La Mishna met en parallèle les 10 générations qui ont précédé Noa'h avec celles qui ont précédé Avraham.
Tous fautaient, mais Hakadosh Baroukh Hou est longanime et a attendu 10 générations avant de les punir par le déluge (auquel Noa'h a échappé car il ne méritait pas d'être puni).
Puis, de nouveau nous avons eu 10 générations de pécheurs, durant lesquelles D.ieu a de nouveau montré sa patience. Mais nous constatons qu'au bout de 10 générations il n'y a pas eu une destruction massive [pas par l'eau car Il s'était engagé à ne plus détruire le monde par l'eau, mais il y aurait pu avoir d'autres catastrophes]. Il n'y a eu de destruction et de punition que sur les 4 villes connues, dont les péchés étaient trop graves pour que le mérite d'Avraham les sauve (comme relaté dans les versets).
En revanche, pour ce qui est des autres villes/pays, le mérite d'Avraham a contribué à les sauver, car ses bonnes actions étaient si éclatantes et magnifiques, que D.ieu s'en "contentait" (façon de parler, bien évidemment).
Cette Mishna suit l'opinion de celui qui interprète négativement le premier verset de Parshat Noa'h, où l'on dit que Noa'h était un juste dans sa génération.
Sur place, Rashi cite qu'il y a un désaccord entre nos maîtres: faut-il comprendre qu'il n'est considéré Tsadik QUE par rapport à sa génération de fauteurs (mais que comparé à Avraham il n'était rien d'extraordinaire) [=lecture A], ou bien, au contraire, que Noa'h a été Tsadik malgré sa génération qui ne l'y poussait pas (et s'il avait vécu à l'époque d'Avraham -ou une autre génération moins perverse que la sienne- il n'aurait été que plus Tsadik encore) [=lecture B].
Nous constatons que la Mishna de Avot dont nous parlons pense comme le premier avis: Noa'h n'était Tsadik que pour sa génération.
Il se trouve que cette Ma'hloket apparaît dans la Gmara Sanhedrin (108a), or, les deux protagonistes sont Rabbi Yo'hanan (lecture A) et Reish Lakish (lecture B).
Il y a donc lieu de s'étonner, car nous avons ici une preuve à partir d'une Mishna contre Reish Lakish (qui n'était qu'un Amora)!
Mais en réalité, avant le désaccord entre R. Yo'hanan et Reish Lakish, cette discussion avait déjà eu lieu entre des Tanaïm, comme on le voit dans le Midrash Tan'houma (Noa'h §5) où les deux opinions sont attribuées à Rabbi Yehouda et Rabbi Ne'hémia, sans préciser qui pensait quoi.
Mais le Shem Olam (p.130) indique qu'on voit de Bereshit Raba (§30) que R. Yehouda opte pour la lecture A et R. Ne'hémia pour la B.
Il en résulte donc que notre Mishna de Avot suit l'avis de Rabbi Yehouda (et R. Yo'hanan) et ne constitue pas une objection à l'encontre de Reish Lakish qui aura sur qui s'appuyer (sur R. Ne'hémia ).
Il reste légèrement étrange que la discussion soit attribuée à des Amoraïm dans Sanhedrin (108a), alors que des Tanaïm discutent déjà de ce sujet.
