Citation:
Dans le milieu haredi, on trouve des gens qui ont une avodat hachem qui est plutot dans la joie, et d'autres plutot dans la tristesse. Je ne cherche en rien a stigmatiser juste a comprendre quelle est la bonne voie ?
Cet article resume assez bien ce qu'etait la couleur qu'avait la avodat hachem dans certains milieux il y a quelques siecles.
https://fr.chabad.org/library/article_cdo/aid/5390128/jewish/Comment-le-Baal-Chem-Tov-a-chang-notre-faon-de-considrer-la-joie.htm
Je n’ai pas lu l’article, mais je devine plus ou moins.
Citation:
Je constate aussi en evoluant dans differents minyanim que cela existe encore, avec parfois des minyan qui donnent froid dans le dos de "consternation, voix empreinte de pleurs etc", et ce meme le chabat...
En voyant aussi les gedolim (de quelles origines que ce soit) ont tellement ecrit sur la joie dans la avodat hachem que je ne peux que penser qu'ils appliquaient cela et etaient des gens joyeux et priaient joyeusement, d'ou vient cette tendance encore presente a priait trsitement ?
Il y a la Sim’ha, mais il y a aussi la Yira.
Vous mentionnez des rabanim qui ont donné des enseignements sur la Sim’ha, mais il y a aussi ceux qui ont enseigné l’angoisse et le stress, surtout dans le judaïsme lituanien d’époque.
L’angoisse des Yamim Noraïm est très caractéristique.
Les Drashot /Shmuessen / Si’hot dans les Yeshivot au mois de Eloul sont plutôt dans ces tons d’angoisse -pour ne pas dire de panique.
Quand j’étais jeune et fraichement arrivé à la Yeshiva, après un Shmouess de ce type,
Rav Edelstein m’avait demandé «
alors, on ressent Eloul avec la même intensité en France ? ». Je lui ai dit que non, vraiment pas.
Mais sans pour autant être convaincu que ce soit un défaut.
J’ai eu cette réflexion : quand j’étais en France, Rosh Hashana était une fête. Ici c’est surtout une angoisse.
Dans le monde ‘Hassidique et Sfarade, cette angoisse n’existe quasiment pas. Il y en a une vague allusion car il y a les Sli’hot et le texte des Tfilot lui-même, mais c’est très loin de l’angoisse qui s’empare du lituanien.
Rav Hersh Pessa’h Frank avait raconté que lorsqu’il avait dans les 6 ans,
Rav Israel Salanter était venu dire une Drasha à la synagogue, le Rav était monté sur les marches devant le Heikhal pour y prendre la parole, et le jeune
rav Frank, comme d’autres enfants, était assis sur ces marches sans trop avoir l’intention de vraiment comprendre ce que
Rav Salanter pourrait dire, mais l’écouter comme un enfant de 6 ans.
Rav Salanter a commencé son allocution en criant : «
Ellel ! » (Elloul en prononciation lituanienne), puis, après un bref instant, le Rav s’évanouit (!) et tombe au sol.
En s'écroulant, il tomba sur le petit "futur rav Frank".
Ce dernier a dit que c’était son plus grand ‘Hizouk, toute sa vie, se souvenir de la peur du jugement qu’éprouvait
Rav Salanter.
Imaginez un peu si vous viviez une telle peur chaque mois de Eloul…
Je pense -mais ça n’engage que moi- que cette attitude lituanienne n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui où les juifs ne sont plus lituaniens.
Même les descendants de lituaniens, qui n’ont pas grandi en Lituanie d’avant-guerre n’ont pas la mentalité qu’il faut avoir pour que cette angoisse des Yamim Noraïm soit bénéfique sur la balance avantages/pertes.
Les lituaniens (et russes/ukrainiens) d’avant-guerre avaient une mentalité très différente de celle des lituaniens du XXIème siècle, et encore plus de celle de français (ou anglais, ou suisses, ou belges -et Kal va’homer israéliens) du XXIème siècle.
Le cerveau du lituanien d’avant-guerre fonctionne différemment, il est beaucoup plus « cérébral », il réfléchit pratiquement comme une machine, pas comme un humain (du XXIème s.), il n’y que très peu de place pour les sentiments, sentiments que le lituanien a du mal à appréhender, un peu comme certains autistes Asperger n’arrivent pas à ressentir des choses pourtant assez basiques chez les autres.
Ce n’est pas totalement un hasard si la Lituanie (et consorts) a fourni tant de champions en Gmara -et tant de champions d’échec !
J’ai connu des russes, ils sont très différents des européens sur ce point, et eux-mêmes, lorsqu’ils sont nés après-guerre, reconnaissent être déjà beaucoup plus proches des européens, mais leurs grands-parents sont vraiment différents (l’écart est encore plus marqué qu’entre un grand-père et son petit-fils Français ou d’ailleurs en Europe, kal va’homer en Amérique).
De nos jours et pour nos mentalités, ce stress pré-yamim noraïm est mortifère et risque plus d’abimer notre Avodat Hashem que de la renforcer.
Sauf si -et c’est souvent le cas- le jeune qui s’inscrit dans cette attitude développe une sorte de carapace interne et joue un jeu sans ressentir ce stress avec une parfaite authenticité.
Ce qui lui permet de supporter ce poids tout en continuant de vivre, mais qui a pour dommage direct l’acquisition d’une attitude favorisant le surfait, le « cinéma » et la perte du sentiment profond d’authenticité.
En réalité, cela bousille le rapport avec D.ieu, rapport qui devient surfait, joué, qui manque en authenticité.
Résultat, le Emet perd sa valeur suprême, on s’y intéresse moins, on lui préférera d’autres valeurs à ses dépens, et se développent des théories étrangères aux bonnes Midot, que ce soit dans le domaine de la Hashkafa, du Kiyoum Hamitsvot, de la Hanhaga en général, et même du Derekh halimoud.
Citation:
Encore aujourd'hui Rav Galaye, Zilberstein, sont tres joyeux , meme Rav Kanievsky fait souvent des petites blagues. Rav Steinman zatsal irradiait de joie, alors pourquoi les gens ne s'inspirent pas de cela ?
Alors, pour
Rav Galay, je ne connais pas, je n’en sais rien.
Pour
Rav Zilberstein, c’est très vrai.
Pour son beau-frère
rav Kanievsky ça l’est moins. Il faisait des blagues, oui, mais de là à dire qu’il incarnait la joie, non.
Et puis pensez à leur beau-père, le
Rav Elyashiv.
Il était sûrement très bien et heureux, mais il est difficile de le comparer à
Rav Zilberstein qui a un sourire indélogeable au visage.
(Rav Elyashiv c'est vraiment l'inverse, on a l'impression qu'il faisait la tête en permanence.)
Comprenez-moi bien, je ne viens pas dire que c’est mieux, ni qu’il faille sourire constamment comme lui, ni que Rav Elyashiv était triste, etc. Non. Je souligne juste que ce que vous voyez chez Rav Zilberstein, vous ne le voyez pas chez Rav Elyashiv.
Donc quand vous vous demandez d’où certains ont-ils appris à faire la tête en ayant des exemples comme rav Zilberstein sous les yeux, vous avez la réponse.
Rav
S.Z. Auerbach aussi était très souriant. Mais
Rav Shakh pas du tout. Pourtant il savait aussi faire des blagues et des mots d’esprit.
Idem pour le
Steipler, très très bon en blagues
(niveau nettement supérieur à celui de son fils Reb ‘Haim zatsal), mais visage austère et sérieux (encore plus que son fils).
Son beau-frère, le
‘Hazon Ish, lui aussi affichait un visage austère et grave. Idem pour le
Brisker Rov ainsi que pour la majorité des Gdolim lituaniens.
Citation:
et parfois cela vire au concours du Hazan avec la voix la plus grave, le plus de tremolo dans la priere, et surtout aucune trace de " VIE".
De manière générale, les airs de prières Ashkenazes, surtout des Yamim Noraïm, reflètent cette ambiance (d’angoisse et de crainte) et l’encouragent. Ce qui n’est pas le cas des airs Sfarades des mêmes jours.
Citation:
Parfois le "VeohavtooooOOO" de mon voisin de synagogue me fait palir de honte de ma faible priere, il me semble dans un amour dechirant de pleurs avec Hachem, et parfois je me dis est-ce bien sincere ? et si c'est sincere est-ce bien le chemin attendu ?
Je ne sais pas si c’est sincère, mais je sais que chez beaucoup d’israéliens (et ceux qui s’en inspirent) c’est surfait.
C’est ainsi qu’on prie. On crie, on pleure, on lève la voix. Mais ça n’indique pas du tout un réel, rapport avec D.ieu.
J’ai vu de mes yeux vu, la veille de Rosh Hashana 1991, un Ba’hour Yeshiva (dont je tairai le nom 😊), après avoir pleuré et crié et imploré la miséricorde divine de manière particulièrement convaincante durant les Sli’hot -j’étais sidéré de voir une telle Tshouva-, lorsque les Sli’hot étaient terminées, il y a eu une certaine situation et ce même Ba’hour, en ayant encore les larmes sur le visage, a réussi à faire une Bousha Barabim à un autre en lui répondant de manière humiliante et vexante.
J’y ai assisté, j’étais à quelque mètres, j’ai vu le malaise de l’autre, j’ai vu l’arrogance du pseudo-tsadik et sa manière d’envoyer valser l’autre sans avoir la moindre Ra’hmanout.
Je regrette de ne pas être allé réconforter l’humilié
(toutefois je ne sais pas s’il aurait apprécié de toute façon) mais j’étais totalement bouleversé et désarçonné par l’attitude du pseudo-tsadik.
Comment pouvait-il être Malbin Pnei ‘Haveiro, (en veille de Rosh Hashana) après avoir tant pleuré dans sa prière, et surtout, comment arrive-t-il à avoir assez d’orgueil et d'arrogance pour humilier autrui alors que ses yeux et ses joues sont encore humides de pleurs ?
Ce n’est pas « juste de la Rishout », c’est tout simplement impossible.
Impossible tant qu’on parle de pleurs sincères et pour une personne parfaitement honnête dans son rapport avec D.ieu, avec vérité et authenticité.
Mais s’il a réussi cet « exploit », c’est assurément car ses pleurs sont une posture, c’est un style, on se met à pleurer sans savoir ce que cela signifie, on se détache de la réalité, on joue un jeu, un peu comme un comédien au théâtre qui peut pleurer sans être triste du tout, ou faire une blague à un collègue en coulisse entre deux actes d’un drame.
C’est dramatique.
Du coup, à un moindre niveau, les «
Veohavtooooooo » et autres onomatopées et toute la gestuelle qui va avec, sont souvent une posture (ou si vous préférez : une imposture).
On apprend aux enfants (pas tous heureusement) dès leur plus jeune âge à singer ces mimiques et ils ne se posent pas la question de l’authenticité.
En France (et ailleurs dans le monde), un enfant qui se balancerait frénétiquement et prononcerait son «
Veohavtoooooooo » en tremblant, se sentirait ridicule.
Il se dirait que tout le monde le prendrait pour un bigot orgueilleux et crâneur.
En Israël (dans certains milieux) non.
D'aucuns s'en félicitent, pour ma part, je le déplore.
Citation:
Certains expliquent que les portes de la tefila avec larmes ne font pas allusion a une tefila ou l'on pleure sur nos demandes a Hachem mais des larmes de joie de pouvoir parler avec lui, de constater ce qu'il nous donne, et de pouvoir encore lui demander, se rapprocher de lui, est-ce bien cela le vrai pchat ?
Non, c’est du Droush Bealma.
C’est mignon mais ça ne résiste pas à la critique.
Les textes de ‘Hazal ne semblent pas dire cela.
Le
Zohar (II, 165a) dit כל תרעין ננעלו ואסגירו, ותרעין דדמעין לא אסגירו, ולית דמעה אלא מגו צערא ועציבו
(
toutes les portes ont été fermées, et les portes des larmes n’ont pas été fermées, et il n’y a de larme qu’en raison de la souffrance et la tristesse).
Voir aussi
Brakhot (32b).
Nous voyons bien que nous ne parlons pas de larmes de joie.
C’est aussi ce qui ressort de la Gmara
Baba Metsia (59a) où l’on met en garde contre l’interdit de vexer sa femme en lien avec les larmes que cela pourrait entrainer et que les «
portes des larmes ne sont pas fermées ».
Voyez aussi
Rabénou Be’hayei (Shemot 22,20) au sujet de la veuve et l’orphelin, la même idée, qui montre bien que nous parlons de larmes de peine et de tristesse.
Citation:
Quel est le juste milieu ? Comment savoir la dose ? Qu'attend Hachem de nous ? Une priere avec le sourire ou dans les pleurs ? C'est difficile a comprendre...
Je ne peux pas m’arroger le droit de dire «
ce qu’Hashem attend de nous », certains vous diraient qu’Il attend de nous de crier fort «
Veohavtooooooo » et de trembler entre chaque mot du Shema.
Je peux néanmoins vous dire « ce qu’Hashem attend de nous
SELON moi », sans avoir la prétention de l’imposer à quiconque. Que ceux qui veulent continuer à crier «
Veohavtooooo » et répéter «
Shma, Shma, Shma, Yisroeeeeil » quatre ou cinq fois, se sentent libres de poursuivre leur Avodat Hashem sans avoir besoin de m’insulter parce que je ne comprends pas leur Kdousha Eliona.
Donc je vous réponds que « selon moi » Hashem attend de nous d’être SINCERES, AUTHENTIQUES, sincères avec Lui, sincère avec les gens, être VRAIS, être DROITS, ne pas jouer un jeu, ne pas vivre une vie religieuse
parallèle à la vie réelle, ne pas s’inscrire dans des postures
(au-delà du conventionnel) qui traduisent un orgueil et de l’hypocrisie.
Assumer la réalité et toujours aspirer à se parfaire encore plus, se travailler essentiellement sur les aspects de Avodat Hashem qui ne se remarquent
pas à l’extérieur, un travail sur l’intérieur, sur les Midot, sur la Kavana, la vraie Kavana, ni les répétitions frénétiques de mots du Shema, ni les Kavanot pseudo-kabbalistiques, et le travail des Midot dans la sincérité, sans afficher notre Tsidkout comme un étendard.
Si l’on lit le Shema de manière différente en fonction de si on est à la synagogue ou si on est chez soi, c’est qu’il y a un problème au niveau de la sincérité.
Celui qui va faire tous ces bruits et tremblements lorsqu’il lit son Shema de Arvit à la Shul avant Tset Hakokhavim, puis lorsqu’il sera rentré à la maison et qu’arrive enfin l’heure (23h en été à Paris) pour lire à nouveau le Shema, et là, il le lit très simplement, devrait se poser des questions.
Celui qui est Mekabel Ol Malkhout Shamayim avec SINCERITE lorsqu’il lit le Shema est à des années lumière devant celui qui essaie de singer tel ou tel Rav en tremblant et en répétant les mots du Shema. (Le
‘Hazon Ish tremblait de tout son corps, mais ne répétait pas les mots -
Shaarei Aharon, Kountras ‘Hazon Ish, p.13 §6.)
Une fois cette idée claire en tête, vous saurez de vous-même s’il convient (et où et quand et devant qui) de prier avec des pleurs et des cris.
Pareil pour la Amida et pour toutes les Tfilot.
Celui qui sent qu’il a besoin d’exprimer son Reguesh avec des cris et des gesticulations particulières, devrait d’abord commencer à réserver cette extériorisation pour lorsqu’il prie seul chez lui, et prier humblement et discrètement lorsqu’il est à la shul, à l’instar de Rabbi Akiva
(Brakhot 31a) qui respectait cette règle de pudeur et de modestie en établissant une distinction flagrante entre sa prière Beya’hid et sa prière Betsibour.