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Biblical Studies VS Yeshiva

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Si vales valeo
Messages: 10
Bonjour Rav Wattenberg,

Ne faudrait-il pas préférer/encourager la poursuite d'études bibliques dans une université (comme Bar Ilan par exemple), aux années de Yeshiva qui limitent le programme d'étude à quelques Dapim par an ?

J'aimerais s'il vous plaît avoir votre avis sur ces fameuses "biblical studies" proposées par les universités (master de Talmud et autres) versus la Yeshiva qui ne semble pas proposer un cadre d'étude suffisamment efficace pour produire des Talmidei Hakhamim.

Merci d'avance.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Lorsque ces cursus produiront des Talmidei 'Hakhamim on pourra se poser la question.

Dit autrement: le Talmid 'Hakham n'est pas celui qui peut lire/citer/expliquer des textes saints, il faut aussi qu'il les intègre, les comprenne profondément et les vive.

Un élève d'université en études bibliques saura certainement plus de choses qu'un ba'hour yeshiva en Bible, puisqu'on n'étudie généralement pas la Bible en yeshiva, posons donc la question sur un élève en études talmudiques (Talmudical studies -car ça existe aussi).

Il arrivera parfois que les meilleurs élèves d'université puissent réciter et résumer les Gmarot mieux qu'un ba'hour yeshiva, mais cela ne suffit pas encore. (et généralement, pour la profondeur de compréhension des universitaires, il faudra repasser. Ils sont plutôt formés à la compréhension superficielle qui permet -au mieux- de résumer les Gmarot. C'est bien, mais insuffisant.)

C'est très bien de connaître les Gmarot, mais ça ne rend pas Talmid 'Hakham, pour cela il faut aussi une approche, une perception, qui ne se transmet que d'une personne l'ayant elle-même reçue par son maître plus tôt.

Il n'est pas impossible qu'un enseignant Talmid 'Hakham enseigne la Gmara dans une université et il est vrai que si l'un des élèves a de bonnes dispositions et s'attelle à la tâche il pourra absorber la hashkafa de son maître, mais c'est très rare (que le maître soit réellement Talmid 'Hakham et que l'élève soit vraiment un Talmid Hagoun, car souvent, le Talmid Hagoun se dirige plutôt vers une yeshiva)

Et comme pour absorber la hashkafa en question il est indispensable de travailler en parallèle sa yirat Shamayim, cela complique encore plus les choses à l'université et donne encore un avantage à la yeshiva où l'accent est généralement mis sur la yirat Shamayim (du moins, plus qu'à l'université où l'on considère que chacun est libre de ses aspirations spirituelles, l'université n'est là que pour transmettre un savoir, des connaissances, pas une hashkafa ou une tendance religieuse. Si un élève fait preuve flagrante de manque de Yirat Shamayim -et génère par sa conduite une ambiance non propice à cette Yirat Shamayim, tant qu'il se comporte bien civilement, il ne sera ni renvoyé de l'université, ni réprimandé. Ce qui n'est pas le cas dans une yeshiva).

Bref, les atouts de la yeshiva sur l'université sont:

1) valorisation et recherche de perfectionnement en Yirat Shamayim

2) enseignants eux-mêmes pétris de Yirat Shamayim et ayant absorbé (on l'espère) les hashkafot nécessaires au Talmid 'Hakham pour pouvoir les transmettre à leur tour par leur conduite et leur discours.

3) regroupement d'élèves motivés par l'élévation spirituelle (et pas seulement par la "connaissance" des textes)

4) écartement des élèves qui nuisent à l'ambiance propice à la Yirat Shamayim

Si, d'un autre côté, le Derekh Halimoud des yeshivot s'égare, il faut savoir y remédier, mais ce n'est certainement pas à l'université qu'on trouvera la solution. (Et le jour où une université adoptera les 4 points cités plus haut, avec la même intensité qu'une yeshiva, ça sera ...une yeshiva!)

Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, à l'époque où j'étais enseignant de yeshiva, j'ai tenté d'apporter ma contribution au redressement de ce tort. Baroukh Hashem, ça a très bien marché.

Pour pouvoir apporter une vraie contribution, durable et profonde, qui impacterait réellement le judaïsme -par la création de Talmidei 'Hakhamim aux vastes connaissances, il faudrait créer une yeshiva selon un plan bien précis (que j'avais commencé à élaborer à l'époque), mais cela nécessite de grands moyens financiers. Et comme il est déjà rare de trouver une personne qui souhaite sponsoriser une yeshiva, à plus forte raison sera-t-il rare d'en trouver une pour ce type de yeshiva qui sort un peu de l'ordinaire.

[Oui, je sais, il y a parmi les lecteurs -actuellement, des gens qui se disent: "Moi je voudrais bien si j'en avais les moyens, c'est sûr, c'est ça que je ferai en premier si je gagne au Loto...", mais que ces personnes veuillent bien faire un effort de réflexion avec honnêteté intellectuelle et admettre que ce genre de discours n'est tenu précisément QUE par ceux qui n'en ont pas les moyens financiers.
Cela pousse à croire que dès qu'on dispose des moyens nécessaires, on ne trouve plus ce projet tellement capital/intéressant...


Il en va de même pour tous les grands projets importants en Torah qui ne procurent pas une grande source de fierté/publicité (à la différence de la sponsorisation d'un immeuble de yeshiva par exemple), comme soutenir des Avrekhim par association Issakhar-Zvouloun: "si je gagnais le double de ce que je gagne, bien sûr que je ferais Issakhar-Zvouloun et donnerais 50% de mes gains à un Avrekh Talmid 'Hakham, mais actuellement, je ne gagne pas assez, hélas...".]

Pas qu'il soit impossible de trouver un sponsor pour ce grand projet, mais disons que ce n'est pas courant.
Et s'il faut quémander et faire du porte-à-porte pour récolter chez de multiples donateurs les fonds nécessaires, là ce n'est pas courant qu'un Rosh Yeshiva apte à CE projet souhaite prendre cette charge (qui -de surcroît- sera plus lourde que celle d'une Yeshiva habituelle).

En attendant, chacun doit savoir se diriger vers une yeshiva où il arrivera à maintenir -à titre individuel- un Derekh limoud pas trop catastrophique, de nombreuses yeshivot le permettent et si dans le cadre de la yeshiva cela s'avère être difficile à mettre en place, ça reste assurément possible au Kollel.

Les futurs Talmidei 'Hakhamim seront donc plus probablement des anciens élèves de yeshivot que d'universités.

Concrètement, à l'heure actuelle, il y a déjà eu des érudits formés par des universités, mais de véritables Talmidei 'Hakhamim, je n'en connais pas. Vous en connaissez, vous?
jchriqui
Messages: 13
Bonjour Rav,

Cette question du format actuel de l'enseignement du Talmud me travaille beaucoup et revient souvent sur la table à de nombreuses occasions.

Pourriez-vous détailler en quelques points la méthode que vous aimeriez mettre en place ? Quelles sont les améliorations impératives à apporter au système ? Pourquoi ce projet demande plus de moyens qu'une Yeshiva classique ?
Peut-on imaginer innover au point de vue financier, en s'inspirant peut-être du monde de l'entreprise, en faisant produire les étudiants ou les enseignants du contenu payant, en imaginant former les bahourims à une activité professionnelle permettant d'être freelance lorsqu'ils deviendront avrekhims ?
M4610
Messages: 59
Chalom ouvrakha Rav

Que pensez-vous des rabbanim qui sont à la fois rav et aussi actifs dans l'enseignement universitaire ou ayant fait des études hébraïques à l'université ?
La méthodologie à laquelle ils ont été habitués pose-t-elle problème étant pétris de culture occidentale ?

Quelqu'un qui aspire à devenir talmid 'hakham doit-il privilégier d'opter pour des rabbanim strictement formés dans les yeshivot et kollelim ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
A Jchriqui :

Citation:
Cette question du format actuel de l'enseignement du Talmud me travaille beaucoup et revient souvent sur la table à de nombreuses occasions.

Pourriez-vous détailler en quelques points la méthode que vous aimeriez mettre en place ? Quelles sont les améliorations impératives à apporter au système ? Pourquoi ce projet demande plus de moyens qu'une Yeshiva classique ?
Peut-on imaginer innover au point de vue financier, en s'inspirant peut-être du monde de l'entreprise, en faisant produire les étudiants ou les enseignants du contenu payants, en imaginant former les bahourims à une activité professionnelle permettant d'être freelance lorsqu'ils deviendront avrekhims ?

La réponse est trop longue. Je réponds donc très brièvement.

Citation:
Pourriez-vous détailler en quelques points la méthode que vous aimeriez mettre en place ?

Disons que le but serait qu’un Ba’hour Yeshiva sorte de la yeshiva avec plusieurs massekhtot en main, une compréhension saine, et une connaissance plus élargie des Yessodot en Hashkafa et en Halakha.

Mais bon, ça, tout le monde peut le dire, ça reste vague.
Entrer ici dans les détails serait trop laborieux.

Citation:
Quelles sont les améliorations impératives à apporter au système ?

De nos jours, un élève de yeshiva, sous prétexte d’étude approfondie (Iyoun), n’apprend que quelques 10 dapim par année (au mieux).
Le reste se fait en « bekiout » qui n’est pas toujours aussi sérieuse.
Tout observateur honnête reconnait qu’il y a souvent du temps perdu dans l’excès de Iyoun, qui aurait pu se faire bien plus rapidement. (et qu'il y a souvent un manque de clarté dans l'étude en Bekiout...)

Mais encore une fois, c’est compliqué de parler de ça sur un site, une grande partie des lecteurs va mal comprendre, ça ne sert à rien.

Il faut bien connaitre le monde des yeshivot et les différentes méthodes, pour pouvoir se situer et discuter en indiquant des repères partagés, sinon on arrive à un dialogue de sourds, chacun comprenant les arguments de l’autre selon son propre prisme et ça dévoie la discussion.

Et puis il faut aussi que les élèves aient de meilleures connaissances des Klalei Hashas, et autres Miktsoot périphériques indispensables.

Citation:
Pourquoi ce projet demande plus de moyens qu'une yeshiva classique ?

Parce qu’il faut investir sur des rabanim plus percutants.
Il y a certes parfois de grands Gueonim qui sont Maguidei Shiourim dans des Yeshivot, seulement souvent, ils ne savent pas enseigner, ou ne se soucient pas convenablement des progrès des étudiants, ils présentent leurs ‘hidoushim même s’ils ne sont pas adaptés aux élèves.

Et avoir de bons rabanim revient cher pour deux raisons : d’abord parce qu’ils sont rares. Et ensuite parce que si l’enseignant de qualité doit en parallèle trouver d’autres sources de revenu pour assurer sa parnassa (car il ne faut pas l’ignorer, dans le budget actuel d’une yeshiva, les sommes réservées aux enseignants sont insuffisantes et, de plus, la paie arrive rarement à l’heure), il sera beaucoup moins productif au niveau de ses élèves.

Citation:
Peut-on imaginer innover au point de vue financier (en s'inspirant peut-être du monde de l'entreprise, en faisant produire les étudiants ou les enseignants du contenu payant, en imaginant former les bahourims à une activité professionnelle permettant d'être freelance lorsqu'ils deviendront avrekhims ?

Si les Ba’hourim doivent mettre leur esprit ailleurs que dans le limoud, ça plombe 99% des chances de réussite.
Un Ba’hour Yeshiva doit s’occuper de son limoud et c’est tout, de rien d’autre.

S’il apprend un métier en parallèle ça paralyse la possibilité de « ne faire qu’un avec sa Gmara ».

Si on peut s’en passer, c’est mieux, afin de favoriser une immersion totale tant qu’il est ba’hour.
Une fois marié c’est différent, de toute manière il n’est plus en immersion totale, donc apprendre un métier en parallèle, quoique pouvant aussi constituer un frein à son Limoud, est déjà envisageable.

Lorsqu’il est indispensable qu’il apprenne un métier AVANT de se marier, il sera souhaitable de laisser cet apprentissage pour la dernière période de yeshiva, voire pendant la période de fiançailles, mais si on enseigne un métier aux élèves dès le début de leur carrière en yeshiva, on risque d’éliminer les chances d’immersion totale pour la majeure partie d’entre eux.

L’idéal serait donc de ne commencer la formation qu’après le mariage, c-à-d en étant déjà au kollel.
Quant à celui qui veut une formation plus solide et ne peut pas se contenter d’un apprentissage « en fin de parcours yeshivique », s’il veut débuter plus jeune, c’est son droit, mais pas dans le cadre de la yeshiva.
Il pourra étudier au Beit Hamidrash, mais ce n’est pas à la yeshva d’organiser ça Lekhate’hila pour tous.

A la Yeshivat Reb ‘Haim Berlin de feu Rav Aharon Schechter (niftar le 7 Eloul dernier à 95 ans) à Flatbush, une partie non-négligeable des élèves (30% au début des années 90 du moins) fait des études, 3 soirs par semaines, au Touro college de Flatbush, juste à côté de la yeshiva. C’est organisé pour eux, sans mixité, dans un environnement frum et focalisé sur l’heure du Seder shlishi.

Bien entendu, les meilleurs éléments en Limoud ne faisaient pas partie de ce contingent.
C’est très bien pour ceux qui y vont, sans cela ils n’iraient pas en Yeshiva, mais il est peu probable de « percer » en Limoud sans s’y plonger totalement.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
A M4610 :

Citation:
Que pensez-vous des rabbanim qui sont à la fois rav et aussi actifs dans l'enseignement universitaire ou ayant fait des études hébraïques à l'université ?
La méthodologie à laquelle ils ont été habitués pose-t-elle problème étant pétris de culture occidentale ?
Quelqu'un qui aspire à devenir talmid 'hakham doit-il privilégier d'opter pour des rabbanim strictement formés dans les yeshivot et kollelim ?

C’est une question délicate, chacun a des atouts et je n’aimerais pas me placer dans une posture de rejet (concernant un Rav).
Néanmoins, il est vrai qu’un Rav qui est passé par un cursus universitaire va très rarement devenir Talmid ‘Hakham et même s’il le devient, il aura grand mal à se défaire de son approche universitaire pour adhérer à l’approche des Lamdanim.

Le fait qu’un Rav soit «actif dans l'enseignement universitaire» n’est pas, en soi, comparable à un Rav ayant été formé à l’université.
Si le premier a été formé par la Yeshiva, il saura adhérer à la voie traditionnelle, même s’il devient enseignant d’université.
Un exemple extrême serait Reb Shaoul Liberman ; il a été formé par les Yeshivot et il est devenu professeur de Talmud au JTS.
Son cerveau réfléchissait en Ba’hour Yeshiva, bien qu’il ait (ultérieurement) dirigé ses études dans un esprit universitaire.

À l’inverse, imaginons un autre qui aurait d’abord suivi un cursus universitaire et serait ensuite allé à la yeshiva, y aurait excellé et serait devenu Rav ou Rosh Yeshiva ou Rosh Kollel ou etc. Fréquemment (pour ne pas dire quasiment toujours), son « cerveau » restera marqué, il aura une approche de réflexion empreinte de son passage universitaire.

En fait, les premières études (poussées) marquent (et formattent) l’esprit.

Un Rav qui a étudié à l’université, puis serait allé en Yeshiva, même s’il peut être aujourd’hui un très bon Rav et étudier beaucoup de Torah et faire plein de Kirouv et de bonnes actions, restera d’une certaine manière extérieur au monde des yeshivot -le vrai.


Citation:
La méthodologie à laquelle ils ont été habitués pose-t-elle problème etant pétris de culture occidentale ?

Ce n’est pas tant le fait qu’il soient pétris de culture occidentale qui pose problème, mais qu’il se soient investis dans cette culture, et avant même de s’investir dans le Talmud des Yeshivot.

Il n’est pas impossible qu’il y ait des Rabanim ayant de vastes connaissances de « culture occidentale » tout en étant de grands Gueonim avec une approche parfaitement Yeshivique, c’est simplement parce qu’ils ont commencé par la yeshiva et qu’ils ne se sont pas « investis » dans la « culture occidentale » (mais en ont appris quelques notions Agav), comme le Gaon de Vilna, Rabénou Menashé Me-ilia, Rav Matityahou Shtrashun, et d’autres.

Citation:
Quelqu'un qui aspire à devenir talmid 'hakham doit-il privilégier d'opter pour des rabbanim strictement formés dans les yeshivot et kollelim ?

Assurément.
Un Rav ayant commencé par « les études ‘Hol » reste généralement toujours marqué ou plafonné dans son accès et son approche au Limoud.
Il est préférable -à situations comparables- d’opter pour le Rav formé par la voie traditionnelle.

Je parle de « situations comparables » car si le rav au passé universitaire est bon enseignant alors que le Rav Yeshivique ne sait pas enseigner (parfois le Rav Yeshivique est très brouillon quand il parle alors que le rav universitaire est très clair et se fait comprendre convenablement…), il faut aussi en tenir compte, mais le Rav universitaire demeure un Rav universitaire, il transmet clairement son enseignement mais ce dernier demeure universitaire/imprégné de culture occidentale.

Après, si on n’a à disposition qu’un Rav ayant un passé universitaire, c’est toujours mieux que rien, il ne faut pas totalement disqualifier ces rabanim, mais il faut quand même savoir que leur limoud et enseignement est teinté et impacté par leur formation.
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