Citation:
Pouvez-vous m'expliquer la place centrale du Ba'h dans la plupart de nos Sefarim ?
Il est présent dans toutes les Guémarot, mais on lit ses gloses sans vraiment comprendre le problème (s'il y en a un) SAUF si le diyouk est explicite.
Il occupe une place très importante dans le Tour, mais on ne l'étudie quasiment pas dans les Kollelim de la Halakha que j'ai pu fréquenter. Et son avis est, dans Yoré Déa entre autres, quasiment tout le temps repoussé par le Chakh (dans des termes peu élogieux) et le Taz. Pas toujours c'est vrai, mais régulièrement.
D'où mes questions :
1. Comment comprendre la pertinence du Ba'h dans le limoud du Tour alors qu'on ne l'étudie pas du tout comme on étudierait un Beth Yossef (ou même un Pericha / Dericha) ?
Sur le site de la Rabbanout, il n'est même pas au programme de la Semikha :
https://www.smicha.co.il/homerlimudim.php?it=2
bien que j'imagine qu'on peut le voir en filigranne dans les attaques des Nossé Kelim du CA précités.
2. Comment étudier un Ba'h correctement, et quel intérêt présente-t-il au niveau du Limoud du sujet étudié ?
A-t-il mis en place un système particulier de limoud ? Répond-il à un besoin en matière de compréhension d'un sujet ?
Ca me parait étrange qu'il soit mis au niveau d'un "simple" Aharon alors qu'il possède une place de choix sur la page du Tour.
3. Si j'élargis la question: Y a-t-il d'autres systèmes que celui du Beth Yossef (qui lui analyse les principaux commentaires sur le sujet en les confrontant objectant etc...) qui ont été mis en place par des Richonim ou des Aharonim pour comprendre une Souguia ?
Je parle vraiment de mode d'analyse systématique, comme celui du Beth Yossef, mais dans d'autres genres ?
Si oui, quels exemples ?
Vous posez trop de questions pour que je puisse vous répondre convenablement et soigneusement à chaque question sans y consacrer un trop long moment.
Je tente de vous répondre brièvement.
Le
Ba’h est un excellent commentaire du
Tour, son absence au programme du diplôme de la Rabanout n’indique pas grand-chose, c’est juste qu’on ne peut pas demander aux candidats de tout lire et on donne la préférence au
Beit Yossef car il cite beaucoup d’opinions.
Le
Darkhei Moshé et le
Drisha et
Prisha ne sont pas non plus requis pour l’examen de la Rabanout, bien qu’ils soient généralement imprimés sur la page du Tour.
Le fait de figurer sur la page ne résulte pas forcément d’une élection parmi la liste exhaustive des commentateurs.
Le
Knesset Hagdola n’est pas imprimé sur la page.
Le
Mor Ouktsia du
Yaabets est aussi un commentaire du
Tour, il est très intéressant mais n’est pas imprimé sur la page non plus.
On pourrait lier cela à la chronologie, le
Yaabets étant né en fin du XVIIème siècle, c’était trop tard pour obtenir une place de choix sur la page, mais le commentaire du
Mahari Abouhav est important (le
Beit Yossef le cite souvent) et très ancien, et n'y figure pas non plus.
[Certes, à une époque, il y a longtemps, on imprimait plus le
Tour avec les commentaires du
Sma (Prisha & Drisha), qu’avec le commentaire du
Ba’h.
C’est certainement parce que le
Sma est plus concis. Il y a quand même eu des gens qui préféraient le
Ba’h, et le préféraient même au
Beit Yossef, j’ai vu une édition du
Tour qui date de 1818 (donc bien après) qui ne comporte que le
Tour et le
Ba’h, rien d’autre.
Quoi qu’il en soit, de nos jours les exemplaires du
Tour sont accompagnés du
Beit Yossef, du
Darkhei Moshé, du
Ba’h, du
Drisha &
Prisha et du
‘Hidoushei Hagahot.]
Et s’il fallait comparer la perspicacité de ceux qui figurent sur la page, je trouve que le
Ba’h est souvent plus pertinent que le
Beit Yossef, il se casse plus la tête à tenter de comprendre une opinion sur laquelle d’autres objectent, tandis que le
Beit Yossef pourra se contenter de l’écarter.
On voit que le
Ba’h, en plus de son rôle de rabbin et Av Beit Din, était Rosh Yeshiva.
De plus, le
Beit Yossef ne se préoccupe pas autant que le
Ba’h d’expliquer le
Tour, il se concentre surtout sur ce que doit être la Halakha.
C’est ce qu’écrit le
Ba’h lui-même dans sa préface
(Hakdama au Tour ‘Hoshen Mishpat).
Et par rapport au commentaire du
Drisha/Prisha, on peut souligner que ce dernier explique « selon » le
Tour, alors que le
Ba’h mène une étude plus critique du
Tour. Le
Ba’h analyse et critique le
Tour, comme il lui arrive aussi d’écrire une critique du
Beit Yossef.
Il écrira par exemple à propos de ce qu’a écrit le
Beit Yossef « que D.ieu lui pardonne son erreur »
(Ba’h O’’H §135, voir aussi
§370)
(Ba’h E’’H §76, 161, 169) (Ba’h Y’’D §83, 194, 267, 313, 314, 329, 334, 340) (il l’écrira aussi à propos du
Rama, du
Maharshal et d’autres, même sur des Rishonim comme le
Rosh…), il s’opposera de manière catégorique au
Beit Yossef et à son Psak dans le
Shoul’han Aroukh, par exemple en écrivant « il est clair qu’il convient d’annuler cette décision halakhique qui a été prise en suivant le Shoul’han Aroukh »
(Ba’h Y’’d §279).
Il va aussi prendre soin de souligner les contradictions internes dans le
Shoul’han Aroukh, par exemple dans hilkhot Meguila
(Ba’h O’’H §695) il indique qu’il y a lieu de s’étonner sur le
Shoul’han Aroukh qui tranche comme une opinion à un endroit
(§188), et plus loin
(§271) il tranche comme l’opinion opposée, alors qu’ailleurs
(§695) il rapporte les deux opinions sans trancher explicitement !
En fait, le
Ba’h considérait de manière plus large qu’il ne convient pas d’écrire un livre de Halakha pratique dans le genre du
Shoul’han Aroukh.
On doit tirer la Halakha du Limoud des Gmarot et non du
Shoul’han Aroukh, comme il l’écrit dans son
Shout Haba’h (§80) (et voir aussi
Shout Ha’hadashot §42), voyez ce que j’ai écrit à ce propos dans ma préface au
Kountras Kitsour Hahalakha sur Nida (2nde édition, Puteaux 2018, p.8-9).
Mais le
Beit Yossef reste un travail plus complet que le
Ba’h, on « voyage » plus avec le
Beit Yossef, il apporte beaucoup d’auteurs et d’opinions, c’est ce qui est nécessaire pour la Rabanout.
D’autant que les auteurs cités par le
Ba’h le sont généralement aussi par le
Beit Yossef.
Vous semblez dire que le
Ba’h serait moins étudié, c’est essentiellement vrai chez ceux qui étudient pour l’obtention du diplôme de rabbin, les autres trouveront plaisir à la lecture du
Ba’h qui était vraiment un Gaon de premier rang parmi les Poskim A’haronim.
C’est plutôt son responsa
(Shout Haba’h -Hayeshanot) qui ne s’est pas tellement répandu au départ, à en croire le
Rav Mendel Krengel (Haga Mena’hem Tsion sur Shem Hagdolim II, Beit, §53, note 26, daf 9c), les Rabanim de la génération
(il a été imprimé en 5457 = 1697) auraient interdit ce livre ou du moins l’aurait exclu du Beit Hamidrash en raison de la page de garde qui présenterait des formes ressemblant à des idoles ( !).
Il explique que c’est pour cela qu’on ne trouve plus cette édition du Shout Haba’h de 1697.
Je dois avouer que c’est étrange, car pour avoir vu ladite page de garde, je ne sais pas où ils y ont trouvé des idoles.
Elle représente certes des anges et/ou des chérubins, mais c’était assez classique à cette époque, d’autres Sfarim représentant des images a priori plus problématiques n'ont pas fait l’objet d’une censure
(du moins à cette époque).
Il est vrai que le
Ba’h avait
(parmi des Gdolei Israel) des opposants qui n’ont pas ménagé leur langage lorsqu’ils le critiquaient, surtout lorsqu’ils l’ont malmené à propos de certains de ses Psakim jugés trop révolutionnaires.
Voir aussi la
Hakdama écrite par le fils du Ba’h où il parle de son père et de laquelle on voit que toute sa vie, le souhait du
Ba’h était que ses ennemis le laissent tranquille (וכל מגמתו ושאלתו מאתו יתברך ויתעלה היה כל הימים שיניח לו משונאיו אשר עליו קמים). C’est donc qu’ils étaient conséquents.
J’ai aussi constaté que le
Koré Hadorot passe sous silence
R. Yoel Sirkes ainsi que son
Bayit ‘Hadash (Ba’h) et autres Sfarim. C’est étrange, mais je ne saurais en faire des déductions.
[Plus tard,
R. Shlomo ‘Hazan dans son
Hamaalot Lishlomo ne mentionne pas, lui non plus, le
Rav Sirkes ni son
Ba’h. Cependant, il mentionne le
Ba’h pour ses annotations sur le Talmud ainsi que pour ses réponses dans le
Shout Gueonei Batraei.
Il l’appelle «
Harav Ba’h », mais le Sefer Ba’h lui-même n’est pas mentionné.
Toutefois, le
Hamaalot Lishlomo ne prétend pas à l’exhaustivité et il n’y a rien de déductible à partir de cette omission.]
Le
Ba'h a aussi été renvoyé de plusieurs communautés, car il avait des ennemis parmi les dirigeants communautaires qui s'affairaient à le malmener.
Il parait que son renvoi et l’annulation de son contrat en tant que Rav de la ville de Belz a eu lieu suite à un argument sordide (cf.
Gdolei Hadorot I, p.182) :
Un jeudi soir, il étudiait chez lui, éclairé par une bougie. La bougie vint à s’éteindre, il n’en avait plus, il continua donc à étudier par cœur dans le noir.
Cette même nuit, une femme devait accoucher, n’ayant pas de bougie et l’heure étant tardive
(tout le monde dormait), son mari s’en alla quérir une chandelle chez le Rav, sachant qu’il étudiait la nuit éclairé d’une bougie.
En arrivant près de la demeure rabbinique, il constate que la lumière est éteinte et en déduit que le Rav dormait.
Le lendemain, il en parle aux dirigeants communautaires :
le Rav dort comme tout le monde ! il n’étudie pas la nuit !
Evidemment, les dirigeants décident de licencier le Rav pour faute lourde
(et peut-être aussi pour non-assistance à personne en danger ?). Ils rédigent l’acte de licenciement le jour même et chargent le Shamash d’aller le remettre ledit document au rabbin.
C’était peu avant Shabbat, le Shamash n’avait pas cœur à apporter cette nouvelle au Rav qui passerait un shabbat attristé, il décida de surseoir au lendemain.
Après Motsaé Shabbat, il se présente, gêné, devant le Rav et lui demande Me’hila de devoir accomplir son travail en lui remettant ce document…
Le Ba’h en prend connaissance, exprime sa Kpeida sur les dirigeants et sa gratitude envers le Shamash qui lui a évité un shabbat triste, et bénit le Shamash d’avoir un fils Talmid ‘Hakham.
La Kpeida du Ba’h s’accomplit à l’encontre des dirigeants
(je ne sais pas de quelle manière), et sa Brakha eu aussi un impact sur la descendance du Shamash.
Il n’a certes pas eu un fils Talmid ‘Hakham mais un descendant,
Rabbi Aharon Mashia’h (ainsi surnommé par ses contemporains tant sa Tsidkout faisait de lui un Mashia’h potentiel. Niftar relativement jeune, le 2ème jour de Rosh Hashana en 1817), qui sera le Rav de la ville de Belz plus tard à l’époque du Rebbe de Belz
Rabbi Shalom Rokéa’h.
Il doit manquer des éléments à cette histoire du renvoi de Belz, car renvoyer le rabbin sous prétexte qu’il lui arrive de dormir la nuit me semble être un argument à dormir debout.
Parmi les sources de Ma'hloket autour de lui, le
Ba’h (Y’’D §293) a autorisé le Issour ‘Hadash, de nos jours, en ‘Houts Laarets où la récolte appartient à un non-juif.
Ça a fait scandale. Il a été attaqué par de nombreux Rabanim (cf.
Shout Haba’h Ha’hadashot §42), car il s’opposait en cela à de nombreux Poskim qui l’ont précédé et au Psak admis (interdisant).
Il contredit aussi en cela le Psak du
Shoul’han Aroukh (Y’’D §293).
Le
Taz (son gendre), le
Shakh (ad loc), ainsi que le
Maguinei Shlomo (Shout Pnei Yehoshoua II, §34) critiquent sa décision et s’y opposent, idem pour le
Tosfot Yom Tov (Shout Gueonei Batraei §3) qui le contredit sans le ménager et lui intime de faire marche-arrière, ce qu’il refusera.
[Le
Baal Shem Tov comptait parmi les grands admirateurs du
Ba’h.
Il arriva que la question du « Issour ‘Hadash de nos jours quand la récolte appartient à un non-juif » ait été mentionnée lors d’une réunion du
Baal Shem Tov avec ses plus grands élèves de l’époque de Medjibuj
(Medjybij en Ukraine), le
Toldot Yaakov Yossef et le
Méir Netivim (R. Méir Margulies) ont commencé à citer les opinions et les arguments de chacun, ils ont donc mentionné le
Ba’h (incontournable sur ce sujet) et son gendre le
Taz ainsi que de nombreux autres auteurs qui s’opposent à lui.
Et là, le
Baal Shem Tov leur tint ce discours : «
Ici, nous sommes dans la ville du Ba’h (il a aussi été rabbin à Medjibuj),
nous devons donc suivre son opinion, surtout lorsqu’on sait qu’il n’était pas uniquement un véritable Gaon, mais aussi un véritable Tsadik ». Cf.
Sarei Haméa (III, fin de §1. Ed.1999, p.9)]
On trouvera aussi (en filigrane) dans les Poskim contemporains des appréciations négatives sur la conduite du
Ba’h en Yirat Shamayim, comme une critique de son très riche train de vie, entre les lignes d’une critique explicite et une accusation de plagiat, de vol littéraire et de Psak erroné et trompeur (cf.
Damessek Eliezer ‘Houlin 44b) (d’autres critiques sur les explications du
Ba’h qui seraient une « grossière erreur » etc. se trouvent aussi dans ce Sefer).
Rav ‘Haim Nathan Dembitzer (Klilat Yofi II, daf 87a note 3) écrira qu’il ne faut pas croire que le
Damessek Eliezer en voulait personnellement au
Ba’h ou qu’il ne l’aimait pas, c’est juste que sa grande Tsidkout et sa droiture, l’amenaient à exprimer de manière très catégorique ses désaccords avec d’autres auteurs.
Il le prouve en indiquant que -dans son
Damessek Eliezer- il cite souvent le
Maharshal en se basant sur ses conclusions, et cela ne l’empêche pas, parfois, d’écrire à son sujet de manière méprisante que son explication du
Mordekhaï est bien longue pour présenter une idée qui ne mérite même pas d’être écrite.
Je ne sais pas si c’est très convaincant, car il y va fort contre le
Ba’h, il ne donne pas l’impression de l’apprécier.
Voir encore
Klilat Yofi (II, 51a-b) et (I, 55a-b).
Le
Ba'h était aussi souvent en désaccord avec le
Levoush qu’il ne manque pas de reprendre et de critiquer
(Ba’h O’’H §263, 267, 294, 428) et dans
Yoré Déa il se montre encore plus sévère à son égard
(Ba’h Y’’D §147, 374).
De plus, le
Ba’h a écrit contre les ‘Hidoushim du
Drisha/Sma (cf.
Shem Hagdolim I, Youd, §85, daf 38a col.2).
Il a voulu intégrer à son
Ba’h ses remarques sur le
Drisha, mais n’ayant découvert ce livre qu’après avoir transmis son manuscrit du
Ba’h aux imprimeurs, il était trop tard pour le reprendre (cf.
Hakdama du Ba’h au Tour Ora’h ‘Haim).
Il écrira donc un
Kountras A’haron avec des Hassagot sur le
Drisha.
On raconte
(אלף כתב סי' תרע"ח Elef Ketev §678) que le
Ba’h a demandé au
Megalé Amoukot une approbation pour l’édition de son commentaire sur
Ora’h ‘Haim, le
Megalé Amoukot a refusé, le
Ba’h a insisté, toujours le même refus.
Jusqu’à ce que le
Ba’h lui dise qu’en tant que Rav de la ville il le lui impose.
Le
Megalé Amoukot s’exécuta en lui disant que c’était à ses risques et périls, car il savait que la vie du
Ba’h prendrait fin lorsqu’il aura publié le tome
Ora’h ‘Haim (le dernier des quatre).
Et effectivement, le
Ba’h décéda durant l’impression de ce dernier tome en 1640 (Niftar le 20 Adar).
C’est assez étonnant, car si le
Megalé Amoukot sait que cela entrainera le décès du
Ba’h, pourquoi refuser de donner son approbation sans lui en donner la raison ? Et pourquoi accepter finalement, le condamnant en cela ? C’est criminel !
Encore plus étonnant : pourquoi le
Ba’h aurait-il tant voulu une Haskama du
Megalé Amoukot qui avait 20 ou 25 ans de moins que lui et qui n’avait pas le niveau de notoriété du
Ba’h ?
Toujours plus étonnant : cette Haskama mortelle ne figure pas dans ce livre et elle ne se trouve nulle part
(en tout cas je ne l’ai jamais vue).
Et là, on dépasse le stade de l’étonnement : le
Megalé Amoukot est décédé en 1633, le 13 Av, c-à-d plus de 6 ans avant le
Ba’h et l’impression de ce livre…
Certes, selon
Friedberg (Beit Eked Sfarim II, p.400, §101) le
Tour avec commentaire du
Ba’h sur
Ora’h ‘Haim aurait été imprimé en 1631 (et donc du vivant du
Megalé Amoukot), mais cela contredirait aussi l’histoire selon laquelle la parution du livre lui aurait été immédiatement fatale.
De plus,
Friedberg écrit que le tome
‘Hoshen Mishpat date de 1640, ce qui est (aussi) faux.
Il semblerait que
Friedberg se soit embrouillé entre ces deux tomes, Ora’h ‘Haim et ‘Hoshen Mishpat, et les aurait placés chronologiquement selon l’ordre du
Tour, mais dans les faits, c’est par le tome ‘Hoshen Mishpat que cette impression a commencé en 1631, pour terminer avec le « premier » tome, Ora’h ‘Haim, en 1640 (impression débutée en Tamouz 1639).
Bref, l’histoire semble romancée et produite par une imagination fertile.
Le
Megalé Amoukot parait avoir été lié à l’impression du Sefer, au moins pour le premier tome, car le
Pardes Yossef (Vayikra 23,14, p.274) rapporte ce qu’écrit le
Binian David, qu’un décret céleste empêchait la parution du commentaire du
Ba’h car son auteur ne s’affligeait pas sur la destruction de Jérusalem
(ça semble vouloir dire qu’il ne faisait pas Tikoun ‘Hatsot).
Puis, un jour, après avoir écrit une très juste explication d’un passage du
Tour, il s’attrista de savoir que ses éclaircissements ne pourront pas être diffusés, bien qu’ignorant la cause de cet « empêchement ».
Il se mit à pleurer, puis se dit que, dans cet état, il convient aussi de se lamenter sur la destruction de Jérusalem.
Et là, automatiquement, le décret céleste a été levé.
Les écrits ont été transmis au
Megalé Amoukot qui les a fait imprimer.
Voilà pour ce qui est rapporté par le
Pardes Yossef et qui lie de nouveau le
Megalé Amoukot à la parution des livres du
Ba’h.
[Précision : il ne faut pas comprendre que le
Megalé Amoukot fut imprimeur, mais il fut riche. Son beau-père
Moshé Yekels/Jacobovitz était très riche et l’entretenait largement.]
Cette légende est elle aussi assez étrange, comme si le
Ba’h pouvait être conscient qu’il y avait un décret divin contre la diffusion de son commentaire
(avant même qu’il ne le termine, puisqu’il a été levé lors de ces pleurs suite à la rédaction d’une explication du Tour).
De plus, il était très fréquent de ne pas pouvoir imprimer ses Sfarim à cette époque et durant les siècles qui ont suivi.
Aussi, lui reprocher de ne pas faire Tikoun ‘Hatsot semble sorti tout droit d’un conte ‘Hassidique.
Plus particulièrement à cette époque où le Minhag de Tikoun ‘Hatsot n’était pas très répandu en Europe.
Parmi les tous premiers à l’adopter, on compte son jeune contemporain, le
Megalé Amoukot justement !
Une version probablement elle aussi romancée, mais qui a pour avantage d’être moins farfelue et improbable, est rapportée dans le
Gdolei Hadorot (I, p.183). Le
Ba’h aurait demandé à un riche fidèle de lui permettre de faire imprimer son livre, le riche refusa avec des arguments non convaincants.
Le
Ba’h insista jusqu’à ce que le riche lui dévoilât qu’il avait une raison secrète pour ne pas l’aider.
Le
Ba’h lui imposa en tant que Rav de la ville de lui révéler ce secret.
Le riche fut donc contraint de lui dire qu’il avait rêvé du
Megalé Amoukot (déjà décédé, comme dit plus haut) qui lui disait que l’impression du livre du
Ba’h mettrait un terme à sa vie sur terre.
Le
Ba’h refusa d’en tenir compte
(ou préféra que ses livres -au lieu de lui- soient sur terre), le livre fut imprimé et le
Ba’h décéda lors de l’impression.
L’impression que me fait cette version est une volonté minimale de cohérence, à la différence de la version qui parlait de la Haskama post-mortem.
Toutefois, un élément reste étonnant là aussi ; le
Ba’h, à cette période était lui-même riche et subvenait personnellement aux besoins de plusieurs des élèves de sa Yeshiva.
Qu’avait-il besoin d’insister auprès d’un riche de sa communauté ? Il avait largement de quoi faire imprimer son livre sans son aide.
Mais bon, il y a quelque chose qui lie son livre avec sa mort en passant par le
Megalé Amoukot…
Bref, il n’avait pas que des amis et n’a pas été totalement apprécié par la totalité de la gente rabbinique.
D’autres particularités de ses Psakim énervaient aussi ses contemporains. Mais personne ne peut nier que c’était un grand Gaon, un grand Possek, un grand Tsadik et un grand Rosh Yeshiva.
En ce qui me concerne, j’apprécie grandement son commentaire sur le
Tour qui est souvent d’une grande pertinence, et le
‘Hida aussi semblait l’apprécier vu ce qu’il écrit dans
Shem Hagdolim (I, Youd, §85, daf 38a col.2) que le
Rav Yoel Sirkes a écrit le commentaire
Ba’h (Bayit ‘Hadash) sur le
Tour avec une profonde perspicacité (בעומק העיון), et que l’on constate que sur pratiquement chacun des Simanim il élargit et approfondit la réflexion.
(Il n’y a rien à dire, heureusement qu’il a fait ce Tikoun ‘Hatsot grâce auquel son commentaire a pu être imprimé ! 😊)
PS : ma tentative de vous répondre brièvement a échoué.
Du coup, je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.