’ha, ou encore que l’auteur soit justement
R. Aharon de Lunel qui aurait rédigé le
Kol Bo, puis aurait ultérieurement composé une édition revue et augmentée qu’il aurait nommée
Or’hot ‘Haim.
Mais le
‘Hida (Shem Hagdolim, II, daf 35c) écrit qu’on n’en connait pas l’auteur et qu’il copie le
Or’hot ‘Haim (=et non l’inverse) [voir encore à ce sujet ce que le
‘Hida écrit dans son
Ma’hzik Brakha (O’’H §639, 1) et dans son
Birkei Yossef (O’’H §220, 1) et dans son
Shout ‘Haim Shaal (I, §70)].
Il cite aussi le
Shalshelet Hakabala qui écrit que l’auteur du
Kol Bo est le
Rivash, mais c’est absurde et le
‘Hida rappelle ce qu’il a déjà écrit, qu’on ne peut accorder aucune confiance à ce qu’écrit le
Shalshelet Hakabala (voir aussi
Haga Mena’hem Tsion ad loc. §10).
Voir encore le
‘Hida dans
Shout Yossef Omets (§50).