Citation:
Pourquoi les ammoraim du talmud donnent a D. le surnom de "Rahmana" lorsqu'il est question des dinim?
D'autant plus que dans les agadot ils emploient généralement le nom HKBH, comme c'est le cas dans les midrachim et le Zohar?
On dit bien que שאלת חכם חצי תשובה , et en indiquant cette distinction
(que le terme Ra’hamana serait utilisé lorsqu’il est question de Dinim/Halakhot) vous me donniez déjà (en théorie) une piste de réponse.
Mais hélas, je ne souscris pas à votre règle.
Je me souviens de plusieurs passages talmudiques où D.ieu est appelé Ra’hamana bien qu’il ne s’agisse point de Halakha.
Surtout dans Massekhet Brakhot mais aussi ailleurs.
En voici des exemples :
Sanhedrin 105b : כל כי האי ריתחא לירתח רחמנא עלן ולפרוקינן
Brakhot 40b : בריך רחמנא מריה דהאי פיתא
Brakhot 48a : למי מברכין אמרי ליה לרחמנא ורחמנא היכא יתיב
Brakhot 53b : כל היכא דמברכת לרחמנא מברכת
Brakhot 54b : אמרי ליה בריך רחמנא דיהבך ניהלן ולא יהבך לעפרא
Brakhot 55b : טבא הוא וטבא ליהוי רחמנא לשוייה לטב
Brakhot 58a : עביד רחמנא ניסא לשקרי
Et : בריך רחמנא דיהיב מלכותא בארעא כעין מלכותא דרקיעא
Brakhot 60b : כל דעביד רחמנא לטב עביד
Yevamot 63a : רחמנא ליצלך ממידי דקשה ממותא
Taanit 8b : דכי יהיב רחמנא שובעא לחיי הוא דיהיב
Taanit 9b : רחמנא ליצלן מכיסופא דשימי
Taanit 24a : רחמנא לישבעך כי היכי דאשבען ברך
Guitin 17a : אמר רחמנא או בטולך או בטולא דבר עשו
Baba Kama 65b : א"ל רחמנא ניצלן מהאי דעתא א"ל אדרבה רחמנא ניצלן מדעתא דידך
Shabbat 88a : בריך רחמנא דיהב אוריאן תליתאי לעם תליתאי
Kidoushin 81b : רחמנא נגער ביה בשטן
Ktouvot 111b : דאמר רחמנא מייתינא עלייהו מלכא דקליל כי טביא
Psa’him 39a : מאי חסא דחס רחמנא עילוון
Il y en a encore certainement beaucoup, mais cette quinzaine d’exemples devrait suffire à prouver qu’il y a des passages à tendance plutôt Agadique où le vocable choisi pour parler de D. est Ra’hamana.
Mais alors, qu’est-ce qui pourrait déterminer le choix des rabbins entre ces appellations de D.ieu ?
Nous connaissons aussi la fameuse expression
רחמנא ליבא בעי , mais dans le Talmud
(Sanhedrin 106b) nous ne trouvons que
הקב"ה ליבא בעי , c’est
Rashi qui écrit
רחמנא au lieu de
הקב"ה.
Idem dans la
Hakdama du ‘Hovot Halevavot, dans le
Sefer ‘Hassidim (§590) et dans le
Zohar (cf. 3 endroits dans le Zohar cités dans le Mikhlol Hamaamarim III, p.1715).
Ce qui laisse supposer qu’ils avaient cette expression dans la Gmara Sanhedrin.
Par conséquent, il serait hasardeux de s’avancer sur une explication systématique, puisque nous constatons que ces termes sont parfois interchangeables d’une version à l’autre des manuscrits du Shas.
Comment, dès lors, être sûr de la véracité et de la précision de nos versions à chacun de ces endroits ?
Nous serions par conséquent tentés de dire que, fondamentalement, il n’y a pas de différence, mais que cela dépend simplement de la langue utilisée, car en araméen on disait plutôt Ra’hamana, et pas en hébreu.
Voir à ce propos la
Gmara Shabbat (12b) : זימנין אמר המקום יפקדך לשלום וזימנין אמר רחמנא ידכרינך לשלם
Il faut aussi souligner que certains auteurs ont compris le terme Ra’hamana comme voulant dire « la Torah » (et non D.ieu).
Cf.
Sfat Emet (Rosh Hashana 5664, sv. Ikar) qui écrit : לכן נקרא התורה רחמנא בגמ', שכל הרחמים בא בכח התורה
Mais en principe la juste traduction indique plutôt D.ieu
[Ra’hamana signifie le miséricordieux, comme Hara’haman en hébreu. Certains disent qu’il faut lire Ra’himna et que ça voudrait dire « celui qui nous aime », mais d’une part on l’aurait écrit avec un Youd et d’autre part Ra’himna signifie plutôt « [que] j’aime », on pourrait imaginer la forme « Ra’himnan » pour dire celui qui nous aime].
Et certains textes seront obscurs si l’on s’en tient à la lecture du
Sfat Emet.
Par exemple
[Rashi n’aurait pas pu accepter la Guirsa] Ra’hamana Liba Baei.
Plus encore, comment tolérer
בריך רחמנא מריה דהאי פיתא (qui friserait l’Apikorsout) ?
Idem pour
למי מברכין אמרי ליה לרחמנא et
כל היכא דמברכת לרחמנא מברכת.
Que dire encore de
כל דעביד רחמנא ? et bien d’autres encore.
Quant à ce que vous écrivez que le
Zohar utilise le terme הקב"ה , je crois que vous pensiez surtout à l'expression קודשא בריך הוא, mais nous trouvons des dizaines de fois l’appellation רחמנא dans le
Zohar.
Par exemple :
Zohar tome 1 : 51a, 92b, 94b, 150b, 154a, 171a, 223b, 239b, 244a, 250b. (vous remarquerez que c’est une formulation souvent utilisée par
R. Aba)
Idem dans les deux autres tomes du
Zohar…
Idem pour les
Midrashim qui en regorgent.