Citation:
Quelles sont les différentes positions et solutions quant à savoir si il faut rentrer les fils du talit katan ? Je sais que c'est une grande makhloket, surtout pour les sefaradim. Mais je n'ai pas compris quelle serait la raison de les rentrer, surtout si l'on est en Israël.
La réponse donnée généralement est que cela est Al pi Kabbala, sans préciser les raisons des kabbalistes.
Bien, si j’ai bien suivi, vous me dites que la raison donnée est que c’est «
Al pi Kabbala, sans préciser les raisons des kabbalistes », vous me demandez donc de vous dévoiler des notions kabbalistiques ?
C’est interdit ! A part pour les initiés (et ils n’ont pas besoin de moi).
Bon, je vais voir ce que je peux faire pour vous.
Je commencerai par dire qu’en réalité ce n’est pas tout à fait «
Al Pi Kabala », mais plutôt «
Al Pi Arizal »
(mais -de nos jours- ça revient plus ou moins au même).
Bien qu’il soit écrit «
oureïtem oto », il s’agirait d’une « Reïya Pnimit » (vision par la pensée).
Le
Arizal (Shaar Hakavanot daf 7a col.2) parle essentiellement du Talit (Katan), mais les A’haronim écrivent que cela concerne aussi les fils (cf.
Yefé Lalev §8, sk.21).
Voir encore
‘Hida dans
Kesher Goudal (§2,2) et
Birkhei Yossef (§8, sk.7). Ainsi que
Shout Yaskil Avdi (V, o’’h §3) et (VIII, §2), Ye’havé Daat (II, §1), et Tsits Eliezer (VIII, §3).
Le
Mishna Broura (§8, sk.26) semble frontalement opposé au
Arizal et reproche à ceux qui cachent leurs Tsitsiot un manque de respect pour la Mitsva, tout en les prévenant qu'ils auront des comptes à rendre...
Certains disent, au nom de
Rav Gustman qui rapportait que le
‘Hafets ‘Haim (auteur du Mishna Broura) en personne lui aurait dit que lorsqu’il critique ceux qui ne portent pas les Tsitsiot à l’extérieur, il ne parlait que de ceux qui portent le Talit Katan à l’extérieur
(c-à-d sur les vêtements, comme l’exige le Rav Yossef Karo dans le Shoul’han Aroukh o’’h §8,11).
Ceux-là, puisque leur Talit est à l’extérieur, faire entrer les fils à l’intérieur dénote d’un mépris de la Mitsva, mais si le Talit Katan est porté sous les vêtements (sous la chemise) et ne se voit pas, il n’y a pas de mépris si les fils sont eux aussi à l’intérieur.
Ce témoignage ne semble pas couler de source lorsqu’on lit le
Mishna Broura.
Mais il est vrai qu’il y a une phrase
(די שישימו הציצית בתוך הכנף... ודו"ק) de laquelle il semblerait que le
Mishna Broura parle du cas du Talit sur les habits.
Dans les faits, j'ai un ami dont le grand-père a étudié à Radin chez le
‘Hafets ‘Haim et son grand-père
(R. Lifshitz) disait que durant ses années de Yeshiva auprès du
‘Hafets ‘Haim, il a toujours porté les Tsitsiot « rentrés » dans son pantalon et le
‘Hafets ‘Haim ne lui en a jamais fait la remarque.
Il est probable qu’il n’était pas le seul, à l’instar des autres Yeshivot lituaniennes où l’habitude était de rentrer les fils.
Cette habitude a perduré plus longtemps, à la yeshiva de ‘Hévron, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
En revanche, le
Aroukh Hashoul’han (o’’h §8,17) semble parler du cas du Talit sous la chemise et imposer malgré tout de sortir les Tsitsiot (sauf si l’on se trouve parmi les non-juifs).
[Quand j’étais au Raincy,
Rabbi Yaakov Tolédano qui, bien que Sfarade, préconisait de sortir les Tsitsiot, nous disait (surtout à ceux qui prenaient le train pour venir) de les rentrer (dans les poches) dès qu’on sortait de l’école.
(A l’époque, le danger venait plutôt des skinheads que des maghrébins ou africains. Les skinheads incarnaient le danger néonazi -en France- durant grosso modo une décennie, de 1978 à 1988, après les musulmans ont commencé à prendre la relève.)]
Voir aussi
Shoul’han Aroukh Harav Baal Hatanya (§8,18) (qui insiste aussi pour porter le Talit Katan sur la chemise, alors que le
Aroukh Hashoul’han écrit quant à lui que le Minhag est de le porter sous les habits. Mais tous deux s’accordent sur le devoir de faire sortir les Tsitsiot.)
D’un autre côté, il existe aussi des kabbalistes qui pensent que le
Arizal n’exigeait pas du tout de rentrer les Tsitsiot et qu’au contraire, il convient de les sortir. Voyez à ce sujet
Rav Yaakov Hillel dans son
Shout Vayashov Hayam (I, §3).
Il y a donc dans tous les groupes mentionnés, les Sfaradim, les Ashkenazim, et les kabbalistes, des opinions qui opteront pour rentrer ou pour sortir les Tsitsiot.
Et la distinction habituelle qui dit que les Sfaradim rentrent les fils alors que les Ashkenazim les sortent, n’est pas totalement exacte.
De plus, même les Sfaradim qui disaient de les rentrer, adaptaient aussi parfois leur discours en fonction des situations.
Par exemple,
Rav Mordekhaï Eliahou (qui suit toujours le Ben Ish ‘Haï et les kabbalistes) disait de rentrer les Tsitsiot, mais que celui qui sent qu’il a besoin de les sortir pour en tirer du ‘Hizouk ou bien parce qu’il étudie dans une Yeshiva Ashkenaze où tout le monde les sort, peut lui aussi les sortir.
Venons-en à présent au Taam kabbalistique.
Dans le
Shaar Hakavanot (op cit), ceux qui portent le Talit Katan sur leurs habits sont considérés comme orgueilleux qui se trompent grandement sur la Mitsva
(en fait c’est tout l’inverse du Shoul’han Aroukh).
Mais il ne donne pas l’explication « al pi kabbala » que vous me réclamez.
Par contre, il la donne plus loin
(daf 12c) en disant que le Talit Katan est כנגד פנימיות שלש תחתונות דיצירה
(je ne traduis pas car j'en suis bien incapable et cela ne donnerait rien de compréhensible à celui qui n’est pas initié, mais puisque vous demandez la raison kabbalistique, c’est que vous êtes initié) et c’est la raison pour laquelle il se place sous les habits (voir aussi
Olat Tamid daf 19a).
Le
Yaskil Avdi (VIII, §2) donne une raison différente
(le Talit Katan correspondrait au Ibour, alors que le Talit Gadol à la Leida -je ne traduis pas non plus, pour les mêmes raisons) qui est effectivement mentionnée dans les écrits du
Arizal, mais ça l’a été à propos d’une autre différence entre les deux Talitot, celle de savoir quelles parties du corps ils vont couvrir, et ça n’a pas été dit au sujet de l’emplacement du Talit (sur ou sous les habits).
Le
Vayashov Hayam (I, §3,3, p.55) le souligne et s’en étonne. Il préfère rester sur la raison donnée par le
Mahar’hou dans
Shaar Hakavanot (12c).
PS: je ne me relis pas, veuillez pardonner les fautes.