Citation:
Dans certaines guémarot, on voit que lorsqu'on parle d'un certain sujet, surgit soudain un Rav pour donner son avis, Rav qui porte un nom très proche du sujet. Par ailleurs souvent ce Rav n'est pas un Rav qui revient fréquemment dans le chass (mes modestes connaissances ne me permettent pas de savoir s'il revient meme une fois...)
Exemples :
Dans berakhot 7B au sujet de Avshalom, surgit Rabbi Chimon ben Avichalom
Dans Baba Metsia 25A , à propos du migdal, surgit Rabbi Itshak Migdelaa
J'en ai déjà vu d'autres mais je ne m'en souviens plus...
Je me demandais en fait est-ce que les compilateurs de la guémara ont choisi délibérement de ramener l'avis d'un Rav qui avait une proximité dans son nom avec le sujet, si oui pour quelle raison ?
Ou peut-etre que c'est le Rav qui a pris le nom de son enseignement principal a posteriori (ca marche moins pour le migdal puisqu'il semble que cela veuille dire qu'il venait de la ville de migdal)
Ou est-ce une hashgaha pratit et on doit se dire "yagdil tora véyadir".
Je suis très interéssé par les choix de syntaxe, enchainement de sujets, etc dans la guémara, les coulisses en quelque sorte, donc si vous connaissez un ou des livres en hébreu, francais ou anglais qui aborde se sujet j'en serais ravi.
Excellente remarque.
Ceux qui ont suivi mes Shiourim de Gmara savent que j’ai « baptisé » ce phénomène «
Shmo Keshmouato » et qu’il revient plus de CENT fois dans le Shas et les Midrashim, il n’est donc pas envisageable de l’attribuer au hasard.
Citation:
Ou peut-etre que c'est le Rav qui a pris le nom de son enseignement principal a posteriori (ca marche moins pour le migdal puisqu'il semble que cela veuille dire qu'il venait de la ville de migdal)
C’est pourtant ce qu’explique le
Maharats ‘Hayes sur place
(Baba Metsia 25a), ce R. Its’hak étant connu pour une seule Halakha dans le Talmud (cette halakha parlant de la position de Migdal des pièces de monnaie trouvées), il aurait été surnommé par les Sages « R. Its’hak de l’histoire du Migdal ».
Il l’écrit aussi dans son
Mevo Hatalmoud (§17).
Le souci c’est que ce n’est pas sa seule Halakha, nous retrouvons aussi ce R. Its’hak Migdalaa dans
Nida (27b) (et aussi
33a) ainsi que dans
Yoma (81b) pour d’autres Halakhot…
[Néanmoins on pourrait imaginer qu’il ait été particulièrement connu pour cette halakha, mais à ce moment on ne comprend plus pourquoi il faudrait que ce traitement soit réservé uniquement à ceux qui auraient peu parlé dans le Talmud ?
Si un autre qui se retrouve fréquemment était connu pour une de ses halakhot, il aurait lui aussi pu être surnommé selon la halakha qui l’a fait connaitre.
Dans un cours, j’avais pensé expliquer que l’on surnommait plus facilement un Rav en fonction d’une explication qu’il avait donnée et qui permettait de comprendre une Halakha hermétique.]
Le
Maharats ‘Hayes ajoute dans son
Mevo Hatalmoud (§17, Kol Sifrei Maharats ‘Hayes tome 1 p.318) que personne avant lui ne s’était rendu compte de ce phénomène du nom ressemblant à la halakha qu’il énonce.
(il peut parapitre étrange de se "vanter" ainsi, mais il n'est pas le seul à le faire, chacun sur un sujet.)
Je ne suis pas persuadé du tout qu'il fut le premier à s'en rendre compte.
Vous êtes certes venu après lui, mais je pense que comme vous
(et moi aussi, avant de le lire -la première fois que j’ai tilté sur cela c’était dans Baba Batra 67b avec R. Aba Bar Mamal qui vient expliquer ce qu’est la partie qui s’appelle Mamal dans un pressoir à huile) d’autres se sont rendus compte que cela ne devait pas être un hasard, seulement personne ne l’aurait mis par écrit.
De plus, j’ai trouvé certains qui l’ont devancé et mis par écrit, comme
R. Eliezer Zweifel dans son
Saneigor (p.73) mais il est difficile de dire s’il a réellement devancé
R. ‘Hayes car ce Sefer a été imprimé en 1885, alors que le
Talmud Rom (Baba Metsia) avec les
annotations de R. ‘Hayes date de 1883. Il se peut que
R. Zweifel ait lu cette note du
Maharats sur
Baba Metsia (25a).
Par contre, le
‘Havot Yaïr (Niftar en 1702, soit plus d’un siècle avant la naissance du
Maharats né en 1805) a assurément devancé le
Maharats ‘Hayes, dans son
Yaïr Netiv (manuscrit, daf 57).
Le
Maharats n’a certes pas pu voir le manuscrit qui n’était pas imprimé
(et ne l’est toujours pas, mais j’en ai une copie), cependant, une partie a été imprimée, et elle comporte ce point, et ça a été imprimé bien avant les
annotations du Maharats ‘Hayes au Talmud, dans
Beit Hamidrash de l’année 1865 à Vienne. Ce texte a donc vraisemblablement échappé au
Maharats ‘Hayes.
Plus encore, j’ai trouvé que
R. Yaakov Reifmann avait lui aussi devancé le
Maharats ‘Hayes sur ce point et semblait avoir beaucoup à écrire sur le sujet.
Il le mentionne dans son
Pesher Davar (I, p.21), imprimé à Varsovie en 1845
(donc 38 ans avant la note du Maharats ‘Hayes) en ne parlant que de R. Aba bar Mamal, mais en précisant qu’il avait beaucoup à dire sur ce phénomène et qu’il gardait ça pour une autre fois.
Cette autre fois ne semble pas être arrivée, ses notes se sont peut-être perdues, dommage.
Bref, contrairement à ce que croyait le
Maharats ‘Hayes, il n’a pas été le premier à remarquer ce point, mais il a peut-être été le premier à le présenter comme un phénomène et à en donner l’explication qui est la sienne
(et qui s’avère ne pas correspondre dans plusieurs cas).
D’autres explications ont été avancées mais aucune n’est pleinement satisfaisante.
J’ai lu une explication de
Rav Kafi’h (celui qui est maladroitement appelé Rav Kapa’h, connu pour sa traduction du Moré Nevoukhim), il écrit que les auteurs du Talmud avaient parfois la possibilité de citer plusieurs Rabanim qui tous avaient dit la même Halakha, et ils auraient choisi celui dont le nom ressemblait à la Halakha, afin de faciliter aux élèves la mémorisation du rabbin auteur de la halakha puisqu’il fallait tout retenir à l’oral (à cette époque) et citer chaque chose « Beshem Omro ».
J’en avais parlé avec
Rav Rozenberg en 2005, et lui avais livré cette explication de
R. Kafi'h, il l'avait considérée comme nulle et non avenue.
Mais il n’avait pas d’autre explication
(qui tienne la route) à proposer.
Peu après, j’en avais aussi parlé avec
Rav Nathan Schulman (ancien Rosh Yeshiva de Slabodka) à Strasbourg, qui n’avait pas, lui non plus, d’explication au phénomène.
Je pense qu’il ne doit pas y avoir UNE seule explication, mais plusieurs qui toutes ensemble expliquent ces nombreuses occurrences.
Parfois ce doit être pour la raison du
Maharats ‘Hayes, c-à-d que le Rav était connu pour telle Halakha et donc surnommé en fonction.
Pour R. Aba Bar Mamal où cette explication ne tient pas étant donné qu’il est souvent cité dans le Talmud, il convient de dire que c’était son véritable nom
(c-à-d qu’il venait de la ville Mamal (ou Memel ?) et était donc appelé Bar Mamal, comme d’autres -par exp. R. Zeira Bar Mamal dans Kidoushin 9a) mais que portant ce nom, il était plus au courant de ce signifiait ce terme et c’est pour cela qu’il a su répondre à cette interrogation des rabbins qui se demandaient ce qu’est le Mamal dans un pressoir à huile.
(Ou encore, on peut dire comme je l’écris plus haut qu’on aurait choisi de le surnommer par cette halakha bien qu’il soit l’auteur de nombreuses autres Meimrot, étant donné que les Sages étaient coincés dans leur étude de la Mishna sans son explication, c’est donc en cela un enseignement plus précieux.)
Bref, il faut conjuguer les différentes explications et les additionner, puisqu’aucune d’entre elles ne se suffit à elle-même pour expliquer tous les cas.